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Deux bons secteurs marins pour observer le Plongeon à bec blanc en plumage nuptial en avril en Grande-Bretagne et au Danemark
Introduction
Le Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii) est le plus grand et le plus rare des quatre espèces visibles dans les eaux européennes. Il ressemble au Plongeon imbrin (G. immer), mais il s’en distingue notamment par son bec à l’extrémité jaune plus ou moins pâle souvent tenu vers le haut, tandis que le jeune a la tête et le cou et le dessus plus pâles. C’est une espèce du Haut-Arctique, qui se reproduit dans la toundra de la péninsule de Kola (Russie) à la Sibérie orientale et du nord de l’Alaska à l’île de Baffin (Canada), et qui hiverne notamment le long des côtes du nord de l’océan Pacifique et dans les mers de Norvège et du Nord.
C’est un visiteur très rare en migration et en hiver en Europe de l’Ouest, essentiellement le long des côtes, mais aussi exceptionnellement sur de grands plans d’eau de l’intérieur, les oiseaux vus étant généralement de jeunes individus. Pour espérer voir un adulte en plumage nuptial, on peut se rendre dans des secteurs reculés de l’Arctique, mais il existe une autre solution moins chère et plus simple : participer à une sortie en mer dans certains secteurs marins privilégiés relativement peu éloignés des côtes. C’est le cas de la baie de Moray Firth en Écosse (Grande-Bretagne) et du passage maritime de Cattégat (ou Kattegat), qui s’étend entre le Danemark et la Suède.
Le 21 avril 2024, Dennis Morrison (voir sa page X/Twitter) a participé à une sortie en mer organisée par le groupe Facebook entre les ports de Macduff et de Portsoy, sur la rive sud du Moray Firth, au cours de laquelle il a observé au moins sept Plongeons à bec blanc adultes.
Après une présentation des mouvements migratoires du Plongeon à bec blanc, nous évoquons les sorties en mer permettant de l’observer en avril dans la baie de Moray Firth et dans le passage maritime de Cattégat. Nous remercions Dennis Morrison pour ses photographies et ses informations.
Abstract
The White-billed Diver (Gavia adamsii) is the largest and rarest of the four species found in European waters. It resembles the Great Northern Diver (G. immer), but it is distinguished in particular by its beak with a more or less pale yellow tip often held upwards, while the young have the head and neck and upper paler parts. It is a High Arctic species, which breeds in the tundra from the Kola Peninsula (Russia) to eastern Siberia and from northern Alaska to Baffin Island (Canada), and which winters in particular along the coasts of the northern Pacific Ocean and in the Norwegian and North Seas.
It is a very rare visitor on migration and in winter in Western Europe, mainly along the coasts, but also exceptionally on large bodies of water in the interior, the birds seen generally being young individuals. To hope to see an adult in breeding plumage, you can go to remote areas of the Arctic, but there is another cheaper and simpler solution: take part in a sea trip to certain privileged marine areas relatively close to the coast. This is the case of the Bay of Moray Firth in Scotland (Great Britain) and the sea passage of Kattegat, which extends between Denmark and Sweden.
On 21 April 2024, Dennis Morrison (visit his X/Twitter page) took part in a sea trip organized by the Facebook group between the ports of Macduff and Portsoy, on the south shore of the Moray Firth, during which he watched at least seven White-billed Divers adults.
After a presentation of the migratory movements of the White-billed Loon, we discuss the sea trips allowing you to observe it in April in the bay of Moray Firth and in the Cattegat sea passage. We thank Dennis Morrison for his photographs and information.
Les mouvements migratoires du Plongeon à bec blanc en Amérique du Nord
Aires de nidification (rouge) et d’hivernage (bleu) du Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii) et principaux mouvements migratoires au printemps. |
Le Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii) est une espèce peu commune, avec une population totale qui serait inférieure à 30 000 oiseaux. Il se reproduit sur les lacs de la toundra russe, de la péninsule de Kola à la Tchoukotka (lire Inventaire ornithologique dans la Tchoukotka du 7 au 26/06/2017), et du nord de l’Alaska (États-Unis) à l’île de Baffin (Canada), et qui hiverne notamment le long des rivages du nord de l’océan Pacifique (des îles Aléoutiennes à la Californie et de la péninsule russe du Kamtchatka aux eaux japonaises) et dans les mers de Norvège et du Nord. Il hiverne généralement dans des eaux marines plus profondes que le Plongeon imbrin (G. immer), duquel il se différencie principalement par son bec plus pâle (lire Identifier les quatre plongeons « européens » en hiver).
