L’interview d’Aurélie Amiault, fondatrice de Faune et Savoir

1- Vous avez créé en 2020 Faune et Savoir, un organisme de formation et d’expertise dans les domaines de la faune sauvage en détresse. Est-ce la seule structure comparable en France dans ce domaine ? Ce type de formation n’est-il pas aussi dispensé par les associations gérant des centres de sauvegarde de la faune sauvage ?

Grèbe huppé (Podiceps cristatus)

Grèbe huppé (Podiceps cristatus) dans un centre de sauvegarde de la faune sauvage.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : il s’agit effectivement de la seule structure se consacrant à temps plein à cette activité. D’autres institutions organisent des formations en parallèle de leurs activités principales, comme les associations, les centres de sauvegarde ou les écoles vétérinaires, mais outre le fait qu’elles demandent des compétences propres, elles sont chronophages, et ces organismes ne peuvent pas répondre à l’ensemble des demandes. Je l’ai vécu lors de mon expérience dans un centre de soins, et c’est ce manque de solutions qui m’a poussé à me lancer dans cette voie.

2- Sur votre site web Faune et Savoir, vous indiquez que votre objectif est d’améliorer la prise en charge des animaux sauvages trouvés blessés en France : pourquoi pensez-vous que cette prise en charge est actuellement déficiente ? Est-ce à cause du nombre insuffisant de centres de sauvegarde de la faune sauvage ?

Aurélie Amiault : effectivement, mon objectif est d’améliorer la prise en charge de la faune sauvage en France. Cette prise en charge est en effet loin d’être optimale, et le manque de centres de sauvegarde est l’une des problématiques. J’ai constaté les limites de ces derniers et le besoin que d’autres structures les soutiennent sur certains volets, comme la gestion des appels et la formation par exemple, mais selon moi, d’autres problématiques se posent également. 
Tout d’abord, le manque de structures spécialisées dans la gestion des appels constitue un problème. Lorsqu’un particulier trouve un animal sauvage blessé pour la première fois, il est en effet vite confronté à cette problématique et se demande qui contacter. Certains appellent les pompiers ou la mairie, qui les renvoient vers une clinique vétérinaire, qui les redirige ensuite vers un refuge pour animaux domestiques, qui leur propose ensuite de s’adresser vers une association de protection de l’environnement, qui enfin parfois connaît l’existence d’un centre de sauvegarde. Ces interlocuteurs ne connaissent pas toujours les bons réflexes à avoir et les personnes à contacter. Une fois que le particulier a les coordonnées d’un centre, ce dernier ne répond pas toujours car ces structures fonctionnent souvent sous un mode associatif et n’ont pas un rôle de service public, leur mission principale étant de soigner les animaux déjà accueillis. 
Ensuite, le manque général de connaissances du public concernant les espèces sauvages peut être à l’origine d’interventions qui les mettent en danger. Par exemple, de nombreuses personnes trouvent des Hérissons d’Europe (Erinaceus europaeus) en ville et choisissent de les récupérer pour les déposer en forêt. En agissant ainsi, elles les mettent en réalité en danger : en effet, cela peut condamner des jeunes qui attendent le retour de leur mère déplacée.

Vautour fauve (Gyps fulvus)

Vautour fauve (Gyps fulvus) dans un centre de sauvegarde de la faune sauvage.
Photographie : Aurélie Amiault

Enfin, le défaut d’implications de certains acteurs, comme les professionnels des cliniques vétérinaires ou les pompiers, constitue un autre obstacle. Le cas d’un appel lorsque je travaillais dans un centre de sauvegarde m’avait marqué : une personne qui était à deux heures de route m’avait contacté au sujet d’un Vautour fauve (Gyps fulvus) trouvé affaibli. Je lui ai conseillé de ne pas se mettre en danger et de contacter les pompiers pour le capturer, mais quelques minutes plus tard, elle m’avait rappelé affolée, en me disant que les soldats du feu lui avaient dit de l’attraper elle-même car ils ne pouvaient pas se déplacer. Or elle ne se sentait pas capable de le faire. Je lui avais suggéré de ne pas intervenir et de simplement l’observer à bonne distance, et j’ai appelé moi-même les pompiers pour mieux comprendre la situation, et ils m’ont avoué qu’ils ne savaient pas comment capturer un grand rapace. Après quelques explications téléphoniques, ils sont finalement intervenus.

