Le mont Kazbek, un volcan endormi aux six glaciers  

Situation du mont Kazbek (Géorgie)

Situation du mont Kazbek (Géorgie).
Carte : Ornithomedia.com

Le mont Kazbek est un volcan endormi (la dernière éruption volcanique remonte au VIIe siècle avant Jésus-Christ) culminant à 5 047 mètres d’altitude situé au nord de la Géorgie, près de la frontière russe. C’est le deuxième plus haut sommet du pays après le mont Chkhara et le cinquième du Caucase, et il est inclus dans le parc national de Kazbegi.
Il tire son nom de la petite ville voisine de Kazbegui, rebaptisée Stepantsminda depuis 2006, qui constitue un bon point de départ pour sa découverte. On peut atteindre son sommet après deux jours de marche en passant par le col de Sabertse (3 150 mètres d’altitude). Deux refuges permettent de passer la nuit sur place.
Son sommet compte six glaciers qui couvrent une superficie totale de 135 km², le nom géorgien (Mkinvartsveri) du mont Kazbek signifiant justement “montagne de glace” : le plus connu de ces glaciers est le Dyevdorak (ou Devdaraki), qui s’étend sur le versant nord-est, les autres étant le Mna, le Denkara, le Gergeti, l’Abano et le Chata.

Le sommet du mont Kazbek (Géorgie)

Le sommet du mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Plusieurs habitats se succèdent en fonction de l’altitude, des massifs d’argousiers bordant la rivière Terek aux glaciers et aux éboulis rocheux du sommet, en passant par les peuplements de Hêtres d’Orient (Fagus orientalis), les forêts mixtes et de conifères et les prairies subalpines et alpines.
La flore est riche (1 347 espèces) et comprend de nombreuses plantes endémiques du Caucase (26 % du total), comme les dauphinelles Delphinium flexuosum et speciosum, les campanules Campanula hypopolia, petrophilla, sosnowskyi et speciosum, l’œillet Dianthus caucaseus, le Myosotis du Caucase (Eritrichium caucasicum), les fritillaires Fritillaria latifolia et lutea, le glaïeul Gladiolus tenuis, l’Aunée magnifique (Inula magnifica), la ligulaire Ligularia subsagittata et les primevères Primula cordifolia et darialica.
On y trouve des mammifères menacés inscrits sur la Liste rouge de la Géorgie, comme la Chèvre du Caucase oriental (Capra cylindricornis) et l’Ours brun (Ursus arctos), et surtout une avifaune remarquable incluant le Tétraogalle du Caucase (Tetraogallus caucasius), le Roselin tacheté (Carpodacus rubicilla), le Rougequeue de Güldenstädt (Phoenicurus erythrogastrus) et le Tétras du Caucase (Lyrurus mlokosiewiczi) (lire Séjour ornithologique à la fin de l’hiver dans le Grand Caucase et dans les plaines de l’est de la Géorgie).

Stepantsminda, un “Chamonix local”

Depuis la capitale Tbilissi, il faut d’abord rejoindre la petite ville de Stepantsminda, distante d’environ 155 km, soit trois heures de route. Cette bourgade, également appelée Kazbegi, est située dans la vallée du Terek, 
à une altitude de 1 750 mètres et à quelques kilomètres de la frontière avec la République d’Ossétie du Nord-Alanie (Fédération de Russie). 

Carte des environs du mont Kazbek (Géorgie)

Carte des environs du mont Kazbek (Géorgie) et emplacement du trajet suivi (en rouge) en mai 2023 par Marc Fasol.
Carte : Ornithomedia.com

C’est une sorte de “Chamonix local” : on y trouve des commerces, des restaurants et des hébergements à des prix plus qu’abordables, et elle constitue une bonne base pour partir à la découverte du Grand Caucase géorgien. Quand le temps est clair, on peut voir l’imposante silhouette du mont Kazbek qui domine les environs.
Il n’y a pas de téléphérique dans la région : pour faire l’ascension du mont Kazbek afin d’essayer d’observer les oiseaux de haute montagne, il faut donc une bonne forme physique et des vêtements chauds. Le printemps et l’été sont les meilleures périodes pour faire cette ascension, mais comme de nombreux alpinistes effectuent la montée entre la mi-juin et le début du mois de septembre, la fin du mois de mai ou le début du mois de juin sont préférables pour la recherche des oiseaux, réserver un hébergement et bénéficier d’une relative tranquillité. Deux refuges ont été aménagés sur la voie qui mène au sommet : le premier, flambant neuf, a été érigé à 3 000 mètres d’altitude, en face d’un glacier. Il est idéal pour l’exploration des moraines et les éboulis rocheux à la recherche des oiseaux d’altitude.
Le second, situé à 3 650 mètres d’altitude, sert de camp de base aux alpinistes qui comptent gravir le sommet, mais il n’est pas indispensable de monter jusque-là pour les observateurs.