C’est une espèce accidentelle rare en France, où les données concernent principalement des immatures vus en hiver (voir une sélection d’observations récentes).
Les mouvements migratoires du Plongeon à bec blanc sont assez mal connus, mais ils ont été tout de même davantage étudiés en Amérique du Nord, où par exemple 92 individus appartenant à quatre populations avaient été équipés de transmetteurs satellitaires entre 2002 et 2019.
Au printemps, les Plongeons à bec blanc qui nichent dans le nord de l’Alaska et dans les îles du Haut-Arctique canadien quittent les eaux du Pacifique Nord où ils ont séjourné en hiver, passent par le détroit de Béring, puis longent les côtes libres de glace des mers des Tchouktches et de Beaufort, tandis que ceux qui nichent plus à l’intérieur des terres coupent à travers l’ouest du Canada, probablement via grand lac des Esclaves, où ils peuvent faire une halte.
Dans le nord de l’Alaska, les Plongeons à bec blanc rejoignent leurs zones de reproduction à partir de la seconde partie du mois de mai, mais surtout en juin. Des groupes se forment alors en mer (une troupe atteignant 60 oiseaux a été observée par exemple au printemps devant la péninsule de Seward), puis sur les cours d’eau, en attendant que les lacs où ils nichent soient libres de glace.
Après la période de nidification, les adultes quittent leur territoire entre la fin août et la mi-septembre dans le nord de l’Alaska. Des groupes de 30 à 300 oiseaux ont par exemple été notés à partir de la fin août dans l’anse de Wainwright ou dans la baie de Yellowknife, dans le grand lac des Esclaves (Canada). En juillet 2002, cinq oiseaux avaient été équipés d’émetteurs près d’Inigok (Alaska) et leur trajet migratoire avait été étudié : ils ont volé vers la mer des Tchouktches entre le 20 et le 30 septembre, puis ils ont survolé le détroit de Béring et se sont arrêtés quelques jours au nord de l’île Saint-Laurent. La plupart ont ensuite rejoint la péninsule de Kamtchatka (Russie), puis ont séjourné de novembre à mars autour des côtes de l’île d’Hokkaido (Japon) (lire Observer les oiseaux sur Hokkaido en hiver) et de Sakhaline (Russie) et dans les mers Jaune et du Japon.
Les adultes et les jeunes migrent séparément, et les deux partenaires d’un couple se remettraient ensemble au printemps suivant, dans les zones de reproduction.
Les mouvements migratoires du Plongeon à bec blanc dans le nord de l’Europe
Les trajets des Plongeons à bec blanc nichant dans la toundra du nord de la Russie sont encore assez mystérieux, mais une grande partie d’entre eux hiverne probablement dans les mers de Norvège et du Nord. L’île de Skogsøy, dans le sud-ouest de la Norvège, est un site régulier d’observation de l’espèce au printemps : les premiers y sont notés vers la fin avril, mais la plupart passent en mai, avec jusqu’à 40 oiseaux comptés quotidiennement (au printemps 2005, plus de 200 individus ont été observés). Il s’agit majoritairement d’adultes, et ils peuvent être vus d’assez près. En automne, l’espèce est moins régulière.
Un grand nombre de Plongeons à bec blanc est observé au printemps depuis le phare de Slettnes, situé sur la péninsule de Nordkinn, dans le comté de Finnmark, au nord de la Norvège (lire Observer les oiseaux dans le Finnmark) : à la mi-mai 2009, entre 50 et 100 oiseaux y ont par exemple été comptés par jour.
Des comptages effectués depuis des bateaux et le long des côtes allemandes de la mer Baltique entre mars et mai de 2008 à 2022 avaient permis de révéler l’existence d’un petit passage régulier de Plongeons à bec blanc vers la mer du Nord, ce qui suggère qu’un petit nombre d’individus, principalement des immatures, effectuerait un trajet en boucle entre les mers du Nord et Baltique.
Ces différents éléments suggèrent que des Plongeons à bec blanc russes migrent en automne vers les mers de Norvège et du Nord, où ils hivernent, certains faisant une incursion en mer Baltique, puis retournent au printemps vers leurs sites de nidification en longeant les côtes norvégiennes. Lors de leur migration postnuptiale, ils passeraient plus au large qu’au printemps.
