Un paysage de falaises, de garrigues et de vignobles

Situation de Minerve (Hérault).
Carte : Ornithomedia.com

Le village de Minerve (Hérault), situé dans le parc naturel régional du Haut-Languedoc, a une histoire ancienne, mouvementée et tragique : le premier bûcher de la Croisade des Albigeois y fut organisé en 1210 dans le cadre de la lutte contre les « hérétiques » cathares. C’est aussi l’un des plus beaux villages de France : il a été construit sur un éperon rocheux calcaire à la confluence de deux étroits canyons creusés par le Brian et la Cesse, deux cours d’eau aux débits capricieux qui ont également formé deux « ponts » naturels que l’on peut arpenter.
Les paysages du Minervois sont composés de grandes étendues de garrigue et de maquis poussant sur un substrat calcaire où affleurent de nombreuses pierres, entrecoupées de petits vignobles (notamment près de Saint-Jean de Minervois) souvent bordés de murets, de quelques cultures et de boisements de Chênes kermès (Quercus coccifera) et vert (Q. ilex) et de Pins d’Alep (Pinus halepensis).
Une ripisylve à peupliers et à frênes pousse le long de certains cours d’eau, notamment de la Cesse.

Accès

Carte des environs de Minerve (Hérault) : en rouge, quelques bons secteurs à explorer.
Carte : Ornithomedia.com

Il est (entre autres) possible de rejoindre Minerve depuis Béziers à l’est (45 km en passant par Capestang et Aigues-Vives) ou par Carcassonne à l’ouest (48 km en passant par Trèbes et Azillanet). A Minerve, il faut laisser son véhicule dans l’une des deux aires de stationnement au nord et à l’est du village, puis faire le tour de la cité médiévale : observer les oiseaux sur les bâtiments et le long de la Cesse et du Brian (vous pouvez télécharger un plan sur www.minervois-caroux.com).
Prendre ensuite la D147 vers Le Bouys : elle longe les gorges du Brian. La D10 vers la Caunette longe celles de la Cesse.
Toutes les petites routes du secteur sont intéressantes, mais vous pouvez par exemple vous concentrer sur celles qui parcourent le Causse Grand, au sud du hameau du Bouys, celles qui partent du hameau de Mayranne, et celles qui traversent le vignoble au sud de Saint-Jean-de-Minervois. Pour observer des espèces plus forestières, suivre la D 147 vers Boisset : elle traverse en effet la forêt domaniale du Minervois.

Des oiseaux nicheurs variés au printemps et en été

Le Minervois possède une avifaune typiquement méditerranéenne. Le village de Minerve et les falaises qui l’environnent accueillent plusieurs espèces rupestres comme les Hirondelles rustique (Hirundo rustica), de fenêtre (Delichon urbicum), de rochers (Ptyonoprogne rupestris) et rousseline (Cecropis daurica), cette dernière étant plus rare. Les Martinets à ventre blanc (Tachymarptis melba) et noir (Apus apus) sont communs, tandis que le Martinet pâle (Apus pallidus) passe facilement inaperçu (lire Distinguer les Martinets noir et pâle). Le Moineau soulcie (Petronia petronia) construit son nid dans les anfractuosités des vieux bâtiments du village, et le Monticole bleu (Monticola solitarius) est à chercher sur les toitures, les cheminées et les murs, par exemple du viaduc et du château.

Vue du village de Minerve (Hérault)

