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Sophie Mott nous en dit plus sur la Hope Farm, un exemple réussi d’exploitation combinant production agricole et conservation des oiseaux
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Sophie Mott est la responsable adjointe de la Hope Farm (Grande-Bretagne).
Source : RSPB
Introduction
La Royal Society for the Protection of Birds (RSPB) est la plus importante organisation pour la protection des oiseaux en Europe, avec plus d’un million de membres. En 2000, elle cherchait à acheter une ferme pour démontrer qu’il était possible de combiner pratiques agricoles respectueuses de la faune sauvage et rentabilité. Son choix s’est porté sur la Grange Farm, une exploitation familiale typique située près de Elsworth, dans le Cambridgeshire (Grande-Bretagne), qui a été renommée Hope Farm (« ferme de l’espoir »). Des changements ont alors été menés dans sa gestion : introduction de cultures de couverture pour améliorer la structure du sol et le protéger du lessivage, apports réguliers de matières organiques, rotation des cultures incluant les prairies, utilisation du pâturage pour désherber et apporter du fumier, installation de bordures enherbées et fleuries, entretien et plantation de haies, etc. Vingt-cinq ans après l’acquisition, les résultats obtenus sont très encourageants : la diversité en papillons et en oiseaux nicheurs et hivernants a fortement augmenté, tout en produisant de façon rentable plusieurs centaines de tonnes de céréales.
Sophie Mott, la responsable adjointe de la Hope Farm, a répondu à nos questions sur les techniques agricoles utilisées et sur la biodiversité actuelle de cette exploitation « modèle ».
Abstract
The Royal Society for the Protection of Birds (RSPB) is the largest bird conservation organisation in Europe, with over a million members. In 2000, it was looking to buy a farm to demonstrate that wildlife-friendly farming practices could be combined with profitability. It chose the Grange Farm, a typical family farm situated near Knapwell in Cambridgeshire, UK, which was renamed Hope Farm. Changes were made to its management, including the introduction of cover crops to improve soil structure and protect it from leaching, regular inputs of organic matter, crop rotation including grasslands, use of pasture for weed control and manure, installation of grass and flower borders, maintenance and planting of hedges, etc. Twenty-five years after the acquisition, the results obtained are very encouraging: the diversity of butterflies and breeding and wintering birds has increased significantly, while profitably producing several hundred tons of cereals.
Sophie Mott, Assistant Manager of the Hope Farm, answered our questions on the agricultural techniques used and on the current biodiversity of this « model » farm.
L’historique de la Hope Farm et les spectaculaires résultats obtenus
![]() Situation de Knapwell (Grande-Bretagne). |
Dès les années 1990, le British Trust for Ornithology avait montré le déclin inquiétant des oiseaux nicheurs des zones agricoles. Mark Avery, le directeur de la conservation de la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB), a alors décidé d’acheter une ferme pour démontrer qu’il était possible de combiner agriculture rentable et diversité ornithologique. Grâce à un appel de fonds lancé avec succès auprès de ses adhérents, l’association a acquis en 2000 la Grange Farm, une exploitation céréalière moyenne typique de 181 hectares, au sol argileux lourd, située près de Knapwell, dans le Cambridgeshire (Grande-Bretagne), qui a été renommée ensuite Hope Farm (ferme de l’espoir).
La situation de départ était assez déprimante : lors des premiers recensements menés durant l’automne 1999, l’avifaune était très pauvre : il n’y avait pas par exemple pas de Perdrix grises (Perdix perdix), de Vanneaux huppés (Vanellus vanellus) ou de Bruants proyers (Emberiza calandra), ni même de Linottes mélodieuses (Linaria cannabina), et seuls deux Bruants jaunes (Emberiza citrinella) et trois Bruants des roseaux (E. schoeniclus) avaient été comptés.
Plusieurs changements ont donc été menés pour améliorer et la richesse du sol et la diversité de la faune et de la flore : introduction de cultures de couverture et de printemps, assolement incluant les prairies, apports de matières organiques, suppression des produits chimiques, pâturage des prairies, création de bandes enherbées et fleuries, meilleur entretien des haies existantes et plantation de nouvelles, etc.
