Les plages sont aussi des sites de nidification, de nourrissage et de repos pour les oiseaux

Poussin de Petit Gravelot (Charadrius dubius)

Poussin de Petit Gravelot (Charadrius dubius) sur une plage de galets le long du Doubs à Lays-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire) le 11 août 2013.
Photographie : Samuel Desbrosses

Certaines plages de sable et de galets (mais aussi les dunes et les vasières) le long des côtes, des lacs et des cours d’eau constituent des habitats de nidification, de nourrissage et de repos pour de nombreux oiseaux. En France, le Grand Gravelot (Charadrius hiaticula), le Petit Gravelot (Charadrius dubius), le Gravelot à collier interrompu (Charadrius alexandrinus), l’Oedicnème criard (Burhinus oedicnemus) (par exemple sur les bancs de sable de la Loire et de l’Allier, lire L’Allier entre Moulins-sur-Allier et le Bec d’Allier), l’Huîtrier pie (Haematopus ostralegus), les Sternes pierregarin (Sterna hirundo), naine (Sternula albifrons) (par exemple sur les bancs de sable de la Loire et de l’Allier) et caugek (Thalasseus sandvicensis) (par exemple sur le banc d’Arguin en Gironde, lire Observer les oiseaux dans la réserve naturelle nationale du Banc d’Arguin) l’Alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla) et le Pipit rousseline (Anthus campestris) sont quelques-unes des espèces déposant leurs oeufs sur le sable.
Ces oiseaux ne construisent pas de nid, juste parfois une ébauche tapissée d’algues séchées. Les limicoles nichent plutôt en haut des plages, non loin de la base des dunes, et les passereaux souvent près d’un buisson ou d’une touffe de graminées.
Généralement migrateurs, ils ne commencent leur période de ponte qu’assez tardivement, en avril-mai. Pour nourrir leurs petits, ils sont obligés de s’éloigner de leur nid. Lorsque leur progéniture est menacée, les parents essaient de chasser l’intrus : les sternes survolent sa tête en criant, les huîtriers s’éloignent en poussant de puissants cris et les gravelots courent et simulent parfois une blessure (lire Le comportement des gravelots nicheurs vis à vis des dérangements). La page Facebook « Météo des oiseaux » donne des conseils pour apprendre à repérer les sternes nicheuses sur le littoral du Languedoc-Roussillon.
Tous ces oiseaux sont très sensibles aux dérangements (promeneurs, chiens, sportifs). À force de dépenser de l’énergie, ils peuvent finir par se lasser et partir. La répétition des dérangements peut empêcher la bonne incubation des oeufs. Une étude menée en Grande-Bretagne sur le Pluvier doré (Pluvialis apricaria) a montré que des interruptions répétées pendant la période d’élevage des jeunes réduiraient leur taux de croissance et leur probabilité de survie.
D’autre part, quand les adultes sont obligés de délaisser leur nid, les œufs ou les poussins deviennent des proies idéales pour les goélands et les corneilles, et les rapaces comme le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) peuvent profiter d’une panique dans une colonie pour attraper les moins vigilants.

Poussin de Petit Gravelot (Charadrius dubius)

Jeune Petit Gravelot (Charadrius dubius) sur une île de la Loire à Ancenis (Loire-Atlantique) le 15 juin 2015.
Photographie : Abel Prampart

Du fait de leurs couleurs mimétiques les oeufs et les poussins de plusieurs espèces peuvent être aussi tout simplement piétinés par des promeneurs ou des véhicules.
L’urbanisation du littoral et la forte fréquentation touristique des plages à la belle saison limitent en outre de plus en plus les endroits favorables à la nidification de ces oiseaux.
Afin de garantir le succès de leur reproduction, entre le 1er avril et le 31 juillet, des zones interdites au public, signalées par des panneaux demandant aux promeneurs de rester sur les sentiers et de garder les chiens en laisse, sont parfois définies, et des sentiers sont tracés.
Des cages peuvent être posées sur les nids de gravelots afin de les protéger des prédateurs (oiseaux, chiens…). Ces mesures peuvent réduire les dérangements d’origine humaine (lire Comment concilier tourisme côtier et protection des gravelots ? Première partie), mais des règles plus restrictives d’interdiction totale sont parfois nécessaires.
D’autre part, les plages constituent des sites de nourrissage et de repos pour les limicoles, les laridés, les cormorans (mais aussi les pélicans et bien d’autres familles d’oiseaux à travers le monde) durant les migrations et en hiver.

