Une présence croissante d’éléments artificiels dans les nids des oiseaux

Fous de Bassan (Morus bassanus)

Fous de Bassan (Morus bassanus) ayant utilisé des déchets  en plastique pour construire leur nid sur l’île d’Heligoland (Allemagne) en mai 2017.
Photographie :  Tyros Andi / Wikimedia Commons

Le nid est essentiel au succès reproducteur de presque toutes les espèces d’oiseaux : il sert en effet à protéger les œufs et les jeunes des prédateurs et des conditions environnementales (froid, humidité, chaleur, vent, etc.). Les matériaux utilisés doivent posséder les propriétés physiques et mécaniques nécessaires : par exemple, la boue joue un rôle d’isolation thermique, mais aussi sonore (lire Les nids construits avec de la boue atténueraient les bruits extérieurs), tandis que le duvet, la mousse végétale et les poils de fourrure assurent le confort et tiennent chaud. 
Beaucoup d’espèces sont connues pour incorporer des matériaux d’origine anthropique (= fabriqués par l’Homme) dans leur nid, le premier cas décrit étant celui d’un Corbeau pie (Corvus albus) qui avait ajouté des morceaux de fil de fer dans les années 1930 (lire Comment expliquer les mystérieuses observations européennes d’une espèce africaine, le Corbeau pie ?).
Lors d’études récentes menées en Europe de l’Ouest, on a trouvé des débris de plastique dans 12 % des nids de 14 espèces d’oiseaux marins, et même dans la totalité de ceux du Goéland leucophée (Larus michahellis) à Barcelone (Espagne). Le suivi d’une colonie danoise de Mouettes tridactyles (Rissa tridactyla) a montré que la fréquence de la présence de ces matériaux dans les nids avait augmenté entre 1992 et 2005, passant de 39,3 % (466 nids examinés) à à 57,2 % (311 nids).
Les matériaux artificiels offrent certains avantages, comme les mégots de cigarettes ajoutés par les Moineaux domestiques (Passer domesticus) et les Roselins familiers (Haemorhous mexicanus), qui réduisent la quantité d’ectoparasites et remplacent ainsi les plantes aromatiques qui jouent aussi ce rôle, comme la menthe, le thym et le romarin (lire Certains oiseaux utilisent leurs connaissances en botanique pour construire leur nid).
Ils sont aussi utilisés par certaines espèces pour leur fonction décorative, comme par les oiseaux jardiniers d’Australie et de Nouvelle-Guinée (lire Michel Ottaviani nous dit tout sur les oiseaux à berceau ou jardiniers).
Ces matériaux artificiels ont la même fonction ou sont même plus solides que les produits naturels, comme les fils synthétiques qui remplacent les fibres végétales. Ils ont enfin l’avantage d’être parfois abondants et plus faciles à trouver localement que des produits naturels, réduisant ainsi le temps et la dépense énergétique liés à la construction des nids.

Cochevis huppé (Galerida cristata)

Cochevis huppé (Galerida cristata) ayant incorporé des déchets plastiques dans son nid sur une plage de l’île de Rhodes (Grèce).
Photographie :  Piotrus / Wikimedia Commons

Ils peuvent toutefois être dangereux : les morceaux de filets ou de cordages synthétiques fréquemment trouvés dans les nids d’oiseaux marins exposent les poussins, mais aussi les adultes, à un risque accru d’enchevêtrement ou d’ingestion. En Pologne, les fils plastiques qui renforcent parfois les nids de Pies-grièches grises (Lanius excubitor) et qui remplacent de plus en plus le crin de cheval, peuvent provoquer la mort des oisillons et des femelles reproductrices. Néanmoins, aucune étude n’a montré, en tout cas clairement, que l’utilisation de déchets produits par les activités humaines pour la construction de nids constituait une menace majeure pour l’avifaune, même pour les espèces rares. 
Une étude instructive menée sur l’incorporation de matériaux de nidification d’origine anthropique chez 125 espèces a montré que celles qui construisaient des nids en forme de dôme (lire Identifier les nids et les oeufs des oiseaux des villes et des jardins) et/ou dont les mâles étaient plus grands que les femelles étaient moins susceptibles d’en incorporer, sans que l’on ne puisse clairement expliquer ces corrélations. D’autres relations sont plus évidentes : les espèces qui nichent dans des environnements très modifiés par l’Homme, ou dont les matériaux naturels sont peu disponibles, par exemple dans les milieux désertiques, sont généralement plus susceptibles d’utiliser des éléments artificiels.
Les oiseaux ayant les plus fortes capacités cognitives, comme les Corvidés, et/ou très généralistes, comme les mésanges, pourraient également avoir tendance à exploiter davantage les ressources fournies par les activités humaines, même si des études seraient nécessaires pour le confirmer (lire Aider les Corbeaux freux à construire leurs nids pour mieux les « contrôler »).     