![]() Perdrix grise (Perdix perdix) au pied d’une haie dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Les résultats de ces actions sur l’avifaune ont été spectaculaires depuis 2000 : le nombre d’oiseaux nicheurs a ainsi augmenté de plus de 130 %, et celui d’oiseaux hivernants de 1 300 %. Citons entre autres les retours en 2014 du Moineau friquet (Passer montanus) en tant que visiteur hivernal et du Bruant proyer en tant qu’hivernant régulier et nicheur en 2016, forte augmentation du nombre de Bruants jaunes en hiver (plusieurs centaines), triplement des populations nicheuses de la Linotte mélodieuse (Linaria cannabina) et de l’Alouette des champs (Alauda arvensis), retour de la nidification du Vanneau huppé, de la Perdrix grise et de la Bergeronnette printanière (Motacilla flava), etc.
L’augmentation du nombre de papillons diurnes, qui a plus que quadruplé, a aussi été remarquable.
Durant cette période, la Hope Farm a été rentable lors de la plupart des exercices.
L’interview de Sophie Mott (RSPB), responsable adjointe de la Hope Farm
1- Dans la Hope Farm, les pratiques agricoles respectueuses de l’environnement mises en place sont partagées avec le reste de la communauté agricole : ce type de ferme « modèle » est-il unique en Grande-Bretagne ?
Sophie Mott : non, il existe d’autres exploitations consacrées à la recherche agricole au Royaume-Uni, qui sont gérées par d’autres organisations, des universités ou des agriculteurs. Nous ne sommes pas la seule ferme à chercher et à présenter des techniques agricoles respectueuses de la nature et du climat. Nous sommes par contre la seule ferme arable entièrement commerciale détenue par la RSPB, qui nous apporte son soutien et son aide pour mettre au point des pratiques favorables à la faune.
2- Pourquoi la Hope Farm a-t-elle été choisie par la RSPB ?
Sophie Mott : la Hope Farm, qui est située dans le Cambridgeshire, a été choisie pour plusieurs raisons : il s’agit d’une exploitation d’un seul tenant que nous détenons entièrement. La terre est argileuse et lourde, c’est-à-dire l’un des types de sol les plus difficiles à régénérer et à préparer pour créer des prairies fleuries. Il est également assez simple d’y accéder depuis Westminster, ce qui nous permet d’y emmener plus facilement les décideurs politiques pour leur présenter nos actions.
3 – La Hope Farm est une ferme sous contrat et vous payez un agriculteur sous contrat pour l’exploiter : cela concerne-t-il la totalité de la surface (181 hectares) de l’exploitation ? Avez-vous eu des difficultés à trouver cet agriculteur ?
![]() Récolte de l’Orge de printemps dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : cela concerne bien la totalité des 181 hectares, mais seulement environ 150 hectares sont cultivés, les 31 restants servant à la conservation, mais cet agriculteur est également rémunéré pour gérer ces derniers au seul bénéfice de la faune. Nous recevons des financements de la part des programmes gouvernementaux (qui sont disponibles pour toutes les exploitations du pays) pour y parvenir. Nous n’avons pas eu de difficultés à trouver notre exploitant car nous le connaissions déjà.
4- La Hope Farm a été créée en 2000 pour encourager une agriculture respectueuse de la faune et rentable : vos résultats et recommandations ont-ils déjà été pris en compte par des agriculteurs britanniques ? Avez-vous un ou plusieurs exemples d’exploitations ayant appliqué vos recommandations ?