3- Vous avez créé le site web Faune et Savoir car lorsque vous étiez responsable d’un centre de sauvegarde de la faune sauvage, vous aviez constaté que c’était le seul ouvert pour cinq départements : pour quelle raison selon vous ? Est-ce à cause d’un manque de vocations ou de moyens financiers ?

Aurélie Amiault : pour moi, la raison principale est un essoufflement des projets de création de centres. De nombreuses personnes souhaiteraient pouvoir soigner les animaux récupérés dans la nature, et cette volonté est bien présente partout, mais lorsqu’elles me contactent, nous évoquons par téléphone les premiers obstacles à surmonter : ainsi, pour avoir le droit de soigner la faune sauvage, il faut disposer d’un certificat de capacité pour certaines espèces et une autorisation d’ouverture.

Jeune Martinet noir (Apus apus) recueilli

Jeune Martinet noir (Apus apus) recueilli.
Photographie : Aurélie Amiault

Le problème principal concerne en effet l’obtention du certificat. Pour le demander, il faut cumuler deux ans d’expérience dans un centre de soins, déposer un dossier puis passer devant une commission qui donnera un avis favorable ou non. Or, étant donné qu’il y a très peu de centres en France, il est difficile d’obtenir l’expérience requise. Dans certains départements, le temps qui s’écoule entre le dépôt d’un dossier et la réception de la convocation pour le passage devant la commission peut se compter en années. L’une des solutions serait d’embaucher une personne déjà titulaire de ce certificat, mais il y en a très peu. Selon moi, beaucoup de soigneurs ont les capacités nécessaires pour demander cette reconnaissance de compétences, mais ils sont freinés par l’opacité des démarches. Je propose donc des formations et des prestations pour accompagner les personnes dans ce processus, ce qui pourrait aider à créer de nouvelles structures à petite et à grande échelle.
L’aspect financier est l’autre dimension à prendre en compte dès le début. Lorsque j’accompagne des personnes physiques ou morales dans le montage des projets de création de centres, je souligne en effet que beaucoup de ceux qui existent déjà menacent de fermer pour des raisons financières. Il est donc important de travailler sur le modèle économique de la future structure, au moment de son ouverture et pour son fonctionnement à venir. Il y a selon moi trop peu de créateurs de centres de sauvegarde qui ont des compétences de gestion de projets.
Depuis que j’ai créé Faune et Savoir, un nouveau centre a vu le jour dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, deux autres projets sont en très bonne voie, et d’autres sont en cours de réflexion.

4- Lorsque vous étiez responsable d’un centre de sauvegarde, vous aviez constaté qu’il y avait 400 cliniques vétérinaires dans le territoire couvert par son activité, mais que seules vingt acceptaient d’accueillir les animaux en attendant l’organisation d’un transport. Pour quelles raisons selon vous : par manque de temps, de motivation ou à cause de la complexité administrative ?