Conseils pour fournir des matériaux aux oiseaux dans les jardins

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros)

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) ayant ramassé des poils de chien sur une terrasse à Brem-sur-Mer (Vendée) le 18 avril 2020.
Photographie : Denise Robbe

Dans les jardins et les parcs, les oiseaux trouvent généralement par eux-mêmes tous les matériaux nécessaires pour construire leur nid : brindilles, feuilles, herbes sèches, mousses végétales, morceaux de fourrure de mammifères sauvages ou domestiques (chiens, chats, moutons, chevaux, vaches, lapins, renards, etc.) vivants ou morts (lire La Mésange charbonnière aime garnir son nid avec de la fourrure). Toutefois, la prévalence des éléments d’origine anthropique dans les nids a tendance à augmenter depuis quelques décennies, comme cela a été démontré au Danemark chez le Merle noir (Turdus merula).
Si vous voulez les aider à construire leur nid en leur fournissant des matériaux tout en limitant les risques, voici quelques conseils simples :

  • évitez de donner des cheveux humains, car ils sont très solides et peuvent s’entortiller autour des pattes et des ailes des adultes et des poussins et les blesser, parfois grièvement. Ce serait l’une des explications des fréquents doigts coupés notés chez les Pigeons bisets (Columba livia) semi-domestiques (d’autres facteurs étant aussi impliqués, comme les dispositifs chimiques ou mécaniques).
  • Ne donnez pas de fils synthétiques (en Nylon par exemple), qui peuvent les blesser, les piéger ou les étrangler. Les mousses artificielles, par exemple celles contenues dans les fauteuils ou les peluches, sont aussi à déconseiller. Le crin de cheval est solide mais peut également constituer un piège. De toute façon, les oiseaux le prélèveront souvent directement sur les animaux.
  • Si vous leur mettez à disposition des poils issus du grattage du pelage de votre chat ou de votre chien, ou de la tonte de moutons, assurez-vous que des traitements antiparasitaires (contre les puces et les tiques) n’ont pas été appliqués récemment directement sur leur fourrure, car ils sont toxiques, notamment pour les oisillons encore déplumés. Le fipronil, un pesticide souvent présent dans ces traitements, est en effet directement associé à une augmentation de la mortalité des oisillons dans les nids. En cas de doute, lavez-bien au préalable au savon noir (par exemple) les poils fournis et laissez les séchez avant de les donner.
  • Vous pouvez sans risque rassembler et distribuer des brindilles issues par exemple de la taille de vos végétaux, mais aussi de la paille, des herbes sèches provenant de la tonte de votre pelouse (si non traitée), des fibres naturelles (lin, noix de coco, coton naturel,, etc.) ou des feuilles mortes (lire Il faut laisser au maximum les feuilles mortes dans les parcs et les jardins pour les oiseaux).   
  • Quand vous retirez les toiles d’araignées dans votre maison, collectez-les et donnez-les oiseaux. En effet, plusieurs espèces les utilisent pour assembler entre eux des morceaux de végétaux ou pour attacher leur nid aux branchages, comme le Pinson des arbres (Fringilla coelebs), l’Orite à longue queue (Aegithalos caudatus) et le Roitelet huppé (Regulus regulus).
  • Placez les matériaux sélectionnés dans des endroits non exposés aux prédateurs, par exemple sur une table, dans une mangeoire ou un panier suspendus ou accrochés/attachés à une branche ou à la corde d’un sèche-linge (avec une pince à linge).
  • Pour aider les hirondelles et les autres oiseaux construisant des nids avec de la boue, vous pouvez en disposer dans un bac (lire Comment fournir de la boue aux hirondelles pour les aider à construire ou à réparer leurs nids ?).

Une vidéo montrant une façon de distribuer des poils d’animaux dans le jardin

Poils de mammifères accrochés à un tronc dans un jardin.
Source : beauty around us

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