Sophie Mott : nous partageons beaucoup de connaissances avec les agriculteurs et nous apprenons également beaucoup d’eux. Nous recevons des commentaires positifs sur notre travail, mais les agriculteurs qui sont déjà ou qui veulent devenir plus « respectueux » de la nature s’inspirent de différentes sources. Chaque exploitation est unique et nous encourageons tous les fermiers à rechercher autant de conseils que possible. Nous partageons cependant au maximum ce que nous avons appris. Le fait que la Hope Fam puisse présenter des résultats concrets nous aide dans nos échanges. Il est très important de rappeler que nous gérons la Hope Farm comme une entreprise, et que le fait de prendre soin de la faune contribue à augmenter nos revenus, sans compter les avantages non financiers. Notre exploitation nous permet de tenir un dialogue bidirectionnel, dans lequel nous partageons nos idées et notre expérience. Bien que ce soit difficile à quantifier, c’est très perceptible.
5- Vous n’utilisez pas d’insecticides et vous avez réduit l’utilisation de produits chimiques et d’engrais minéraux : pensez-vous qu’il soit viable pour un agriculteur « moyen » de les abandonner totalement ?
![]() Guêpe parasite dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : c’est une question intéressante. Les fermes pratiquant l’agriculture biologique fonctionnent sans produits chimiques de synthèse, et donc il est a priori possible de s’en passer (lire Pesticides, biodiversité et populations d’oiseaux). Toutefois, les rendements sont plus faibles que ceux de l’agriculture « conventionnelle » : le sujet est donc sociétal et économique et va au-delà de la sécurité alimentaire. La Hope Farm et d’autres exploitations ont réussi à éliminer les insecticides sans en souffrir, mais nous n’avons pu le faire qu’une fois avoir créé suffisamment d’habitats favorables pour augmenter les populations d’insectes auxiliaires. Nous avons pu réduire nos autres intrants, mais c’est également le résultat de nombreuses années d’amélioration de la résilience de notre sol et de notre fonctionnement.
Nous continuons en permanence à rechercher les moyens de réduire nos intrants et de maintenir le rendement de notre production, mais ce n’est pas simple et il faut du temps pour passer de l’agriculture « conventionnelle » à la production biologique.
6- Lors des années précédentes, vous vous êtes principalement tourné vers des cultures d’automne, jugées comme plus rentables. Récemment, vous avez introduit des cultures de printemps pour mieux gérer les plantes adventices et maintenir la rentabilité globale : pouvez-vous nous en dire plus ?
Sophie Mott : comme de nombreuses exploitations agricoles de l’East Anglia, nous avons dû lutter contre le Vulpin des champs (Alopecurus myosuroides), une adventice qui a de graves répercussions sur la croissance des céréales. Le passage aux cultures de printemps peut en effet nous aider à contrôler cette plante, mais nous intégrons désormais également des prairies triennales au cours de notre rotation.
7- Au cours des cinq premières années, vous n’avez cultivé que du blé et du colza dans le cadre d’un assolement de trois ans (blé-blé-colza), puis cette rotation a évolué pour tenir compte des opportunités du marché : pourquoi avoir choisi ces trois cultures ?
![]() Cultures céréalières dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : la succession blé-blé-colza est fréquente dans les exploitations de la région, car ce sont les cultures les plus rentables sur des sols lourds. Elles étaient cultivées dans la ferme pendant de nombreuses années avant que nous l’achetions. Nous avons continué cette rotation pendant les cinq premières années pour nous aider à établir une base de référence avant d’effectuer des changements. Nous avons ensuite commencé à inclure d’autres cultures dans l’assolement, et nous en avons maintenant jusqu’à neuf, sans compter les prairies et les jachères. La rotation s’étale donc sur cinq à dix ans selon les cas, mais nous ne cultivons en moyenne que cinq végétaux par an pour faciliter la gestion. Beaucoup de nos voisins et d’autres fermes de l’East Anglia ont également élargi leur rotation, car la succession blé-blé-colza n’est plus viable avec la pression croissante des ravageurs.
8- Combien de tonnes de céréales et de colza ont-elles été produites en 2023 ? Comment et à qui vendez-vous vos productions ? La Hope Farm est-elle rentable ?
Sophie Mott : en 2023, nous avons produit environ 450 tonnes de Blé d’hiver, 330 tonnes d’Orge d’hiver, environ 65 tonnes d’Orge de printemps et environ 20 tonnes de blé YQ (= de brasserie). Toutefois, ces tonnages sont variables d’une année sur l’autre, et nous ne cultivons pas chaque année les mêmes superficies de céréales et de colza, cette dernière donnant par ailleurs des rendements décroissants.