Une partie de ces oiseaux hivernerait au nord de la Grande-Bretagne ou en tout cas stationnerait dans les eaux britanniques au printemps avant de rejoindre leurs zones de nidification arctiques. Des oiseaux sont ainsi observés régulièrement entre février et avril, voire jusqu’en mai, au nord-est de l’île de Lewis (entre les caps Butt et Tiumpan), dans l’archipel des Hébrides extérieures (lire Séjour ornithologique printanier dans les Hébrides extérieures et les monts Cairngorm). L’espèce est également à rechercher au printemps dans les eaux des îles Orcades et Shetland.
Observer le Plongeon à bec blanc en avril dans la baie écossaise de Moray Firth
Situations du Moray Firth et du port de Portsoy (Grande-Bretagne). |
Le Moray Firth est une vaste baie de forme triangulaire s’ouvrant sur la mer du Nord, dans le nord-est de l’Écosse. Elle est bordée de plus de 800 kilomètres de côtes, dont une grande partie est constituée de falaises. C’est une zone marine réputée pour l’observation du Dauphin tursiops (Tursiops truncatus) (population sédentaire d’environ 130 individus) et du Marsouin commun (Phocoena phocoena), mais aussi d’autres cétacés comme le Petit Rorqual (Balaenoptera acutorostrata), le Globicéphale noir (Globicephala melas) et l’Orque épaulard (Orcinus orca). Le site d’observation des dauphins le plus connu est le Chanonry Point (voir sa localisation).
Le Moray Firth est également un secteur intéressant pour l’observation des oiseaux : la partie la plus interne, qui s’étend du Dornoch Firth à Lossiemouth, est ainsi favorable au suivi du passage de printemps et d’automne du Grand Labbe (Stercorarius skua) et des Labbes pomarin (Stercorarius pomarinus), parasite (S. parasiticus) et à longue queue (S. longicaudus), du Fou de Bassan (Morus bassanus), du Fulmar boréal (Fulmarus glacialis) et de la Mouette tridactyle (Rissa tridactyla). De grands rassemblements d’Alcidés se forment en automne.
En hiver, des troupes de Garrots à œil d’or (Bucephala clangula), de Harles huppés (Mergus merganser) et de Hareldes boréales (Clangula hyemalis) sont visibles.
Le Moray Firth, en particulier au large du port de Portsoy, constitue aussi un très bon secteur pour observer en mer le Plongeon à bec blanc en avril.
Le 25 avril 2011, cinq oiseaux en plumage nuptial avaient été observés depuis le port de Portsoy, mais aucun n’avait été noté quatre jours plus tard. Un seul oiseau avait été noté durant l’hiver 2011-2012, et au cours de l’hiver 2012-2013, le premier individu n’avait été noté que le 18 mars.
Lors d’une sortie en mer organisée le 21 avril 2013 avec la compagnie Gemini Selling Charters à partir du port de Buckie, à l’ouest de Portsoy, près de dix Plongeons à bec blanc avaient été comptés. Le 28 avril, treize oiseaux avaient été observés, malgré la mer agitée, la majorité étant des adultes en plumage nuptial ou en mue. Le 12 mai, cinq oiseaux avaient été repérés. Tous ont été vus dans une zone remarquablement petite, comprise entre Logie Head (à l’est de Cullen) et Portsoy.
Le faible nombre de plongeons observés au milieu de l’hiver suggère qu’il s’agit probablement d’un mouvement printanier qui était peut-être passé inaperçu auparavant, la zone côtière autour de Portsoy étant peu prospectée par les observateurs par rapport à celles situées plus à l’ouest (autour de l’estuaire de la Spey) et à l’est (autour de Banff et de Fraserburgh).
Depuis, des sorties en mer sont organisées régulièrement en avril depuis les ports de Portsoy ou de Macduff, même si certaines sorties programmées peuvent être annulées à cause de mauvaises conditions météorologiques, fréquentes à cette période de l’année. Le 20 avril 2024, Dennis Morrison a ainsi participé à une sortie entre Macduff et Portsoy qu’il avait réservée auprès du groupe Facebook WBD Boat Trip, et il a pu observer sept Plongeons à bec blanc en plumage nuptial ou en mue, ainsi que de nombreux Fous de Bassan et un Goéland à ailes blanches (Larus glaucoides) adulte.
Observer le Plongeon à bec blanc en avril dans le passage maritime de Cattégat (Danemark)
Situations du passage maritime du Cattégat, de la baie d’Aalborg et de l’île de Læsø (Danemark). |
Le Cattégat (ou Kattegat) est un large passage maritime s’étendant entre le Danemark et la Suède, et plus précisément entre la péninsule danoise du Jutland d’une part et les comtés suédois de Halland et de Västra Götaland d’autre part. Peu profond (moins de dix mètres en moyenne), il relie les mers du Nord au nord et Baltique au sud et il est bordé de grandes baies et est parsemé d’îles et d’îlots sablonneux ou rocheux.
