Pratique | Identification
Distinguer les femelles des Garrots à œil d’or et d’Islande n’est pas qu’une histoire de couleur de bec
Introduction
Si l’identification des mâles en plumage nuptial des Garrots à œil d’or (Bucephala clangula) et d’Islande (B. islandica) est facile, celle des femelles est extrêmement difficile : en effet, les différences sont subtiles et subjectives et demandent une certaine expérience sur le terrain. Les critères indiqués dans les guides, notamment la couleur du bec et la forme de la tête, ne sont pas simples à utiliser, car ils sont plus variables que les descriptions ne le suggèrent. Au début du mois de janvier 2024, Jaouen Verley a découverte une femelle au bec en grande partie jaune orangé sur l’étang de Lindre (Moselle), et il l’a identifiée comme étant un possible Garrot d’Islande en se basant notamment sur ce critère, mais aussi sur les formes de sa tête et de son bec, qu’il avait trouvé légèrement différentes de celles des femelles de Garrots à œil d’or également présentes, et sur son comportement particulier, cet oiseau restant plutôt à l’écart.
Après une présentation de ces deux espèces, nous rappelons les critères d’identification des femelles et nous discutons du cas de l’oiseau lorrain.
Nous remercions Cédric Gentilhomme et tous les autres photographes, dont les noms figurent sous leurs clichés, pour nous avoir aidés à illustrer cet article.
Abstract
If the identification of males in breeding plumage of Common Goldeneye (Bucephala clangula) and Barrow’s Goldeneye (B. islandica) is easy, the case of females is extremely difficult: in fact, the differences are subtle and subjective and require some experience in the field. The criteria indicated in the guides, notably the color of the bill and the shape of the head, are sometimes not easy to note in the field and they are more variable than the descriptions suggest. At the beginning of January 2024, a female with a largely yellow-orange beak was discovered by Jaouen Verley on the Lindre lake (Moselle), and it was identified as a possible Barrow’s Goldeneye based in particular on this detail, but also on the shapes of its head and beak, which had been considered to be slightly different from those of the other female Common Goldeneyes also present, and on its particular behavior, remaining rather apart.
After a presentation of these two species, we recall the criteria for identifying females and we discuss the case of the Lorraine bird.
We thank Cédric Gentilhomme and all the other photographers, whose names appear under their photos, for helping us to illustrate this article.
Le Garrot à œil d’or (Bucephala clangula)
Longueur : 42-50 cm.
Envergure : 65-80 cm.
Description : le mâle adulte en plumage nuptial a le dos, le croupion et les couvertures sus-caudales noirs. La queue est brun grisâtre. Le bas du cou, le haut du manteau, les côtés de la poitrine et les parties inférieures sont blancs. Les scapulaires internes sont noires, tandis que les externes sont blanches avec des liserés noirs. La tête est noire avec des reflets verts, et une tache ronde et blanche est visible entre l’œil et la base du bec. Le bec est noir. Les yeux sont dorés. Les pattes sont jaune orangé.
Le mâle en éclipse ressemble à la femelle, mais il a la tête et le cou d’un brun plus foncé teinté de noir, et il présente parfois une tache blanche devant l’œil.
La femelle adulte en plumage nuptial a la tête brun chocolat, une bande blanche plus ou moins visible autour du cou, le dos, le dessus des ailes et la queue gris ardoisé avec des plumes aux liserés blancs, et les côtés du corps et la poitrine grisâtres. Les dessins des ailes sont identiques à ceux du mâle. Le bec est noir avec l’extrémité jaune orangé d’étendue variable et l’onglet (extrémité) noir. Les yeux sont jaune pâle ou blanchâtres.
L’oiseau de première année ressemble à la femelle adulte mais les grandes couvertures ont l’extrémité noire (= deux barres noires sont visibles sur le dessus de l’aile), les yeux grisâtres ou olivâtres et le bec entièrement noirâtre.
Aire de répartition du Garrot à œil d’or (Bucephala clangula) : en rouge, la zone de nidification et en violet clair, la zone d’hivernage. |
Habitats : il niche dans les zones boisées, principalement dans la taïga, à proximité des plans d’eau et des rivières. En dehors de la période de nidification, il séjourne sur les grands plans d’eau douce et le long des côtes.