Grand-duc d'Europe (Bubo bubo) recueilli

Grand-duc d’Europe (Bubo bubo) recueilli.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : pour toutes ces raisons, et pour d’autres encore. Différents sondages ont permis de faire ressortir en premier le manque de compétences. Les Auxiliaires Spécialisés Vétérinaires (ASV) et les vétérinaires sont en effet surtout spécialisés dans les soins apportés aux espèces domestiques, principalement les chats et les chiens.
Le manque de solutions pour la prise en charge constitue également un frein : les centres de sauvegarde n’accueillent en effet pas toutes les espèces et sont parfois difficilement joignables, et les animaux apportés doivent alors rester en clinique pendant plusieurs jours.
Le manque de temps est une réalité, les cliniques assurant de nombreuses missions et étant exposées aux aléas liés à la prise en charge des animaux, et elles ont peur d’en avoir trop à gérer.
Les contraintes liées à leur rentabilité sont aussi à prendre en compte, et c’est un point que je souhaite aborder. Si les cliniques se formaient au moins à la gestion des sollicitations, elles pourraient optimiser leurs temps de travail et pourraient sensibiliser leur clientèle. Durant la période estivale, qui est la plus active, les demandes concernent en effet surtout de jeunes animaux qui n’ont pas réellement besoin d’être pris en charge. Pour ceux qui sont en détresse, si les professionnels des cliniques donnaient les bons conseils et renvoyaient ensuite les personnes vers les centres de sauvegarde, beaucoup pourraient être pris en charge plus rapidement et dans de meilleures conditions.
Pour résumer, les cliniques peuvent aider les animaux sauvages sans forcément avoir à les accueillir. En tant que référents, ce sont des acteurs clés qui peuvent participer à l’amélioration de la prise en charge de la faune en donnant simplement les bons conseils.

5- Une clinique vétérinaire n’est-elle pas « obligée » de prendre en charge un animal blessé si on lui apporte ?

Aurélie Amiault : c’est une question complexe. Les activités des vétérinaires sont encadrées par la règlementation, et leur code de déontologie les incite à intervenir dans la limite de leurs compétences, ou à défaut de réorienter l’animal vers un confrère. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’animaux sauvages, la législation encadrant les activités liées à l’environnement vient compliquer les choses. Les animaux sauvages sont en effet classés en différentes catégories (espèces protégées, exotiques, chassables, exotiques ou invasives), leur point commun étant globalement qu’il est interdit de les capturer et les détenir. Cette mesure vise en priorité à protéger la faune et à éviter les dérives, mais lorsqu’on trouve un animal blessé, cette interdiction est toujours applicable, que l’on soit un particulier ou un professionnel. La règlementation prévoit toutefois une tolérance dans le cas où l’animal sauvage est en détresse et qu’il est rapidement transporté vers un centre de sauvegarde, qui s’applique aux cabinets vétérinaires qui souhaitent effectuer les premiers soins en attendant un transfert vers un centre. Les cliniques n’ont donc pas le droit de détenir ces animaux, mais elles peuvent intervenir grâce à cette tolérance et en fonction de leur code de déontologie.

6- En France, la règlementation pour le transport des animaux sauvages est contraignante : elle interdit de détenir des espèces non domestiques issues du milieu naturel, mais une tolérance existe pour qu’ils puissent assurer les premiers soins en attendant un transfert vers un centre de sauvegarde habilité. Combien de temps peut-on garder un animal chez soi avant de pouvoir aller l’apporter à une clinique vétérinaire ou dans un centre de sauvegarde, ces derniers n’étant pas toujours ouverts ou proches ? Est-on obligé de déclarer quelque part la détention d’un animal blessé ?

Chouette hulotte (Strix aluco) recueillie

Chouette hulotte (Strix aluco) recueillie.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : il n’y a pas de durée limite définie. La tolérance réglementaire mentionne « qu’un transport sans formalité vers un centre de sauvegarde est possible s’il est effectué dans les plus brefs délais et par l’itinéraire le plus direct ». Les cabinets vétérinaires doivent par contre prévenir l’Office Français de la Biodiversité lorsqu’ils accueillent un animal sauvage.
Le conseil que je donne aux personnes qui nous contactent est de toujours prévenir un centre de sauvegarde en lui transmettant leurs coordonnées : ainsi, en cas de contrôle, elles pourront prouver qu’elles sont de bonne foi.

