Pratique | Conseils
Comment déplacer un nid d’oiseau occupé en cas de nécessité ?
Introduction
C’est toujours un plaisir d’avoir des oiseaux nichant dans son jardin ou dans sa maison, mais l’emplacement choisi pour construire le nid est parfois inhabituel, voire gênant (derrière un volet, dans un véhicule immobile un certain temps, dans un arbuste qui doit être taillé, etc.) ou dangereux pour les poussins (très exposé, à la portée d’enfants ou de chats, etc.). Il est toujours préférable et conseillé d’attendre que les petits s’envolent, ce qui dure généralement quatre à cinq semaines, mais si l’on n’a pas d’autre choix, en cas de force majeure ou de danger imminent, il faut parfois envisager de déplacer le nid et ses occupants. Pour limiter les risques d’échec (= abandon du nid occupé), et donc pour éviter d’avoir à s’occuper soit même des oisillons, il convient de respecter quelques règles et principes.
Cet article rassemble un certain nombre de conseils pratiques pour savoir quoi faire lorsque l’on se trouve dans ce type de situation.
Abstract
It is always a pleasure to have birds breeding in your garden or in your house, but the chosen location to build the nest is sometimes unusual, even awkward (behind a shutter, in a vehicle, in a shrub which must be pruned, etc.) or dangerous for the birds (very exposed, within reach of children or cats, etc.). It is always preferable and advisable to wait for the chicks to fledge, which usually lasts four to five weeks, but if one has no other choice, it is sometimes necessary to consider moving the nest and its occupants. To limit the risks of failure (= abandonment of the occupied nest), and therefore to avoid having to take care of the young birds, it is necessary to respect a few rules and principles.
This article presents practical tips on what to do in this type of situation.
Quelques exemples d’emplacements inhabituels ou gênants
Cette Mésange bleue (Cyanistes caeruleus) a niché dans un cendrier ! |
Les oiseaux construisent parfois leurs nids dans des emplacements inhabituels qui peuvent être gênants pour les occupants de la maison, voir dangereux pour les poussins :
- près d’une porte
- le long d’un chemin très fréquenté
- dans une gouttière ou un tuyau
- sur une chaudière ou un chauffage
- dans du matériel de jardin, comme un grill ou une tondeuse à gazon
- dans un véhicule
- dans un bateau en cale sèche
- dans une cheminée
- derrière des volets ou sur un store
- dans un conduit d’air conditionné
- dans une boîte à lettres
- dans un cendrier
- dans un tuyau, etc.
Le nid peut aussi être très visible, très accessible, ou des intempéries peuvent l’avoir fait tomber. Il faut donc le déplacer et décourager les oiseaux de le reconstruire au même endroit.
Éviter au maximum de déplacer un nid et ses occupants
Les hirondelles peuvent nicher dans des endroits gênants, comme ici devant une aération. |
Il est toujours préférable de ne pas déplacer un nids et ses occupants, notamment dans le cas de certaines espèces très sensibles (ce qui n’est généralement pas le cas des oiseaux courants de nos jardins, plutôt habitués à notre présence). La destruction intentionnelle des habitats (y compris les buissons et les arbres) des espèces protégées est d’ailleurs interdite par la loi française. Tout milieu abritant des nids de ces espèces ne peut donc théoriquement pas être dégradé : toutefois, dans le cas d’espèces communes qui peuvent facilement trouver une autre zone de reproduction, comme le Merle noir (Turdus merula) ou les mésanges, il existe une certaine tolérance si la destruction n’est pas voulue.
Évitez de tailler les arbres et les arbustes entre avril et août (lire L’élagage de printemps et d’été, une menace pour les oiseaux (et les arbres) : entre septembre et mars, les oiseaux sont généralement adultes, indépendants et peuvent fuir. Si vous devez tout de même faire des travaux dans votre jardin au printemps, observez d’abord la zone concernée (herbes, buissons, troncs, houppiers) pour repérer d’éventuels nids, des mouvements des adultes (allers-retours des parents) ou entendre les cris répétitifs des jeunes.