Biologie : ce canard plongeur se nourrit de crustacés, d’insectes et de mollusques, et localement d’œufs de poissons et de plantes aquatiques. Il niche dans les cavités des arbres, qui ont souvent été creusées par les grandes espèces de pics, mais aussi dans les nichoirs mis à sa disposition.
Aire de répartition : il niche en Amérique du Nord et de l’Europe du Nord au Japon. Il se reproduit ponctuellement en France (lire Le Garrot à œil d’or a niché en Île-de-France en 2012). Il hiverne dans les zones tempérées plus au sud.
Taxonomie
Deux sous-espèces sont généralement reconnues :
- Bucephala clangula clangula en Eurasie.
- B. c. americana en Amérique du Nord, au bec un peu plus épais et plus long.
Le Garrot d’Islande (Bucephala islandica)
Longueur : 42 à 53 cm.
Envergure : 77 à 83 cm.
Description : le mâle adulte en plumage nuptial a le dos et les ailes noirs, avec une marque alaire blanche, et une série de taches blanches le long des scapulaires. Les parties inférieures (poitrine, abdomen et flancs) sont blanches. Le dessous des ailes est sombre avec les couvertures secondaires blanches. Un grand croissant blanc évident est visible en face de l’œil. La tête présente des reflets métalliques violet foncé ou verts selon la lumière et l’exposition. Le bec est court et foncé. Les yeux sont jaune vif. Les pattes et les doigts palmés sont jaunâtres.
La femelle adulte et le mâle en plumage d’éclipse ont la tête brun sombre, le dos gris-brun, la poitrine, les flancs et le bas-ventre et la queue gris ardoisé foncé. Le bec est en grande partie orangé avec la pointe (onglet) noirâtre, sauf pour la population islandaise, où il est majoritairement sombre. L’œil est jaune vif.
L’oiseau de première année ressemble à la femelle adulte mais son bec est entièrement sombre et ses yeux sont grisâtres ou olivâtres.
Habitat : il niche le long des lacs, des mares et des rivières dans les cavités des arbres et dans les nichoirs, mais aussi dans des terriers abandonnés et dans les crevasses des rochers (en Islande). En dehors de la période de reproduction, il hiverne sur les plans d’eau et le long des côtes.
Aire de répartition du Garrot d’Islande (Bucephala islandica) : en rouge, la zone de nidification, en violet clair, la zone d’hivernage et en violet foncé, la zone de présence toute l’année. |
Aire de répartition : il se reproduit du centre de l’Alaska aux montagnes Rocheuses, dans le sud-est du Canada et en Islande (lire Voyage ornithologique en Islande du 5 au 17 juin 2021). Il hiverne le long des côtes nord-américaines. La population islandaise est sédentaire.
Les critères permettant de distinguer les femelles des Garrots à œil d’or et d’Islande
Les critères d’identification des femelles de ces deux espèces décrits dans les guides ne sont pas toujours faciles à utiliser sur le terrain, et comme c’est souvent le cas, il faut les combiner et bien observer les oiseaux pour pouvoir éventuellement se prononcer en cas de doute, en portant une attention particulière aux formes de la tête et du bec.
La forme de la tête
La forme de la tête est souvent mentionnée dans les guides comme constituant un critère important d’identification des femelles des Garrots à œil d’or et d’Islande, mais elle est variable et difficile à décrire. Elle joue un rôle important dans l’impression générale de la forme et des proportions de l’espèce, mais pour l’évaluer correctement, il faut observer l’oiseau pendant une période suffisante, le comparer aux oiseaux voisins sous le même angle, et tenir compter des variations possibles quand l’oiseau est excité ou calme.
Le Garrot d’Islande a un front abrupt et bombé s’élevant brusquement à partir de la base du bec, et une calotte plate descendant doucement vers un arrière proéminent (« crinière »). La tête semble ainsi « penchée » vers le bec. Elle est globalement ovale et ressemble à la forme de la tête de la femelle du Harle couronné (Lophodytes cucullatus).