7- Vous précisez que plusieurs professionnels de cliniques vétérinaires vous ont avoué que la raison principale de l’absence de prise en charge d’animaux sauvages blessés était qu’ils ne se sentaient pas compétents, les Auxiliaires Spécialisés Vétérinaires et les vétérinaires abordant peu, ou pas du tout, la faune sauvage dans leurs programmes d’études : en quoi les soins à apporter à des oiseaux sauvages par exemple sont-ils différents de ceux à apporter à des oiseaux domestiques (volailles, oiseaux d’ornement, etc.) ?

Aurélie Amiault : il y a peu de vétérinaires compétents pour s’occuper des oiseaux, et leur prise en charge est très différente en fonction des espèces et de leur niveau d’habituation aux humains : un animal sauvage sera naturellement plus stressé à notre contact que s’il était domestique. Une poule ne sera ainsi pas auscultée de la même manière qu’un rapace ou une mouette, et le diagnostic et les contentions se dérouleront différemment. Les pathologies et les soins ne seront pas non plus les mêmes.
Une erreur souvent commise est de donner une trop grosse quantité de nourriture à un animal sauvage devant rester plusieurs jours en clinique. Un oiseau domestique est généralement moins maigre qu’une espèce sauvage, et si ce dernier est nourri en trop grosse quantité, il risque d’avoir de graves problèmes de digestion.

8- En vous basant sur votre expérience, que conseillez-vous aux personnes ayant récupéré un oiseau blessé, par exemple avec une aile brisée, et qui ne peuvent pas, pour différentes raisons (éloignement, jours fériés, indisponibilité, etc.), l’emmener rapidement à un vétérinaire ou un centre de soins ? Quels sont les premiers gestes importants à adopter ?

Placez l'animal dans une boîte

Placez l’animal dans une boîte avec une source de chaleur et tissu fin pour le protéger des insectes volants.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : je conseille d’être patient. Si vous ne pouvez pas rapidement l’apporter à un centre de sauvegarde (s’il y a en a de disponible), les bons réflexes sont de garder l’animal au calme et au chaud, le stress et l’hypothermie étant deux ennemis dans ces situations. Si vous trouvez un oiseau blessé au niveau de l’aile, il ne mourra pas de sa fracture dans les deux jours ni de ne pas avoir été suffisamment nourri ou hydraté, mais il peut par contre stresser et mourir d’une crise cardiaque.
Par ailleurs, ne sous-estimez pas le pouvoir d’une source de chaleur agréable : elle aide l’animal à économiser ses forces, puisque son corps n’aura ainsi pas à dépenser beaucoup d’énergie pour se réchauffer et pour fonctionner grâce à cette aide.  
En été, protégez également l’animal, jeune ou adulte, des mouches et des moustiques en posant une moustiquaire ou un tissu fin sur le conditionnement. L’animal pourra respirer, mais les insectes ne pourront pas l’atteindre pour lui pondre dessus.

9- En vous basant sur votre expérience, que conseillez-vous de faire aux personnes ayant récupéré un oisillon semblant vraiment abandonné (après vérification qu’il n’y avait pas de nid ou d’adultes à proximité) et qui ne peuvent ni l’apporter rapidement à un professionnel ni en contacter un, par exemple en été ou durant des jours fériés ?

Oisillon de Martinet noir (Apus apus)

Oisillon de Martinet noir (Apus apus) recueilli.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : je donnerais les mêmes conseils que pour un adulte, c’est-à-dire, de la patience, du calme et une température suffisante. Si le jeune n’a pas de poils ni de plumes, il ne peut pas réguler sa température corporelle et il n’a pas de protection contre le froid ou le chaud. Si l’animal est encore trop jeune, il faut donc le protéger des températures extérieures. Mettez la boîte (ou tout autre contenant) dans laquelle il est placé dans une pièce calme et fermée à température ambiante (environ 20 degrés), et ajoutez une source de chaleur modérée, même en période caniculaire, qui se diffusera. Posez votre main là où doit être mis l’oiseau : vous devez ressentir une chaleur agréable.
Attention si vous voulez nourrir le jeune dont le système digestif est en cours de développement : en introduisant un aliment qu’il ne connaît pas et/ou en trop grandes quantités, il risque de mourir dans les heures ou les jours qui suivent. Pour les soigneurs des centres de sauvegarde, il sera toujours plus facile de soigner un animal, même jeune, qui n’a pas été nourri depuis quelques jours, qu’un animal dont le système digestif a été « empoisonné ». Ne donnez jamais de lait de vache ni de pain. Concernant l’eau, vous risquez de l’asphyxier si vous faites une mauvaise manipulation. J’ai mis en ligne une formation gratuite sur les bons réflexes à avoir sur www.faunesavoir.com.