Une liste de conseils pour partager les plages avec les oiseaux (et les autres animaux sauvages)

Soyez attentif et gardez vos distances

Il ne faut pas s’approcher des oiseaux nicheurs, mais aussi de ceux qui se nourrissent ou se reposent, car on risque de les déranger. Si vous voyez un oiseau criant, s’agitant nerveusement ou simulant une aile cassée, c’est que vous êtes sûrement trop près de son nid (lire Pourquoi certains oiseaux sont-ils parfois si confiants ?).
Si vous cherchez un endroit pour installer votre serviette et votre parasol, vérifiez bien qu’aucun oiseau ne niche à proximité.

Respectez les panneaux d’information

Si des panneaux indiquent qu’une zone accueille des oiseaux nicheurs durant une période donnée, il ne faut pas aller au-delà, même si vous ne les voyez pas.

Gardez votre chien en laisse

Sterne pierregarin (Sterna hirundo)

Une sterne perturbée aura un comportement inhabituel, volant et criant sur place : ce n’est heureusement pas le cas de cette Sterne pierregarin (Sterna hirundo) photographiée au  Croisic (Loire-Atlantique) le 17 août 2015.
Photographie : Samuel Desbrosses

S’il est sympathique de voir son chien se défouler en courant dans tous les sens, gardez-le en laisse durant la période de nidification des oiseaux, en particulier près des dunes, dans la partie supérieure de la plage et à proximité des zones protégées. Si vous décidez de le lâcher, surveillez-le bien pour ne pas qu’il coure derrière les oiseaux ou qu’il ne détruise une couvée. Si vous débarquez sur une île sablonneuse (si cela est autorisé), gardez-le aussi en laisse.

Pas de feux d’artifice ni de pétards

En France, les 13 et 14 juillet, les feux d’artifice (modèles autorisés à la vente) et les pétards résonnent un peu partout : il ne faut pas les déclencher sur les plages et dans les dunes, cela risque d’avoir un effet catastrophique sur les oiseaux nicheurs.

Si vous êtes à cheval

Les promenades à cheval sur les plages peuvent être autorisées, généralement hors saison touristique (juillet-août), tôt le matin et tard le soir et toujours à marée basse. Là aussi, évitez de circuler près des dunes, respectez les zones protégées et évitez de déranger les oiseaux se reposant et se nourrissant.

Si vous êtes en bateau

Les herbiers aquatiques proches des plages sont fragiles et servent de nurseries pour les poissons dont se nourrissent les sternes (entre autres), n’y mouillez pas vos ancres et choisissez le sable nu.

Ramassez vos déchets

Les déchets peuvent être mortels pour les oiseaux (étouffement, étranglement, toxicité), ils peuvent favoriser les prédateurs (goélands, corneilles, mammifères) (évitez aussi de les nourrir) et ils dégradent le paysage. Emportez-les avec vous ou déposez-les dans les poubelles les plus proches.

Si vous pratiquez la pêche à pied

À chaque poisson ou coquillage pêché correspond une taille minimale de capture afin de permettre leur reproduction : laissez les petits poissons et autres animaux marins devenir grands et permettez ainsi le maintien de la biodiversité.

Ne laissez pas derrière vous vos fils de pêche et vos hameçons

Si vous avez décidé de pêcher sur la plage, vérifiez bien avant de partir que vous n’avez pas laissé derrière vous des fils de pêche et des hameçons, qui peuvent être mortels pour les oiseaux.