Comparaison des têtes et du dessin du dessus des ailes des femelles des Garrots d’Islande (Bucephala islandica) et à œil d’or (B. clangula). Chez la première, notez (1) le bec triangulaire, plus court et plus épais et souvent en grande partie jaune orangé (sauf en Islande), (2) le front plus abrupt et plus bombé, (3) l’iris d’un jaune plus vif, (4) le haut de la tête plus plat et (5) l’arrière de la tête plus fournie. |
Le Garrot à œil d’or a un front pentu qui prolonge, tout en s’élevant, la ligne du profil du bec, jusqu’à une couronne pointue descendant ensuite vers un arrière moins proéminent que celui du Garrot d’Islande. Sa tête est ainsi plus équilibrée, plus haute et plus triangulaire. Elle est aussi plus large, avec des joues « gonflées ».
Les femelles de première année des deux espèces ont des formes de la tête légèrement différentes de celles des adultes et sont moins distinctes. En effet, les plumes des oiseaux de cet âge sont plus courtes, ce qui fait que les particularités de certaines parties, comme la calotte pointue du Garrot à œil d’or ou l’arrière fourni de celle du Garrot d’Islande, sont moins visibles. La forme globale de la tête des jeunes des deux espèces est donc généralement plus arrondie et les différences extrêmement subtiles.
Les formes caractéristiques décrites dans les guides ne sont visibles que chez des oiseaux adultes « calmes ». Quand ils plongent souvent ou sont en alerte, elles changent légèrement. Quand les plumes sont comprimées par l’eau, le front bombé du Garrot d’Islande et la couronne pointue du Garrot à œil d’or sont atténués. L’arrière « touffu » de la tête du Garrot d’Islande reste toutefois toujours visible.
Les différences de la forme de la tête sont également visibles au niveau des ombres et des reflets visibles à l’arrière de la tête : chez le Garrot d’Islande, on note une longue « queue » sombre et légèrement effilée sur la nuque, tandis que chez le Garrot à œil d’or, l’ombre a une forme en « Y ». Cette remarque dépend néanmoins fortement de l’éclairage.
La forme du bec
Les observateurs mettent souvent en avant les différences de forme du bec des deux espèces : celui du Garrot d’Islande serait plus court, mais il s’agit d’une simplification excessive. En effet, il n’y a qu’une faible différence dans la longueur moyenne du bec des deux espèces : Pyle (2008) avait donné une longueur du culmen exposé de 31 à 37 mm pour la femelle du Garrot à œil d’or et de 29 à 33 mm chez celle du Garrot d’Islande, ce qui signifie qu’il existe une grande zone de chevauchement.
Le bec du Garrot d’Islande est en moyenne légèrement plus large que celui du Garrot à œil d’or, ce qui peut le faire paraître plus gros et plus trapu. Toutefois, Fjeldsa (1993) avait étudié le rapport entre la longueur et la largeur du bec chez ces deux espèces, et il avait constaté qu’environ la moitié des femelles de son échantillon tombait dans la zone de chevauchement. Même avec un vernier (lire Mesurer le bec d’un oiseau), de nombreux garrots ne peuvent donc pas être identifiés par la taille de leur bec.
Couple de Garrots d’Islande (Bucephala islandica) en Islande. Notez leur bec nettement triangulaire à large base (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
D’autres détails de la forme du bec sont plus utiles, même s’ils sont visibles uniquement de près. Ils contribuent toutefois à l’impression globale concernant sa forme, qui est clairement triangulaire.
L’onglet, situé à l’extrémité du bec, est plus gros, plus large et plus épais chez celui du Garrot d’Islande. Vu de côté, le bord inférieur du bec de cette dernière espèce se courbe doucement jusqu’à la pointe. Le rapport de la largeur de l’onglet par rapport à la largeur du bec avait permis à Fjeldsa (1993) d’identifier pratiquement tous les spécimens étudiés, mais cet élément n’est pas utile sur le terrain. Même de très près, le contour de l’onglet peut être en outre difficile à déterminer, d’autant plus que sa coloration (par exemple un onglet foncé sur un bec jaune) ne correspond souvent pas à son contour.
Vu de face ou de dessus, le bec du Garrot d’Islande est plus large et se rétrécit brusquement à son extrémité. Globalement, avec son bord inférieur incurvé et son onglet en relief, le bec du Garrot d’Islande semble légèrement retroussé. Il serait enfin possible de voir à travers les narines ouvertes d’après le site web du Ministère canadien de l’Environnement.