10- Quels sont selon vous les cas les plus difficiles à gérer quand on se retrouve devant un oiseau en détresse (manipuler un rapace ou un héron pouvant être agressif, nourrir un oisillon d’une espèce insectivore particulière comme le martinet, etc.) ? Pouvez-vous donner des exemples de cas compliqués à gérer en vous basant sur votre propre expérience ?

Aurélie Amiault manipulant un Cygne tuberculé (Cygnus olor)

Aurélie Amiault manipulant un Cygne tuberculé (Cygnus olor).
Photographie : Marine Willy

Aurélie Amiault : en me basant sur mon expérience, la situation la plus difficile à gérer lorsque l’on récupère un animal en détresse, est d’accepter de ne rien faire d’autre que le garder au calme et au chaud, et d’attendre l’intervention d’un centre de sauvegarde, si toutefois il y a en a dans votre secteur. Ne pas l’hydrater, ne pas le nourrir, et ne pas regarder régulièrement dans sa boîte ou sa cage pour être sûr qu’il va bien sont des réflexes difficiles à maîtriser, et pourtant ils peuvent éviter de tuer rapidement l’animal : c’était un constat régulier en centre de sauvegarde.
Les personnes qui se retrouvent face à un animal en détresse paniquent et veulent absolument agir rapidement. Or il est préférable de le surveiller, de réfléchir, et de ne pas hésiter à demander de l’aide, à un passant ou à un proche.
Il faut aussi être prudent car intervenir peut être dangereux pour soi et pour l’animal. Capturer un rapace en bord de route est par exemple risqué : pensez à vous signaler, à vous équiper (gants, manches longues et tissu) et à vous approcher en l’incitant à se réfugier dans un endroit sûr.
Pour attraper un héron, il faut garder à l’esprit que son bec peut blesser au niveau des yeux, et il faut donc maîtriser celui-ci en priorité.
J’ai eu le cas d’un Cygne tuberculé (Cygnus olor) qui nageait et dont le plumage était pollué. Tenter de l’attraper à ce moment aurait présenté des dangers : il fallait donc l’observer tout en se préparant et attendre patiemment qu’il sorte de l’eau, et la capture s’est ainsi bien déroulée.
Dans certains cas, la situation présente un danger trop important et il faut se rapprocher des pompiers. C’est le cas par exemple quand on veut capturer un Blaireau d’Europe (Meles meles) adulte tombé dans un canal dont il ne peut pas sortir seul, sortir une chouette bloquée dans un conduit de cheminée, ou attraper un oiseau qui vole mais qui a un fil de pêche enroulé autour de la patte. Sans équipement approprié, les particuliers ne peuvent pas intervenir, mais ils peuvent observer la situation et demander de l’aide à d’autres structures, comme les pompiers par exemple.
Les cas les plus difficiles à gérer sont ceux pour lesquels il n’y a pas de solutions de prise en charge : par exemple, très peu de centres de sauvegarde en France sont autorisés à prendre en charge les Sangliers d’Europe (Sus scrofa), les sollicitations pour aider un adulte ou un marcassin blessé étant difficiles à traiter.

11- Vous proposez des webconférences pour différents publics (secouristes, professionnels de cliniques vétérinaires, bénévoles et créateurs des centres de sauvegarde, soigneurs animaliers, etc.) : sont-elles toutes payantes ? Un simple curieux peut-il suivre la formation pour secouriste par exemple ?