Signalez les oiseaux blessés

Si vous trouvez un oiseau blessé (attention, un adulte peut simuler une aile brisée pour vous éloigner de son nid), contactez un centre de soins (lire Oiseau blessé ou oisillon tombé du nid : que faire ?).

Respectez la végétation

Laisse de mer

Les laisses de mer (ici en baie de Somme) doivent être conservées.
Photographie : Ornithomedia.com

La végétation dunaire fixe le sable et abrite une faune fragile. Les oiseaux peuvent y nicher et y chercher leur nourriture. Ne vous promenez pas dans les dunes en dehors des accès prévus.

Sensibilisez les autres et les mairies

Si vous voyez des personnes ayant un comportement non approprié, essayez de les sensibiliser en leur parlant (amicalement) de la nécessité de respecter la nature et les oiseaux : qui sait, cela pourra peut-être éveiller des consciences.
Si vous constatez que des oiseaux nichent sur une plage ou dans des dunes, parlez-en à la mairie de votre commune pour qu’éventuellement des mesures de protection soient prises.
De même, le nettoyage régulier des plages par des engins spécialisés ne laisse que très peu de chance aux nids et aux couvées. La mauvaise habitude qui consiste à supprimer les laisses de mer (accumulation par la mer de débris naturels à la limite supérieure du flot), au prétexte que ça fait « sale » prive les échassiers nicheurs et migrateurs des puces de mer dont ils se nourrissent : essayez de sensibiliser la mairie concernée à ce sujet.

L’opération « Attention, on marche sur des œufs !’

Panneau de sensibilisation sur le respect de la nidification des gravelots

Panneau de sensibilisation sur le respect de la nidification du Grand Gravelot (Charadrius hiaticula) et du Gravelot à collier interompu (C. alexandrinus) sur la plage du phare de Walde (Pas-de-Calais).
Photographie : Ornithomedia.com

Pour sensibiliser les usagers au respect de la faune du littoral français, le Conservatoire du Littoral, l’Office Français de la Biodiversité, l’Office National des Forêts, la Ligue pour la Protection des Oiseaux et Rivages de France, en partenariat avec de nombreuses associations et gestionnaires de sites, appellent à la vigilance sur les plages et ont imaginé l’opération « Attention, on marche sur des œufs ! » qui s’étale jusqu’au mois d’août.
Dans le cadre de cette action, ces organismes se mobilisent à plusieurs niveaux :

  • cartographie, suivi et action de protection des nids jusqu’à l’envol des poussins.
  • Information et sensibilisation des usagers (promeneurs, sportifs, professionnels du tourisme, collectivités, etc.),
  • Surveillance et police de l’environnement.

La cinquième édition a été lancée le 11 avril 2024 sur le site du sillon de Talbert, dans la commune de Pleubian, dans les Côtes-d’Armor (lire Observer les oiseaux du Sillon de Talbert).

Les mesures de protection (signalisation et enclos) mises en place depuis 2020 dans le cadre de cette opération continuent de montrer leur efficacité, avec un succès de reproduction de 86 % pour les nids protégés, contre 30 % pour les autres. Ainsi, en 2023, 33 poussins de Gravelots à collier interrompu sont nés dans le Parc Marin du bassin d’Arcachon (Gironde), contre 19 en 2022.
Les organisateurs rappellent les attitudes à adopter pour réduire son impact sur l’avifaune nicheuse et sauver des poussins :

  • vérifier que l’accès au site du littoral où l’on souhaite se rendre est autorisé et que les activités que l’on compte mener sont permises.
  • Rester sur les sentiers balisés.
  • Tenir strictement son chien en laisse.
  • Éviter de fréquenter le haut de plage, les dunes de sable ou les espaces végétalisés en arrière du littoral.
  • Respecter la signalétique relative à l’environnement et à la circulation des personnes.
  • Ne laisser aucun déchet derrière soi.

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