Le Garrot à œil d’or a un bec plus droit, plus classique pour un canard, avec une pointe légèrement spatulée.
Notez également que les oiseaux de première année ont en moyenne un bec légèrement plus petit que celui des adultes.
La couleur du bec
Garrot d’Islande (Bucephala islandica) femelle adulte sur le lac Isobel en Colombie-Britannique (Canada) en mai 2013. Notez (1) le bec court et épais en grande partie jaune orangé, (2) le front bombé, (3) l’iris jaune vif, (4) la tête marron sombre et (5) l’arrière de la tête proéminent (« crinière ») (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
De novembre à mai environ, les femelles adultes de garrots peuvent normalement être identifiées grâce à la couleur du bec : chez le Garrot à œil d’or, il est généralement noirâtre avec une petite tache subterminale jaunâtre, tandis que chez le Garrot d’Islande, il est majoritairement jaune orangé.
De juin à octobre, le bec des garrots des deux espèces est plus sombre, la couleur jaune réapparaissant progressivement à l’automne. Les femelles adultes acquièrent leur pleine couleur jaunâtre à partir du mois de novembre, tandis que ce n’est qu’à partir de février qu’elle est pleinement visible chez les immatures.
Dans la plupart des guides de terrain, il est indiqué que le bec de la femelle du Garrot d’Islande était bicolore noir et jaune dans l’est de l’Amérique du Nord, alors qu’il serait entièrement jaune orangé à l’ouest du continent. Toutefois, cette différence n’est pas vérifiée sur le terrain : par exemple, dans l’estuaire du Saint-Laurent (Canada), où hivernent de 5 00 à 1 000 Garrots d’Islande, les femelles adultes ont également un bec entièrement orangé.
En Islande, où cette espèce est sédentaire, les femelles ont un bec sombre avec une extrémité jaune orangé parfois très réduite. Les oiseaux vus en Amérique du Nord avec un bec bicolore sont sûrement des individus de premier hiver.
Un nombre restreint mais significatif de femelles de Garrots à œil d’or adultes et surtout de première année ont un bec majoritairement jaunâtre, comme le Garrot d’Islande : dans le Minnesota (États-Unis), cette proportion serait même importante.
La couleur de la tête
La femelle adulte du Garrot d’Islande a une tête d’un brun chocolat plus foncé, plus riche et plus saturé que celle du Garrot à œil d’or, qui est plus pâle et plutôt brun orangé. Cette différence peut être très subtile et dépend fortement de l’éclairage et de l’angle de vue. Cette caractéristique est donc seulement utile en comparaison directe et doit être confirmée en observant l’oiseau sous différents angles. Le Garrot à œil d’or peut également avoir les pointes des plumes de la nuque plus pâles, contrairement à celles du Garrot d’Islande, qui sont toujours entièrement foncées.
Les femelles de première année des deux espèces ont les plumes de la tête plus ternes et davantage gris-brun : la couleur de la tête est donc un critère d’identification moins utile pour les jeunes oiseaux.
Il est souvent mentionné que la couleur brune de la tête s’étendait plus bas sur le cou pour le Garrot d’Islande, mais ce critère n’est utile que lorsque les oiseaux peuvent être comparés directement et dans la même position, car il varie en fonction de la posture, mais aussi individuellement et avec l’âge (des études plus approfondies sont nécessaires).
La couleur de l’iris
Sur le site web du Ministère canadien de l’Environnement, on peut lire que l’iris de la femelle du Garrot d’Islande est généralement d’un jaune plus vif et intense que celui de la femelle du Garrot à œil d’or.
Le motif sus-alaire
Garrot à œil d’or (Bucephala clangula) femelle sur la rivière Rideau, près d’Ottawa, dans l’Ontario (Canada) en janvier 2010. Notez (1) la grande plage blanche sur les rémiges secondaires (au moins sept de cette couleur, contre six au maximum chez le Garrot d’Islande) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le dessus des ailes du Garrot d’Islande est en moyenne moins blanc car le nombre de rémiges secondaires de cette couleur n’est que de six au maximum, contre sept ou plus chez le Garrot à œil d’or. Toutefois, sur le terrain, les variations et l’apparence changeante de cette marque alaire selon que l’aile est déployée ou non, rendent ce critère peut utile. Même sur une photographie, sa valeur est assez limitée.