Aurélie Amiault : la formation en ligne de secouriste de la faune sauvage est disponible gratuitement et permet aux personnes de connaître les bons réflexes face à un animal en détresse, et elle est accessible par tous : curieux amateur ou professionnel de la santé animale.
Les prestations plus spécialisées proposées sont payantes, mais je propose des tarifs et des modalités de paiement accessibles.

12- Vos formations sont-elles toutes à distance ? Peut-on vraiment se former à aider des oiseaux sauvages en détresse sans les manipuler pour s’entraîner ? faut-il généralement en suivre plusieurs ou une seule suffit ?

Jeune Chouette hulotte (Strix aluco)

Jeune Chouette hulotte (Strix aluco) recueillie.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : la pandémie de Covid-19 m’a effectivement conduite à concevoir des formations à distance, avec visionnage par écran interposé ou en ligne (e-learning), ce qui me permet de répondre à des besoins partout en France, et même en Belgique et en Suisse. Je propose également des formations en présentiel, lorsque les demandes concernent des groupes déjà formés, par exemple sur les secouristes, sur les soins en clinique vétérinaire ou sur le sujet de la cohabitation avec les goélands en ville. Le présentiel permet surtout de créer une bonne cohésion, ce qui est plus difficile à distance.
Le fait de ne pas toucher d’animaux vivants n’empêche pas de monter en compétences : je ne cautionne pas ces manipulations sans nécessité. Pour les personnes qui souhaitent en réaliser, je leur conseille de devenir des bénévoles dans un centre de sauvegarde, ce qui leur permettra d’apprendre les gestes quotidiens sans avoir à stresser inutilement des animaux. 
La question de l’absence de manipulation pour des formations de soins sur des animaux est néanmoins pertinente, mais je peux y répondre en présentant ma façon de travailler. Lors de la conception d’un sujet, je travaille sur les objectifs pédagogiques précis : par exemple, si l’objectif final est d’être capable d’intervenir en cas de découverte d’un oiseau en détresse, je décompose la formation en paliers de sous-objectifs. Prenons celui de la capacité à capturer un oiseau : avant d’atteindre ce but, il faudra être capable d’identifier les dangers, d’évaluer les risques et de connaître les différentes techniques utiles afin de choisir la meilleure façon d’intervenir. Si lors d’une formation vous vous entraînez seulement à capturer un rapace et un héron, vous n’aurez pas les éléments pour lorsque vous serez confronté par exemple à un goéland. Il n’est pas possible de s’entraîner à capturer toutes les espèces susceptibles d’être trouvées sur le territoire, mais si vous apprenez la bonne méthode, vous saurez agir. Nous travaillons beaucoup sur des mises en situations fictives pour automatiser ce mécanisme de réflexion lors des formations.
En fonction des besoins des personnes et de leurs objectifs, elles peuvent suivre une ou plusieurs formations et webconférences. Par exemple, si l’objectif d’un curieux est uniquement d’identifier la marche à suivre en cas de découverte d’un animal sauvage, la formation gratuite en « e-learning » suffira, mais si elle souhaite intervenir régulièrement dans le cadre d’une activité bénévole, elle pourra se spécialiser grâce aux « webi-faune » secouristes. Si l’on veut aider un centre de sauvegarde en répondant aux appels, on s’orientera vers la formation « médiation ».

13- Vous proposez une formation pour les personnes souhaitant ouvrir un centre de sauvegarde de la faune sauvage, or beaucoup de ceux qui existent ont du mal à fonctionner à cause d’un manque d’argent et/ou de bénévoles : que pensez-vous de cette crise ? Que conseilleriez-vous à une personne souhaitant se lancer dans cette « aventure » ?