Travaillez doucement afin de ne pas faire de dégâts irrémédiables et de pouvoir entendre les piaillements des oisillons.
Si un nid occupé a été trouvé, essayez au maximum de conserver son environnement immédiat, notamment la branche de soutien et les branches proches. Conservez une « zone végétative de sécurité », si possible d’un mètre de large et de haut.
Mais dans la mesure du possible, retardez vos travaux et attendez que les petits quittent le nid (quatre semaines en général).
Il faut respecter la loi française
Couple de Tourterelles turques (Streptopelia decaocto) ayant niché derrière une fenêtre. |
En France, selon l’article 3 de la loi de protection de la nature votée en 1976, la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids […] sont interdits pour les espèces sauvages. Le déplacement d’un nid et de ses occupants est donc interdit ou nécessite une autorisation officielle pour des espèces menacées très sensibles (ce n’est généralement pas le cas des oiseaux courants des jardins), les rapaces et les autres grands oiseaux qui réutilisent le même nid plusieurs années de suite.
Toujours en France, le transport des oiseaux en situation de danger imminent est toléré s’il s’agit de les apporter dans un centre de sauvegarde de la faune sauvage, mais il est préférable de signaler préalablement le transport à votre préfecture (service faune), au service vétérinaire de la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt (DDAF), à la Gendarmerie ou à l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage.
En cas de doute, vous pouvez toujours contacter une association ou un centre de soins de la faune sauvage qui pourront vous indiquer la conduite à tenir.
Les oisillons
- Les œufs et les oisillons sont très délicats et peuvent facilement être cassés, refroidis ou blessés, il faut donc limiter au maximum les manipulations et leur durée.
- Il vaut mieux éviter de toucher les oisillons et les œufs à main nue : l’odorat des oiseaux est généralement limité, sauf dans quelques cas comme les hirondelles, et donc toucher un nid ou un oisillon ne provoque généralement pas leur abandon (lire Toucher un oisillon peut-il provoquer son abandon ?), mais utilisez plutôt des gants ou une serviette, ce qui vous permettra aussi de vous protéger des mites, des bactéries et d’éventuels parasites et évitera de laisser votre odeur qui pourrait attirer des prédateurs.
Les risques d’abandon sont en fait davantage liés à des stimuli visuels qu’olfactifs : lorsque les adultes réalisent que leur nid ou que leurs petits ont été déplacés, ils peuvent estimer qu’il y a un danger potentiel et qu’il est préférable de partir. -
Les oiseaux peuvent construire leur nid dans des endroits inattendus, comme ces Mésanges charbonnières (Parus major), ou peut-être de Troglodytes familiers (Troglodytes troglodytes), qui ont installé le leur dans une serpillère à Saint-Méloir-des-Bois (Côtes-d’Armor) en 2015.
Photographie : Claudy GodardLimitez au maximum la période durant laquelle les oisillons sont éloignés des parents. Il est préférable de faire le déplacement du nid et des poussins le plus rapidement possible, au plus tard dans la même journée.
- Il faut éviter de faire le « déménagement » à la tombée de la nuit (afin que les parents puissent le voir et que les petits n’aient pas froid). Gardez-les au chaud chez vous pour la nuit et installez-les tôt le matin. De même, retardez l’opération en cas de fortes pluies.
- Avant de déplacer un nid, il faut s’assurer de l’état de santé des oisillons : ils doivent rester au chaud. S’ils sont froids, il faut les réchauffer (avec leur nid de préférence) un moment.
- Ne nourrissez pas les oisillons, même s’ils le réclament : en effet, s’ils sont rassasiés, ils n’appelleront pas leurs parents et ils ne pourront donc pas être repérés par ceux-ci dans le nouvel emplacement.
Quand le nid est trop abîmé
Si l’ancien nid ne peut être déplacé et réutilisé, jetez-le dans un composteur ou dans une poubelle afin qu’il n’attire pas d’éventuels prédateurs. Si l’ancien emplacement était situé sur un bâtiment, nettoyez la zone avec une solution chlorée diluée.