Le Kattegat accueille notamment au printemps de grandes colonies de Sternes caugeks (Thalasseus sandvicensis), dont la plus importante est celle d’Hirsholmene. C’est une zone majeure d’hivernage en Europe du Nord pour le Pingouin torda (Alca torda) (une troupe de 125 000 oiseaux a déjà été notée à Fornaes), le Grèbe à cou noir (Podiceps nigricollis), la Macreuse brune (Melanitta fusca) (des concentrations atteignant 490 000 oiseaux ont été observées) et de l’Eider à duvet (Somateria mollissima). Les canards plongeurs se nourrissent des grands bancs de moules et de coques. C’est également une zone importante pour la migration des limicoles, dont le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola).
En 2009, une équipe du groupe Marine Mammal Observer a découvert que la zone comprise entre la baie d’Aalborg et les îles d’Anholt et de Læsø constituait un lieu de repos hivernal et printanier régulier pour le Plongeon à bec blanc.
Comme dans le Moray Firth, des sorties en mer y ont été organisées dès le 15 avril 2012, au cours de laquelle dix oiseaux avaient été vus. Une autre sortie effectuée le 21 avril 2013 avait permis de compter cinq Plongeons à bec blanc. Ces oiseaux ont été vus dans des zones où la profondeur était de 12 à 13 mètres, alors que le Plongeon imbrin, également présent, fréquentait des parties moins profondes (maximum de huit mètres).
Ces sorties ont été effectuées à bord de bateaux de la compagnie Seadog. Il faut compter environ cinq heures pour rejoindre la zone la plus favorable à l’observation du Plongeon à bec blanc, mais les conditions météorologiques en avril ne sont pas toujours clémentes.
Deux secteurs réputés pour l’observation du Plongeon à bec blanc au printemps en Norvège
Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’île de Skogsøy, dans le sud-ouest du pays, est un site régulier d’observation de l’espèce au printemps, principalement en mai : plusieurs dizaines d’oiseaux sont parfois observées certains jours.
Beaucoup plus au nord, le phare de Slettnes, situé sur la péninsule de Nordkinn, est sans doute le meilleur site de Scandinavie pour l’observation du passage du Plongeon à bec blanc au printemps. Plus d’informations sur le site web Seawatching at Slettnes.
Une vidéo d’un Plongeon à bec blanc dans le Moray Firth (Grande-Bretagne) en mai 2013
La brève vidéo ci-dessous montre un Plongeon à bec blanc adulte filmé au large de Portsoy, dans le Moray Firth, lors d’une sortie en mer organisée le 12 mai 2013 par la compagnie Gemini Selling Charters.
Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii) adulte filmé au large de Portsoy, dans le Moray Firth (Grande-Bretagne), le 12 mai 2013.
Source : Andrew W
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Compléments
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Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii)
Dans la rubrique Observations d’Ornithomedia.com
Plongeon à bec blanc (Gavia adamsii)
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Sources
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- Natural Born Birder (2016). White-billed Diver – Gulnebblom – Gavia adamsii. www.naturalbornbirder.com
Martin Garner (2013). White-billed Divers off Portsoy, North-east Scotland: discovering a new birding spectacle. Birding Frontiers. Date : 6/05. birdingfrontiers.wordpress.com - Melanie Flamme et Stacia Backenston (2016). Collaborative Conservation of the Rare Alaskan Yellow-billed Loon
Bering Land Bridge National Preserve, Cape Krusenstern National Monument. National Park Service. www.nps.gov - Jochen Bellebaum et al (2010). Vorkommen des Gelbschnabeltauchers Gavia adamsii in der deutschen Ostsee. Vogelwelt. Volume : 131. Pages 179-184. www.researchgate.net
- Brydon Thomason (2010). White-billed Divers. Shetland Nature. Date : 02/05. www.shetlandnature.net
- M.S. Scott et K.D. Shaw (2008). The status of White-billed Diver in northwest Scotland. www.researchgate.net
- Susan L. Earnst (2004). Status Assessment and Conservation Plan for the Yellow-billed Loon (Gavia adamsii). U.S. Geological Survey. pubs.usgs.gov
- Henrik Slov et al (1995). Important Birds Areas in the North Sea. Birdlife International. www.researchgate.net
- Birds of the Outer Hebrides and their status. www.western-isles-wildlife.com
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