Vue du village de Minerve (Hérault) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Le Grand Corbeau (Corvus corax) niche dans les gorges du Brian et de la Cesse, où plusieurs couples d’Hirondelles rousselines construisent leur nid dont l’entrée a une forme de tunnel. De dix à vingt couples ont été recensés dans le Minervois : sur les parois rocheuses de vallées étroites, le long de petits axes routiers (avec ponts ou buses de passage d’eau) ou dans des grottes, comme celle de l’Aldène (lire La population française d’Hirondelles rousselines est-elle nettement sous-estimée ?).
Le chant du Loriot d’Europe (Oriolus oriolus) retentit dans la ripisylve qui borde le Brian et la Cesse, et le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) et la Bergeronnette des ruisseaux (Motacilla cinerea) nichent le long de ces deux cours d’eau.
La garrigue et le maquis proches de Minerve sont le domaine des Fauvettes pitchou (Sylvia undata), mélanocéphale (S. melanocephala), orphée (S. hortensis) et passerinette (Sylvia inornata), ces deux dernières ayant déjà été vues près du parking surplombant le village et à l’entrée de ce dernier.
Le Pipit rousseline (Anthus campestris), les Bruants proyer (Emberiza calandra), zizi (E. cirlus) et ortolan (E. hortulana) (plus rare), l’Alouette lulu (Lullula arborea) et le Tarier pâtre (Saxicola rubicola) sont d’autres passereaux typiques des étendues de buissons bas parsemées de vignes et de bosquets de chênes et de pins. Si la Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator) est bien présente, ce n’est pas le cas de la Pie-grièche méridionale (Lanius meridionalis), qui est en voie de disparition dans l’Hérault, ni de la Pie-grièche écorcheur (L. collurio), également très rare.
Le vignoble pierreux au sud de Saint-Jean de Minervois est particulièrement intéressant : il abrite une importante population de Pipits rousselines, mais aussi plusieurs couples de Traquets oreillards (Oenanthe hispanica), une espèce en déclin en France. C’est également un bon coin pour le Bruant ortolan. L’Œdicnème criard (Burhinus oedicnemus), qui a besoin d’étendues planes suffisamment dépourvues de végétation pour nicher, peut aussi y être recherché.
L’Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus) peut être entendu au crépuscule dans les secteurs où alternent boisements (chênaies vertes ou pinèdes) et milieux ouverts (pelouses, prairies, cultures, matorral, etc.), par exemple près des villages de Siran, de Pardailhan, de Cébazan, de Puisserguier ou d’Assignan.

Un secteur riche en rapaces

Gorge près de Minerve (Hérault)

Les deux rivières qui se rejoignent au niveau de Minerve (Hérault) ont creusé des gorges et un pont naturel dans la roche calcaire. C’est l’habitat de plusieurs espèces rupestres nicheuses, comme le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Le Minervois est très riche en rapaces : plusieurs couples (au moins une quinzaine) de Busards cendrés (Circus pygargus) ont été recensés, par exemple sur les causses Mégié et Causseras qui bordent la Cesse. Cette espèce apprécie les garrigues denses et uniformes à Chêne kermès pour se reproduire et chasse dans les cultures, vignes et friches.
La garrigue parsemée de rochers, qui est riche en reptiles, dont les Lézards ocellé (Timon lepidus) et vert occidental (Lacerta bilineata), sert aussi de terrain de chasse au Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), qui est probablement le rapace le plus facilement observable dans le secteur.
Au moins un couple d’Aigles royaux (Aquila chrysaetos) se reproduit régulièrement près de Minerve. Il a construit plusieurs aires : dans les gorges du Brian au nord du village, sur un rocher isolé en amont du canyon de la Cesse et sur une barre rocheuse près de Saint-Martial. Ce grand rapace chasse ici des proies variées, allant de l’Écureuil roux (Sciurus vulgaris) aux jeunes ongulés, dans des milieux ouverts à semi-ouverts (prairies, pelouses, garrigues basses entrecoupées de petit parcellaire agricole, pentes rocheuses), mais aussi dans des boisements clairs.
L’Aigle de Bonelli (Aquila fasciata) est encore plus rare, mais un couple a niché plusieurs années de suite sur une paroi rocheuse dans la commune de Saint-Jean de Minervois : la présence de l’Aigle royal représente toutefois une sérieuse concurrence.
La Bondrée apivore (Pernis apivorus) est discrète mais elle peut être vue par exemple dans les boisements, même de faible superficie, près de Boisset, dans la forêt domaniale du Minervois.
Même s’il est difficile à voir, le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo) est très présent (près de 40 couples dans le Minervois) : il occupe la plupart des sites rocheux disponibles (blocs isolés, parois de toutes tailles, affleurements rocheux, carrières, etc.), et sa nidification est également possible au sol, dans des formations buissonneuses denses.
La nidification du Faucon pèlerin (Falco peregrinus) est rare (elle a déjà été notée dans le gorges du Brian) à cause justement de la forte densité du Grand-duc d’Europe, qui constitue un prédateur pour ses poussins.

Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus)

le Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus) est commun dans le Minervois (Hérault) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie (prise dans l’Ariège) : Jean Morillon

En juillet 2020, Gert Vandezande, un Faucon crécerellette (Falco naumanni) a été vu dans le village, ce qui constitue une donnée intéressante : en effet, une colonie est installée à Saint-Pons-de-Mauchiens, un autre village de l’Hérault (lire A. Ravayrol et D. Buhot nous parlent des Faucons crécerellettes de Saint-Pons-de-Mauchiens).
Entre mars et mai, durant la migration prénuptiale, il faut enfin surveiller le passage de rapaces migrateurs au-dessus de Minerve et de ses environs.
Enfin, le Faucon d’Éléonore (Falco eleonorae) peut être vu entre juin et août (par exemple, un a été vu le 10 juillet 2022) (lire Les environs de Cendras, un bon secteur pour observer le Faucon d’Éléonore en été).

Des oiseaux montagnards en hiver

En automne et en hiver, le Minervois est plus calme, mais outre les espèces sédentaires, on peut observer des oiseaux montagnards venus du Massif Central (lire À la découverte des oiseaux du massif du Sancy), voire de plus loin : l’Accenteur alpin (Prunella collaris) est ainsi régulier dans le village de Minerve, parfois en nombre, cherchant sa nourriture dans les rues et sur les talus rocheux. Le Tichodrome échelette (Tichodroma muraria) peut être repéré avec un peu de chance sur les falaises des gorges de la Cesse ou du Brian, mais aussi sur le viaduc. Des bandes de Tarins des aulnes (Spinus spinus) sont souvent visibles dans les arbres bordant les cours d’eau, se posant parfois à terre pour chercher des graines. En hiver, le Monticole bleu reste bien visible sur les bâtiments du village, et les Hirondelles de rochers continuent de voler ici et là.

Un Martinet cafre découvert le 14 juillet 2020 dans le village de Minerve 

Paysage près de Minerve

Paysage près de Minerve (Hérault) : un Martinet cafre (Apus caffer) y a été découvert le 14 juillet 2020 (le village est à l’arrière-plan) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Gert Vandezande est un observateur belge qui séjourne régulièrement à Minerve durant ses vacances pour observer et photographier cette avifaune méditerranéenne typique et variée.
Le 14 juillet 2020, vers 9 h 30, alors qu’il regardait avec attention les nombreux oiseaux qui survolaient le village, il a repéré un petit martinet sombre, avec une petite tache blanche bien définie à la gorge, des rémiges secondaires aux extrémités pâles, une queue fourchue et un croupion blanc, qui volait parmi les nombreux Martinets à ventre blanc : il a reconnu immédiatement un Martinet cafre (Apus caffer), une espèce rarissime en France, avec seulement deux données confirmées selon le Comité d’Homologation National : une près d’Arles (Bouches-du-Rhône) le 17 juin 2016, et une à Lespignan (Hérault) le 26 juin 2011.
Il a été vu et photographié par plusieurs observateurs les jours suivants, souvent au-dessus du vallon au nord-ouest du village. Il volait seul ou parmi les Martinets noirs et à ventre blanc et les Hirondelles rousselines, pénétrant à plusieurs reprises dans une grotte située sous la route au nord du village, en face du panneau « Arrêt minute », où il restait parfois plus de 30 minutes.
Cette cavité accueille une importante colonie de Martinets à ventre blanc et noirs (source : Ornitho.fr). Il visitait aussi régulièrement un versant occupé par des Hirondelles rousselines.
Un vol ressemblant à une parade nuptiale, les ailes maintenues en « V » un moment sans battement, a été noté.
L’aire de répartition de cette espèce est principalement subsaharienne, mais il colonise peu à peu la péninsule ibérique, nichant volontiers dans d’anciens nids d’Hirondelles rousselines (il constitue d’ailleurs localement un concurrent pour les sites de nidification) et parfois de Martinets noirs, sur des bâtiments ou des falaises.
En Europe, il n’est présent qu’au printemps et en été.