Empêcher les oiseaux de se réinstaller dans l’ancien emplacement
Si vous ne désirez pas que les oiseaux se réinstallent dans le même secteur, il faudra prendre quelque mesures :
- placez dessus des matériaux ou des piques (non dangereuses, du type anti-pigeons, achetables dans le commerce);
- bouchez les cavités;
- placer un faux chat, une silhouette de rapace ou un objet brillant mobile;
- surveiller en début de saison de nidification qu’aucun nid n’est en cours de construction.
Choisir l’emplacement d’accueil
L’emplacement d’accueil doit :
- être situé le plus près possible du nid d‘origine (20 mètres au maximum), et il doit être similaire si possible (par exemple, s’il était placé dans un arbuste, installez-le si possible dans un arbuste lui ressemblant, à la même hauteur);
- être tranquille, discret, suffisamment en hauteur, à l’abri des prédateurs (chats, rats);
- être installé à mi-ombre ou à l’ombre, protégé des intempéries.
Un nid de remplacement
Un nid classique disponible dans le commerce : il pourra servir de nid de remplacement pour les mésanges. |
S’il n’est pas possible de déplacer et/ou de réutiliser le nid d’origine, vous pouvez installer les occupants et les matériaux existants dans un nichoir déjà prêt et adapté à l’espèce (disponible dans le commerce).
Vous pouvez également construire un nichoir « improvisé » :
- pour les espèces nichant dans des cavités (comme les mésanges), utilisez une boîte en carton (qui pourra être protégée de la pluie par du plastique) avec un couvercle et une ouverture de taille suffisante pour les parents (par exemple 32 mm de diamètre pour une Mésange charbonnière, 50 mm pour un Moineau domestique, 65 mm pour un Étourneau sansonnet…). Si jamais le nid était installé dans un tronc et que l’arbre a dû être coupé, vous pouvez découper le tronçon contenant le nid, le fermer aux deux extrémités et l’accrocher à proximité.
- Pour la plupart des autres espèces (Merle noir, Pinson des arbres, Rougequeue noir, Tourterelle turque, Pigeon ramier…), utilisez un carton ou une boîte dont le couvercle aura été enlevé. Ses bords ne devront pas être trop hauts (inférieurs à 15 cm).
- Pour les espèces nichant dans des nids en forme de coupe (merles, grives…), vous pouvez placer les oisillons dans un contenant ayant une forme similaire (corbeille…).
Ce nichoir sera placé sur un support artificiel (rebord de bâtiment, balcon, escabeau…) ou bien accroché.
Si les matériaux de l’ancien nid ne sont pas réutilisables, placez les petits sur une serviette ou dans de la paille (évitez le coton). Faîtes en sorte que les poussins ne soient pas recouverts par les matériaux.
Dans tous les cas, pour protéger votre nichoir du soleil ou des intempéries, vous pouvez créer une sorte de toit ou tendre un tissu imperméable ou une bâche (qui ne fera pas de bruit avec le vent) .
Avant de placer la nichée dans leur nouvelle « maison », laissez-là quelques minutes bien en vue pour que les parents la repèrent.
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Vérifier que les parents reviennent bien
Pour vérifier que les parents ont bien accepté le déménagement et qu’ils continuent de prendre soin de leurs petits ou des œufs déplacés, absentez-vous (ou cachez-vous) complètement pendant deux à trois heures puis observez la scène à une distance raisonnable : vous devriez voir les parents assez rapidement (de moins de 30 minutes à une heure) pour la plupart des petites espèces des jardins (mésanges, grives, pinsons, mésanges…), ou parfois longtemps après pour les plus grandes (pies, pigeons…). Les parents peuvent faire plusieurs tentatives pour se rapprocher du nouveau site, laissez-leur du temps.
S’ils ne reviennent pas, il sera peut être préférable de remettre le nid dans son ancien emplacement si cela est encore possible. Sinon, vous devrez vous occuper des poussins (lire Que faire pour un oisillon tombé du nid ?) ou contacter un centre de soins de la faune sauvage, comme ceux de l’U.F.C.S. (Union Française des Centres de Sauvegarde de la Faune sauvage).