Les dimensions
Le Garrot d’Islande est en moyenne légèrement plus grand que le Garrot à œil d’or, sauf au niveau du bec, mais il existe un chevauchement considérable des longueurs, les femelles étant en moyenne plus petites que les mâles et les immatures plus petits que les adultes. En comparaison directe avec des oiseaux du même âge et du même sexe, cela pourrait constituer toutefois un élément complémentaire.
En résumé : l’importance de l’impression générale
L’identification des garrots femelles est généralement basée sur une impression subjective résultant des formes et des proportions de la tête et du bec. La longueur apparente du bec est fortement influencée par l’inclinaison du front (un front incliné prolonge le profil du bec et le fait paraître plus long). Ainsi, lorsque nous regardons deux garrots avec un bec identique, celui qui a le front le plus abrupt semblera avoir un bec plus court. De même, lorsque les plumes de la tête sont comprimées, par exemple après avoir été mouillées, la tête semble plus petite, ce qui rend le bec proportionnellement plus grand. Si nous nous concentrons sur la taille du bec, une première estimation de sa longueur peut influencer la façon dont nous interprétons le reste des critères.
Étant donné qu’il existe un chevauchement pour presque toutes les caractéristiques des deux espèces. l’identification doit être basée sur une évaluation globale. Une combinaison des forme de la tête et du bec et de la longueur de ce dernier est ainsi nécessaire. La couleur du bec est utile, mais elle ne doit pas être utilisée comme seul critère, un nombre significatif de Garrots à œil d’or ayant un bec en grande partie jaune. En outre, en Islande, les femelles de Garrots d’Islande ont le bec sombre à pointe jaune.
Attention aux hybrides
Étant donné que des mâles hybrides sont rarement mais régulièrement observés en Amérique du Nord, il est possible qu’au moins certains femelles de garrots problématiques au bec de couleur atypique soient des hybrides. Di Labio et al. (1997) avaient donné ce conseil : bien que la probabilité de rencontrer un hybride soit faible, toute femelle qui ne présenterait pas toutes les caractéristiques classiques du Garrot d’Islande ou à œil d’or ne devrait pas être identifiée. En effet, reconnaître une femelle hybride sur le terrain serait pratiquement impossible.
Le cas d’une femelle observée du l’étang du Lindre (Moselle) en janvier 2024
Probable Garrot à œil d’or (Bucephala clangula) femelle au bec entièrement jaune orangé au domaine de Lindre (Moselle) le 4 janvier 2024. Notez (1) le bec assez droit et long, (2) le front à « pente douce » (non bombé) et (3) l’iris pâle (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Au début du mois de janvier 2024, une femelle de garrot au bec en grande partie jaune orangé a été découverte par Jaouen Verley sur l’étang de Lindre en Moselle (lire Le Domaine de Lindre, l’étang aux aigles pêcheurs), et cette donnée a été publiée sur le site web collaboratif www.ornitho.fr. Elle a été identifiée comme étant une possible femelle de Garrot d’Islande en se basant notamment sur la couleur de son bec, mais cet avis a fait l’objet de discussions. Ils ont aussi noté que les formes de son bec et de sa tête étaient légèrement différentes de celles des femelles de Garrots à œil d’or aussi présentes. D’autre part, le découvreur a précisé que l’oiseau ne se mêlait pas aux autres individus. Il semble néanmoins difficile de se prononcer sur l’identification de cet oiseau, dont l’observation va de toute façon être soumise à homologation. Rappelons que le Garrot d’Islande est une espèce accidentelle rarissime en France, alors que le Garrot à œil d’or est un hivernant régulier.
D’autres exemples de femelles de Garrots œil d’or au bec en grande partie jaune orangé sont connus.
: par exemple, le 28 décembre 1996, dans une troupe hivernant sur la rivière des Outaouais à Brittania près d’Ottawa (Canada), une femelle avec un bec jaune orangé, avec seulement un peu de sombre à la base, au niveau des narines et sur l’onglet, avait été repérée.