Serin à front rouge et Roselin cramoisi dès le départ 

L’ascension des flancs du mont Kazbek se fait directement depuis Stepantsminda, où de nombreuses espèces d’oiseaux intéressantes peuvent déjà être observées dans les environs immédiats, comme le Roselin cramoisi (Carpodacus erythrinus) de la sous-espèce kubanensis, le Serin à front rouge (Serinus pusillus), la Pie-grièche écorcheur (Lanius collurio), les Bruants fou (Emberiza cia) et mélanocéphale (E. melanocephala), le Coucou gris (Cuculus canorus) et la sous-espèce samamisicus du Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus) à la plage alaire blanche bien visible. Des Chocards à bec jaune (Pyrrhocorax graculus) et des Craves à bec rouge (P. pyrrhocorax) sont souvent visibles en vol, ainsi que parfois le Vautour fauve (Gyps fulvus).

Roselin cramoisi (Carpodacus erythrinus) de la sous-espèce kubanensis

Roselin cramoisi (Carpodacus erythrinus) mâle de la sous-espèce kubanensis près de Stepantsminda (Géorgie) à la fin du mois de mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Serin à front rouge (Serinus pusillus)

Serin à front rouge (Serinus pusillus) sur les hauteurs de Stepantsminda (Géorgie) à la fin du mois de mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Rejoindre d’abord en véhicule l’église de la Trinité de Guerguéti  

Pour économiser un peu d’énergie et gagner du temps pour effectuer l’ascension du mont Kazbek, il est conseillé d’emprunter en voiture ou en minibus la petite route sinueuse qui rejoint l’église de la Trinité de Guerguéti (Gergeti), située à 2 150 mètres d’altitude. Récemment asphaltée sur 6 km, elle traverse la forêt de Guerguéti (Gergeti), où l’on peut observer la curieuse sous-espèce krynicki du Geai des chênes (Garrulus glandarius), à la calotte et aux moustaches noires. On peut laisser son véhicule sur l’aire de stationnement proche de l’édifice religieux jusqu’à son retour.

L'église de la Trinité de Guerguéti (Géorgie)

L’église de la Trinité de Guerguéti (Géorgie) dans le brouillard en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Geai des chênes (Garrulus glandarius) de la sous-espèce krynicki

Geai des chênes (Garrulus glandarius) de la sous-espèce krynicki dans la forêt de Guerguéti (Géorgie) à la fin du mois de mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Une montée de quatre heures jusqu’au premier glacier

Le sentier de randonnée est ensuite bien marqué et parfois même assez fréquenté. L’ascension jusqu’au premier glacier dure environ quatre heures. Les Pipits spioncelles (Anthus spinoletta) de la sous-espèce orientale coutellii étaient très communs pendant toute la montée, et l’on a facilement repéré le Pouillot de Lorenz (Phylloscopus sindianus lorenzii), une sous-espèce du Pouillot montagnard parfois considérée comme une espèce distincte, reconnaissable à sa calotte brune et sa gorge blanche, près de la limite des arbres, dans les peuplements de Noisetiers communs (Corylus avellana) et de Bouleaux de Litvinov (Betula pubescens litwinowii) déformés par le poids des congères hivernales.
Les Linottes à bec jaune (Linaria flavirostris) ont de quoi surprendre l’observateur : la sous-espèce sédentaire brevirostris, qui est présente du Caucase au nord de l’Iran, a en effet un bec de couleur corne, des barres alaires bien visibles et une poitrine fortement contrastée. Parmi les autres espèces rencontrées en chemin, citons encore la sous-espèce amicorum du Merle à plastron (Turdus torquatus), aux rémiges secondaires blanches, la sous-espèce penicillata de l’Alouette haussecol (Eremophila alpestris), que plusieurs auteurs ont élevé au rang d’espèce distincte, l’Alouette du Caucase (Eremophila penicillata), et l’Accenteur alpin (Prunella collaris).

Pouillot de Lorenz (Phylloscopus sindianus lorenzii)

Pouillot de Lorenz (Phylloscopus sindianus lorenzii) sur les pentes du mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Linotte à bec jaune (Linaria flavirostris) de la sous-espèce brevirostris

Linotte à bec jaune (Linaria flavirostris) de la sous-espèce brevirostris sur les pentes du mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Les premiers Tétraogalles du Caucase !

Tétraogalle du Caucase (Tetraogallus caucasius)

Tétraogalle du Caucase (Tetraogallus caucasius) sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Au niveau des premières plaques de neige persistante, nous avons entendu les premiers chants des Tétraogalles du Caucase : ce sont des sifflements un brin mélancoliques, légèrement montants et qui portent loin. Cette sorte de “bruit de fond” ne facilite toutefois pas vraiment le repérage de ce grand gallinacé au plumage grisâtre, qui remplace le Lagopède alpin (Lagopus muta) dans le Caucase.
Pour réussir à l’observer, il faut s’armer de patience, et parfois une seconde visite est nécessaire : je ne sais plus combien d’heures j’ai passé à balayer les versants dénudés avant d’en repérer un dans ce décor austère, entrecoupé de ravins et d’éboulis instables. Particulièrement mimétique et plutôt farouche, il est plus facile à voir, grâce à ses rémiges blanches, quand il s’envole, effectuant généralement quelques battements suivis de planés pour disparaître ensuite derrière une arête ou dans une gorge. Quand il reste immobile, seul le dessin blanc et gris de sa tête aide à le localiser, mais souvent juste quelques instants avant de le perdre de vue à nouveau.
Les larges rayures brun rouille de ses flancs le différencient du Tétraogalle de Perse (Tetraogallus caspius), qui est par exemple présent sur les versants arides et moins élevés (entre 1 800 et 3 000 mètres d’altitude) du Petit Caucase arménien (lire Séjour ornithologique en Arménie du 1er au 11 juillet 2019 : comptages et observations).