Grand-duc d'Europe (Bubo bubo) dans la volière d'un centre de sauvegarde

Grand-duc d’Europe (Bubo bubo) dans la volière d’un centre de sauvegarde.
Photographie : Aurélie Amiault

Aurélie Amiault : le contexte actuel des centres de sauvegarde en France doit être étudié. Beaucoup d’entre eux rencontrent des difficultés financières ou pour trouver et « fidéliser » des bénévoles, mais d’autres y arrivent. Chaque structure fait donc face à des défis différents dont les origines sont externes et parfois internes.
Pendant la formation, je mets en avant l’importance de l’étude du contexte et de cadrer son projet avant de se lancer tête baissée dans la recherche d’un terrain. Par exemple, si le contexte politique n’est pas du tout favorable dans le département envisagé pour la création, il est préférable d’envisager de l’ouvrir dans les départements limitrophes. Je conseille aussi de diversifier ses recherches en termes de sources de financement: si un unique partenaire fournit près de la moitié des fonds, la situation peut devenir délicate s’il se désengage.
Si l’on vous propose de vous installer sur un terrain et que vous acceptez sans étudier les avantages et les inconvénients, le centre peut rencontrer des problèmes : par exemple, un terrain isolé et difficilement accessible compliquera le rapatriement des animaux et la recherche de bénévoles. Il est préférable d’être patient et d’étudier longuement le projet pour pérenniser l’activité d’un centre. 
Lors de la formation, le créateur apprend aussi à réfléchir sur sa personnalité et sur ses goûts : s’il n’apprécie pas le travail d’équipe, il devra réfléchir à deux solutions : orienter son projet vers une petite structure qui pourra fonctionner avec très peu de bénévoles, ou se former à la gestion de personnel pour éviter les conflits internes et le manque de bénévoles.
Le contexte général difficile est à prendre en compte, et des organismes réfléchissent pour faire évoluer la situation des centres de sauvegarde : je suis optimiste concernant les avancées qui en déboucheront.

14- Vous proposez une formation pour obtenir le certificat de capacité de soin de la faune sauvage pour les personnes qui souhaitent avoir une demande de reconnaissance de compétences pour le soin à la faune sauvage : pouvez -vous nous en dire plus ?

Jeune Écureuil roux (Sciurus vulgaris)

Jeune Écureuil roux (Sciurus vulgaris).
Photographie : Mélanie Pouyault

Aurélie Amiault : le certificat de capacité est une décision administrative délivrée par le préfet, et en tant qu’organisme de formation, je ne peux pas le délivrer. J’accompagne les personnes qui souhaitent se lancer dans les démarches pour en demander un. Je propose une formation de base pour identifier les étapes pour effectuer cette demande, et je propose des rendez-vous individuels pour avancer dans les démarches en fonction du profil et des besoins de la personne. Ce certificat a été mis en place pour justifier les compétences d’une personne à travailler avec des animaux sauvages, et tout établissement qui en détient doit être géré par au moins une personne certifiée. En France, il y a peu de personnes qui ont le certificat de capacité pour le soin à la faune sauvage, alors que je suis persuadée que beaucoup de soigneurs pourraient le demander et l’obtenir, et cette pénurie complique la création ou la pérennisation de centres de sauvegarde. Ainsi, si le responsable capacitaire part de la structure, cette dernière devra en retrouver un autre pour avoir le droit de continuer à soigner des animaux.

15- Constatez-vous que de plus en plus de gens ont envie d’aider les animaux sauvages blessés ?

Aurélie Amiault : c’est très difficile de répondre à cette question. J’aurais tendance à dire, et à espérer, que oui, mais je ne dispose pas de données objectives pour le confirmer. En tout cas, je côtoie chaque jour des personnes qui souhaitent aider des animaux. On constate aussi que la plupart des centres de sauvegarde reçoivent de plus en plus d’animaux, mais cela signifie-t-il qu’il y a plus de personnes qui veulent aider les animaux, ou que de plus en plus de monde qui connaît l’existence de ces centres ? En tout cas, tout ce ci montre l’envie du public d’agir pour la faune sauvage.

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