Le 28 décembre 2003, alors qu’il observait les oiseaux dans l’estuaire du Nakdong (Corée du Sud), Nial Moores a photographié un Garrot à œil d’or de type femelle avec un bec entièrement jaune orangé, à l’exception d’une zone sombre autour des narines et d’une pointe noire (voir une photo). Il semblait aussi légèrement plus sombre qu’un Garrot à œil d’or typique présent à proximité et peut-être aussi légèrement plus grand. Toutefois, sa silhouette générale ou « jizz » (lire Définition du « jizz ») était typique de son espèce. Un Garrot d’Islande a un front plus abrupt et bombé, tandis que chez le Garrot à œil d’or, le point le plus haut est habituellement situé au sommet de la calotte, approximativement au-dessus de l’œil. Le bec du Garrot d’Islande a tendance à paraître plus gros, plus large et peut-être aussi plus court, un effet apparemment accentué par l’arrière de la tête plus fournie.
L’oiseau de Nakdong avait un bec assez long et une tête bien proportionnée. Des mesures approximatives effectuées sur des photos de l’oiseau ont montré que la partie la plus longue de sa tête (mesurée de la base du bec à la nuque) était inférieure à 1,5 fois la longueur du bec, ce qui est conforme à ce qui a été noté sur d’autres images de Garrots à œil d’or. Les mêmes mesures réalisées sur des images de Garrots d’Islande prises au Canada ont donné une longueur de la tête en moyenne deux fois supérieure à celle du bec. Les proportions et la structure de l’individu vu en Corée du Sud correspondaient donc clairement à un Garrot à œil d’or. Cet avis était partagé par des experts du Slimbridge Wildfowl and Wetlands Centre (Royaume-Uni), qui ont ajouté que des Garrots à œil d’or au bec entièrement orangé n’étaient pas rares dans les collections.
Une vidéo de la femelle « suspecte » de l’étang de Lindre (Moselle) du mois de janvier
Jaouen Verley a réalisé une vidéo (ci-dessous) de la femelle « suspecte » de Garrot d’Islande découverte le 10 janvier 2024 sur l’étang de Lindre en Moselle, montrant son bec en grande partie orangé et la forme de sa tête, mais aussi le fait qu’elle restait à l’écart des femelles de Garrots à œil d’or également présentes.
Femelle « suspecte » de Garrot d’Islande (Bucephala islandica) découverte sur l’étang de Lindre (Moselle) le 10 janvier 2024.
Source : Jaouen Verley
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Compléments
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Garrot à œil d’Or (Bucephala clangula)
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- Birdwatchers’ Map of Iceland (2015) de J.B. Hlioberg (Auteur)
Sources
- Gouvernement du Canada (2017). Barrow’s goldeneye: know how to recognize it. www.canada.ca
- David Sibley (2010). Distinguishing female Barrow’s and Common Goldeneyes. Sibley Guides. Jean Iron Photos Date : 02/03. www.sibleyguides.com
- Bruce Di Labio, Ron Pittaway et Peter Burke (2010). Recognizable Forms – Bill Colour and Identification of Female Barrow’s Goldeneye. Volume : 15. Numéro : 2. www.jeaniron.ca
- Nial and Charlie Moores (2004). Separation of female-type Barrow’s Goldeneye Bucephala islandica and Common Goldeneye Bucephala clangula – more than just bill colour. Birds Korea. www.birdskorea.org
- Samuel M. Carney (1983). Species, Age, and Sex Identification of Nearctic Goldeneyes from Wings. The Journal of Wildlife Management
Volume : 47. Numéro : 3. Pages : 754-761. www.jstor.org - Oiseaux-birds. Garrot d’Islande. www.oiseaux-birds.com
- Oiseaux-birds. Garrot à œil d’or. www.oiseaux-birds.com
2 commentaire(s) sur ce sujet
Participer à la discussion !jacky.werck
Remiremont
Posté le 27 janvier 2024
Bonjour,
Le 6 avril 2023 j’ai eu l’occasion de photographié un couple de Garrot à l’œil d’or sur les bords du lac de Michelbach(68700) dont la femelle a un bec de couleur noir uniforme. Est-ce une autre « variété »? Si vous le désirez je peux vous faire parvenir quelques photos de ce couple en m’indiquant comment procéder. Voilà ,merci.
Ornithomedia
sevran
Posté le 27 janvier 2024
Bonjour, merci beaucoup. A priori, un bec entièrement sombre signifie qu’il s’agissait d’un jeune oiseau -) Cordialement Ornithomedia