L’arrivée au premier refuge et le Rougequeue de Güldenstädt

Arrivés au premier refuge, nous avons fait une petite pause sur sa terrasse et nous avons scruté les alentours : alors que jusqu’à présent, nous n’avions vu que des Rougequeues noirs (Phoenicurus ochruros) de la sous-espèce nominale, nous avons enfin repéré un magnifique Rougequeue de Güldenstädt mâle qui s’est soudainement posé devant nous, sur un gros bloc. L’observation n’a duré que quelques secondes, mais elle valait le coup. Un dessin de ce passereau illustre d’ailleurs les panneaux du refuge. Voilà un vrai endémique caucasien !

Enfin des Roselins tachetés

Roselin tacheté

Roselin tacheté (Carpodacus rubicilla) mâle à près de 3 000 mètres d’altitude parmi les blocs rocheux sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Comme toujours, le meilleur est souvent pour la fin. Déçus de ne pas avoir pu photographier des Roselins tachetés, pourtant entendus pourtant à plusieurs reprises à l’aller en longeant le glacier, nous nous étions résignés et nous avions entamé le chemin du retour. Peu après avoir rangé le matériel et quitté les lieux, nous avons traversé précautionneusement plusieurs névés orientés plein sud et donc particulièrement glissants. Au moment d’atteindre les éboulis de l’autre côté de la pente, un gros passereau, au plumage de la couleur d’une framboise écrasée, est apparu sous les énormes blocs. Il était accompagné d’un autre individu grisâtre : un couple de Roselins tachetés ! La scène était une réplique parfaite de l’illustration de l’espèce dans le Guide Ornitho. Ces oiseaux étaient-ils en train de choisir leur site de nidification ? C’est fort probable, mais on connaît peu les mœurs de cette espèce vivant dans un environnement peu accessible.
Le Tétras du Caucase, qui remplace ici le Tétras lyre (Lyrurus tetrix), ne se laisse facilement observer que durant la période nuptiale. Les arènes de parade, où les mâles s’affrontent, sont situées bien plus bas, à la limite des arbres, vers 2 000 mètres d’altitude, sur des prairies parfois extrêmement pentues. Il devient ensuite très discret et reste caché dans les buissons, où il passe alors le plus souvent inaperçu. La meilleure période pour l’observer se situe donc autour de la mi-avril. Avec un peu de chance, on peut le repérer sur les hauteurs de Stepantsminda, en se rendant par exemple dans les environs de la chapelle du prophète Saint-Elias, près des gorges de Kuro (voir notre carte).

Le long de la rivière Terek

Quand les chutes de neige sont importantes au printemps, plusieurs espèces d’oiseaux, qui avaient quitté les hauteurs pour passer l’hiver dans les vallées ou qui reviennent de migration, vont se nourrir dans les massifs d’argousiers le long de la rivière Terek, qui traverse la ville de Stepantsminda. Pour visiter cet habitat, il faut longer la route principale E17 (ou b3), traverser la rivière au niveau du pont et rejoindre le barrage au nord de la bourgade. C’est un excellent endroit pour observer le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria) en hiver et au début du printemps, et l’on peut y voir des Rougequeues de Güldenstädt et même des Roselins tachetés se nourrissant de baies avant de rejoindre leurs sites de nidification en altitude.

D’autres photos prises sur les pentes du mont Kazbek (Géorgie)

Voici ci-dessous d’autres photos prises par Marc Fasol en mai 2023 :

Alouette haussecol du Caucase (Eremophila alpestris penicillata)

Alouette haussecol du Caucase (Eremophila alpestris penicillata) sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Paysage sur les hauteurs de Stephantsminda (Géorgie)

Paysage sur les hauteurs de Stepantsminda (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus samamisicus)

Rougequeue à front blanc (Phoenicurus phoenicurus samamisicus) mâle près de Stepantsminda (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros ochruros) mâle

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros ochruros) mâle sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Pipit spioncelle (Anthus spinoletta) de la sous-espèce coutelli

Pipit spioncelle (Anthus spinoletta) de la sous-espèce coutelli se nourrissant d’insectes piégés dans les névés sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Merle à plastron (Turdus torquatus)de la sous-espèce amicorum

Merle à plastron (Turdus torquatus) de la sous-espèce amicorum sur le mont Kazbek (Géorgie) en mai 2023 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

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