Déplacer un nid occupé d’hirondelles : une méthode testée
Nid occupé d’Hirondelles rustiques (Hirundo rustica), Les Saintes-Maries de la Mer (Bouches-du-Rhône), le 12 août 2016. |
Les Hirondelles rustique (Hirundo rustica) et de fenêtre (Delichon urbicum) peuvent parfois nicher dans des endroits inattendus ou génants, ou bien sur un bâtiment sur le point de s’effondrer ou d’être détruit. Comme d’habitude, il est toujours préférable de laisser la nidification aller jusqu’à son terme, mais il y a des cas de force majeure. Dans un article publié en 1990 dans le Journal of Field Ornithology, David Winkler et John McCarty ont testé une méthode (un peu compliquée il faut l’admettre) pour déplacer de 3,5 km deux nids d’Hirondelles rustiques installés contenant des oisillons construits dans une grange pour les installer sous un pont (après avoir obtenu les autorisations nécessaires).
Pour chaque cas, ils ont :
- placé le nid dans une boîte en bois ouverte de 13 cm de large sur 20 cm de haut sur un côté avec un rebord de 5 cm de haut pour éviter que les petits ne tombent
- laissé la boîte accrochée à proximité de l’emplacement original durant quatre jours pour s’assurer que les parents avaient bien accepté ce nouveau nid
- déplacé la boîte de quatre mètres en douze heures, en s’assurant à chaque fois que les parents étaient toujours là, et ils l’ont posée sur le toit d’une voiture
- ont conduit très doucement (ils ont mis près d’une journée pour parcourir les 3,5 km) vers le pont
- ont placé les petits dans un nid abandonné d’hirondelles.
Les petits des deux nids ont continué à être élevés par leurs parents jusqu’à leur envol, mais dans l’un des deux cas, l’un des adultes est parti durant la période d’élevage.
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Compléments
À lire sur le web
- Le site web de U.F.C.S. (Union Française des Centres de Sauvegarde de la Faune sauvage) : http://uncs.chez.com/
- La galerie de Sholdrige sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/34455578@N00/
- La galerie de Paul W sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/15067186@N00/
- La galerie de Julieg2009 sur Flickr : https://www.flickr.com/photos/39080880@N06/
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Ouvrages recommandés
- Recueillir et soigner les petits animaux sauvages (Relié) de Gérard Grolleau
- Guide des oiseaux de nos jardins de Claude Feigné (Auteur) et Gérard Schmitt (Auteur)
- Le Traité Rustica des oiseaux du jardin de Guilhem Lesaffre (Auteur), Catherine Levesque (Auteur) et Emmanuel Risi (Auteur)
- Le guide des oiseaux autour de chez vous : Observer, Reconnaître, Nourrir, Protéger (Broché) de Gilles Leblais, Jean Chevallier (Illustrations), Allain Bougrain Dubourg (Préface)
- Constructions en bois pour le jardin : Volume 1, Niche, nichoir, clapier, gîte à insectes, abri d’été pour hérisson de Tony Lush et Jean-Luc Lacarrière
- Nichoirs Collectif
- Nichoirs et mangeoires de Sylvie Bézuel et Christian Heinrich
- Nichoirs de Hans-Werner Bastian
Sources
- CSOL. Des oiseaux, des nids à protéger : comment sauvegarder les oiseaux lors de travaux sur la végétation ? http://csosl.free.fr/spip/IMG/pdf/csosl_guide_travaux_vegetation.pdf
- David W. Winkler et John P. McCarty (1990). Method for transplanting nests of Barn Swallows. Journal of Field Ornithology. Volume : 61. Numéro : 4. Pages : 426-430. https://sora.unm.edu/sites/default/files/journals/jfo/v061n04/p0426-p0430.pdf
- The Raptor Trust. Relocating Nesting Birds. http://theraptortrust.org/nesting/
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