Nous vendons certaines récoltes sous contrat, tandis que d’autres vont sur le marché libre.
La Hope Farm est soumise aux mêmes pressions et contraintes que les autres exploitations britanniques. Nos comptes sont publiés en ligne pour plus de transparence : nous n’avons pas été rentables que durant trois exercices au cours des 25 dernières années, et globalement, nos résultats sont restés stables, les fluctuations annuelles étant seulement dues aux conditions météorologiques et aux évolutions des cours mondiaux.
9- Vous avez mis en place un programme de lutte intégrée contre les ravageurs : pouvez-vous nous présenter les principales mesures prises ?
![]() Prairie semée fleurie au printemps dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : la Hope Farm est entourée de différents habitats afin d’accueillir un maximum de biodiversité. Nos parcelles cultivées sont bordées de bandes herbeuses qui fournissent des végétaux, du pollen et du nectar aux insectes, tandis que des haies offrent des abris aux animaux et protègent du vent. Les champs les plus vastes sont traversés de « couloirs » fleuris qui servent de corridors.
Nous avons intégré les prairies dans notre rotation annuelle pour lutter contre les plantes adventices et pour augmenter la richesse en fleurs, tout en améliorant la structure et la fertilité du sol.
Grâce à un éleveur, nous utilisons aussi un petit troupeau de moutons pour produire de la matière organique et favoriser certains insectes.
Nous utilisons des cultures d’accompagnement pour aider le colza à s’établir et à pousser plus efficacement et pour accueillir une plus grande variété d’invertébrés utiles pour la lutte contre les ravageurs.
Nous travaillons pour améliorer la qualité et la résilience de notre sol en augmentant leur teneur en matière organique, en pratiquant les rotations de cultures et en minimisant le compactage. Nous étudions également différentes cultures pour essayer d’augmenter la résistance aux ravageurs et aux maladies. Tous ces éléments contribuent à notre plan de lutte intégrée contre les ravageurs. Il s’agit d’un système agricole complet, dans lequel nous cherchons à créer un écosystème plus résilient. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés plus régulièrement qu’auparavant en raison du changement climatique nous confortent dans nos choix et nous incitent à perfectionner nos mesures afin d’être mieux préparés à l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes.
10- Vos sols sont gérés de manière à être plus favorables aux cultures et à la faune : pouvez-vous nous en dire plus ?
Sophie Mott : notre gestion des sols varie d’une année sur l’autre et d’une parcelle à l’autre et en fonction de la saison. Notre objectif à long terme est de créer des sols plus résilients pendant les années difficiles. Nous les enrichissons chaque année en matières organiques avec du fumier de poulet et de cheval et du compost. Nous pratiquons le semis direct (sans labour) où nous le pouvons et nous limitons la circulation dans les champs pour limiter le compactage. Nous analysons régulièrement nos sols pour connaître leur teneur en nutriments et en matières organiques afin de savoir ce dont ils ont besoin pour continuer à s’améliorer. Nous progressons chaque année.
11- Vous taillez vos haies une fois tous les trois ans pour fournir plus de sites de nidification et de nourrissage aux oiseaux, et vous indiquez qu’elles produisent ainsi environ 14 fois plus de baies que celles qui sont taillées annuellement : quelles espèces d’arbres et d’arbustes composent vos haies ? En avez-vous créé de nouvelles depuis le début de la Hope Farm ?
![]() Bruant jaune (Emberiza citrinella) au pied d’une haie dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : les différentes haies de la Hope Farm qui sont en effet taillées tous les trois à cinq ans. En outre, elles sont gérées individuellement afin de maximiser leur attractivité pour la faune. Les principales espèces qui les composent sont l’Érable champêtre (Acer campestre), l’aubépine (Cratægus sp.), le Prunellier sauvage (Prunus spinosa) et la Ronce commune (Rubus fruticosus), mais aussi des chênes (Quercus sp.), des ormes (Ulmus sp.), des frênes (Fraxinus sp.), des peupliers (Populus sp.) et des saules (Salix sp.), et des arbres fruitiers et des arbustes comme l’Églantier commun (Rosa canina) et le nerprun (Rhamnus sp.). Nous avons planté quelques nouvelles haies depuis le début de la Hope Farm, mais la majorité d’entre elles était déjà en place et leur gestion a simplement changé.