Martinet cafre (Apus caffer)

Martinet cafre (Apus caffer) à Minerve (Hérault) le 14 juillet 2020 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Martinet cafre (Apus caffer)

Martinet cafre (Apus caffer) à Minerve (Hérault) le 14 juillet 2020 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Le Martinet cafre a de nouveau été observé en juillet 2022, 2023 et 2024

Martinet cafre (Apus caffer) près de Minerve (Hérault) le 8 juillet 2022 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : François Decrion

Le 8 juillet 2022 vers 18 h, alors qu’il photographiait les Martinets à ventre blanc près de Minerve, François Decrion a observé et photographié un Martinet cafre dans le même secteur qu’en juillet 2020 (il était alors également venu voir l’espèce à ce moment-là). L’oiseau entrait et sortait dans le pont naturel (« caverne-cathédrale ») proche du village, comme les autres martinets. Selon l’observateur, il y avait peut-être deux oiseaux.
Le 26 juin 2023, il a revu un ou deux oiseaux dans le même site, et une autre personne en a repéré un le 3 juillet (voir la synthèse des données dans notre rubrique Observations).
Le 13 juillet 2024, François nous a signalé l’observation d’un individu entre les deux ponts naturels des gorges de la Cesse proches du village. Il était souvent difficile à localiser lorsqu’il volait sur un fond d’arbres ou de falaises, mais il était plus aisément repérable dans le ciel bleu, même si sa grande vitesse de vol rendait difficile les prises de vue. Il volait souvent dans le sillage d’un Martinet noir, ce qui pourrait suggérer qu’ils arrivent ensemble sur le site ensemble. 

Des observations de Martinets cafres en Corse en 2022

Sur notre page Facebook, Loup Noually nous a informé qu’un couple de Martinets cafres aurait niché en Corse en 2022 dans un nid d’Hirondelles rousselines (Cecropis daurica) selon un groupe sur la messagerie instantanée WhatsApp, et Christopher Poole nous a  transmis des photos (voir notre galerie) de deux à trois oiseaux vus se nourrissant avec des Martinets noirs et pâles et des hirondelles au-dessus des champs derrière la plage de l’Ostriconi à Palasca (Haute-Corse) le 27 juillet 2022.

Le Martinet cafre en Espagne et au Portugal

Selon les estimations récentes de l’association SEO BirdLife, au moins 150 couples de Martinets cafres nichent désormais en Espagne (lire Le Martinet cafre poursuit son expansion en Espagne) : ils sont principalement localisés dans le sud-ouest du pays, dans les communautés autonomes d’Andalousie (provinces de Huelva, de Cadix, de Séville, de Jaén, de Cordoue et de Málaga), d’Estrémadure (provinces de Cáceres et de Badajoz) et de Castille-La Manche (province de Ciudad Real) (lire Où observer les Martinets cafre et des maisons en Espagne ?).

Martinet cafre (Apus caffer)

Martinet cafre (Apus caffer) à Minerve (Hérault) le 14 juillet 2020 : notez la gorge et le croupion blancs, la bordure pâle à l’arrière de l’aile et la queue fourchue (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Gert Vandezande

Des oiseaux ont été vus jusque dans les provinces de Madrid et de Salamanque. Les densités les plus fortes s’observent dans un rayon de 30 km autour du rocher de Gibraltar. La reproduction a été prouvée dès 1967 dans la sierra de La Plata près de Tarifa (lire Séjour ornithologique dans le parc naturel du détroit de Gibraltar en octobre 2017), et de 35 à 45 couples se reproduiraient actuellement dans la province de Cadix (Andalousie).
Le Martinet cafre se reproduit aussi en petit nombre au Portugal depuis le milieu des années 1990, principalement dans la vallée du Guadiana, mais aussi le long de petits cours d’eau de la municipalité de Tavira (province de l’Algarve). Il est vu régulièrement près de la mine de São Domingos dans la municipalité de Mértola (province d’Alentejo), et près du monument naturel des Portas de Ródão sur le fleuve Tage, non loin de Vila Velha de Rodao (région Centre).
Les observations de l’espèce à Minerve en juillet 2020 et en juillet 2022 sont donc très intéressantes, d’autant plus que ces oiseaux semblent cantonnés et rentrent régulièrement dans des cavités.

En Italie également

Mario Pucci, de la Stazione Ornitologica Calabrese, nous a indiqué avoir découvert en mai 2020 la nidification de deux couples de Martinets cafres dans une grotte dans la province de Crotone, en Calabre (Italie). Ils avaient utilisé des nids d’Hirondelles rousselines. 

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