12- Selon votre programme de suivi, 29 espèces de papillons et sept de bourdons ont été recensées dans la Hope Farm : ces chiffres sont-ils en augmentation importante depuis le début et sont-ils très supérieurs à ceux d’une exploitation britannique moyenne ?
Sophie Mott : si vous regardez les graphiques de notre programme de suivi, vous constaterez en effet que la diversité en insectes a augmenté de façon importante depuis le début de la Hope Farm. En particulier, la variété des papillons diurnes a progressé de plus de 350 % par rapport à 2000. Il existe d’autres exploitations qui obtiennent des chiffres comparables, mais aussi hélas de nombreuses fermes qui en sont loin à cause de leurs pratiques. La richesse en papillons continue à diminuer à l’échelle du Royaume-Uni et est inférieure à celle de la Hope Farm. Nous avons également constaté une augmentation significative des autres pollinisateurs, comme les abeilles sauvages et les papillons nocturnes, mais ils sont moins étudiés au Royaume-Uni. Les papillons diurnes constituent de bons indicateurs de la situation globale des pollinisateurs dans le pays.
13- Un réseau de bordures fleuries fournit des habitats à de nombreuses espèces d’insectes : quelles sont les principales espèces de fleurs présentes ?
![]() Prairie semée fleurie au printemps dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : la Hope farm compte des centaines d’espèces à fleurs communes, mais les plus importantes sont certainement les Euphorbes à feuilles larges (Euphorbia platyphyllos) et fluette (Euphorbia exigua), la Vesce élancée (Vicia parviflora), la Fausse Velvote (Kickxia spuria) et la Linaire élatine (Kickxia elatine).
Nous avons recensé des centaines d’espèces d’invertébrés pollinisateurs, y compris des raretés, comme le Pignon à taches blanches (Cosmia diffinis) et la Xanthie cendrée (Cirrhia gilvago).
14- Combien d’espèces d’oiseaux ont déjà été recensées dans la Hope Farm ? Certaines sont-elles rares en Grande-Bretagne ?
Sophie Mott : environ 130 espèces ont été recensées, dont des espèces occasionnelles rares comme les Pouillots à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) et siffleur (P. sibilatrix), le Busard cendré (Circus pygargus), le Gros-bec casse-noyaux (Coccothraustes coccothraustes) et le Guêpier d’Europe (Merops apiaster). Nous sommes toutefois plus préoccupés par la situation des populations nicheuses des oiseaux des zones cultivées, dont beaucoup figurent sur la Liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
15- Depuis le début des activités de la Hope Farm, les populations nicheuses de certaines espèces, comme la Linotte mélodieuse, les Bruants jaune et des roseaux et l’Alouette des champs ont plus que triplé, et le Vanneau huppé, la Perdrix grise, le Bruant proyer et la Bergeronnette printanière sont revenus : espérez-vous le retour d’autres espèces nicheuses ?
![]() Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) femelle dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : nous sommes très fiers d’accueillir toutes ces espèces. Nous continuons à agir pour répondre à leurs besoins et à les favoriser durant les périodes de nidification et/ou d’hivernage. Nous espérons qu’un jour nous pourrons assister au retour de la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur), mais cela dépendra de l’augmentation de leur population au niveau européen (NDLR : la chasse à la Tourterelle des bois a été suspendue en France en 2025 pour la cinquième année consécutive).
16- En hiver, le nombre d’oiseaux fréquentant la Hope Farm a fortement augmenté, avec une hausse de plus de 1 300 % depuis l’hiver 1999-2000 : combien d’oiseaux et d’espèces ont été recensés durant l’hiver 2022-2023 ?
Sophie Mott : durant l’hiver 2022-2023, 6 574 oiseaux appartenant à 52 espèces ont été comptés, dont 15 des 16 espèces composant l’indice britannique des oiseaux des terres agricoles (Farmland Bird Index species). Cela représente donc en effet une amélioration spectaculaire par rapport aux relevés initiaux menés au cours de l’hiver 2000-2001 : durant cet hiver-là, seuls 1 178 oiseaux appartenant à 32 espèces (dont seulement 9 espèces de l’indice des oiseaux des terres agricoles) avaient été comptés au cours de trois recensements. Au cours de l’hiver 2023-2024, 12 664 oiseaux de 49 espèces (dont 15 des 16 espèces possibles de l’indice des oiseaux des terres agricoles) ont été recensés.
17- Les cultures hivernales assurant une couverture du sol et les mélanges de graines pour oiseaux fournissent de nombreuses semences, mais laissez-vous une partie de vos cultures sur place après la récolte, y compris les « déchets » végétaux (tiges, etc.) ?
![]() Mélange de plantes à graines, incluant du colza, semées pour les oiseaux en hiver dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : oui, nous laissons des restes des cultures céréalières non récoltés pour nourrir les oiseaux hivernants (lire L’importance des chaumes pour la conservation des oiseaux dans les zones cultivées) et nous sommes rémunérés pour le faire dans le cadre de nos programmes environnementaux. Nous complétons également si nécessaire l’alimentation des oiseaux pendant l’hiver.
18- Avez-vous installé des mangeoires pour oiseaux ?
Sophie Mott : non, car lorsque nous complétons leur alimentation, nous le faisons au sol afin de pouvoir répartir les graines en fine couche afin de minimiser le risque de propagation des maladies.
19- Vous avez des Effraies des clochers (Tyto alba) sédentaires qui chassent au crépuscule dans la Hope Farm : combien de couples sont présents ? Avez-vous installé des nichoirs ?
Sophie Mott : oui, nous avons installé des nichoirs pour cette espèce. Un couple se reproduit généralement chaque année, mais certaines années, nous avons deux couples, ainsi qu’un couple de Chouettes hulottes (Strix aluco).
20- Il y a six hectares de prairies dans la Hope Farm : sont-elles gérées d’une manière particulière pour qu’elles soient attractives pour les oiseaux ? Quelles espèces d’oiseaux y nichent ?
![]() Prairie permanente pâturée dans la Hope Farm (Grande-Bretagne). |
Sophie Mott : nous faisons paître des chevaux ou des moutons sur certaines prairies, tandis que d’autres sont fauchés en automne. Bien que ces zones ne soient pas particulièrement attrayantes pour les oiseaux nicheurs, car elles ne sont pas assez grandes, elles accueillent des oiseaux qui nichent à proximité, comme l’Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) et les hirondelles, qui viennent s’y nourrir en été.
21- Il y a sept étangs dans la Hope Farm : les avez-vous créés ou existaient-ils déjà au début de votre activité ? Quelles espèces y nichent ?
Sophie Mott : nous avons créé certains étangs, mais la majorité d’entre eux existait déjà. Nous gérons nos plans d’eau et nos fossés pour favoriser la faune, mais beaucoup sont surtout destinés au drainage, leur rôle étant d’évacuer l’eau de nos champs. Ils constituent néanmoins des ressources en eau vraiment importantes pour la faune et ils accueillent de nombreuses espèces d’insectes, comme les libellules. La Gallinule poule-d’eau (Gallinula chloropus) s’y reproduit, mais la diversité ornithologique nicheuse est faible.
Une vidéo de présentation de la Hope Farm
Vidéo de la présentation de la Hope Farm, située dans le Cambridgeshire (Grande-Bretagne).
Source : Farm Wildlife
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Sources
- La section consacrée à la Hope Farm sur le site web de la RSPB : www.rspb.org.uk
- Jamie Wyver, RSPB (2018). Record winter flocks at RSPB Hope Farm. Birdguides. Date : 28/02. www.birdguides.com
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