Présentation générale de l’étude IBISurvey

Ouette d’Égypte (Alopochen aegyptiaca)

Ouette d’Égypte (Alopochen aegyptiaca) pâturant dans une prairie en Allemagne.
Photographie : Karl-Ludwig Abken

L’Enquête sur les Interactions avec les Oiseaux Introduits (Introduced Bird Interaction Survey ou IBISurvey) est un  projet de science participative qui a débuté en 2021 et qui visait initialement à obtenir des données sur 76 espèces exotiques ayant été introduites en Europe, qui s’y sont établies avec succès dans la nature ou qui y sont fréquemment observées. Les auteurs se sont notamment intéressés à leurs interactions, conflictuelles ou non, avec l’avifaune autochtone et aux éventuels effets négatifs de leur présence sur la production agricole.
Ce projet visait également à faciliter l’identification des oiseaux exotiques introduits par le grand public, à sensibiliser ce dernier à leur existence et à obtenir des informations sur leur répartition.
La plateforme IBISurvey est ouverte à tous les publics et est accessible à l’adresse Ibisurvey.uevora.pt : on peut y transmettre ses observations (avec photos), et un guide visuel facilite l’identification des espèces concernées. Les participants sont conviés à apporter le plus d’informations possibles sur les comportements notés : nidification, alimentation, sociabilité, relations agressives ou cohabitation avec les autres espèces, etc.

La liste des espèces ciblées

L’étude IBISurvey a porté sur 75 espèces d’oiseaux exotiques visibles régulièrement en Europe : vous pouvez télécharger cette liste au format PDF.

Une grande quantité de données collectées durant trois ans

Ibis sacré (Threskiornis aethiopicus)

Ibis sacré (Threskiornis aethiopicus) en Italie.
Photographie : Roby

Entre le 30 mars 2021 et le 31 décembre 2023, la plateforme d’IBISurvey a reçu 1 481 observations concernant 75 espèces qui ont été transmises par 750 participants provenant de 30 pays, couvrant une zone allant des Açores (Portugal) à l’Azerbaïdjan et de la Norvège aux îles Canaries (Espagne). Près de 35 % des données étaient accompagnées de photos ou de vidéos. Les trois enregistrements les plus anciens dataient de 1985 (Espagne), de 1998 (Belgique) et de 2003 (Italie).
Les observations ont été réalisées dans différents milieux : les zones côtières (plages, ports, estuaires, marais salants, etc.), humides (lacs, rivières, roselières, rizières, etc.), agricoles (champs et prairies), boisées, urbaines et autres (haies, lisières, maquis, etc.). Plus de la moitié des données provenait de  zones urbaines.
Cinq pays ont fourni plus de cent données :

  • le Portugal, avec 489 observations de 32 espèces, la Perruche à collier (Psittacula krameri) étant la plus représentée.
  • L’Italie, avec 353 observations de 32 espèces, l’Ibis sacré (Threskiornis aethiopicus) étant le plus représenté.
  • L’Espagne, avec 182 observations de 32 espèces, la Perriche (anciennement Perruche ou Conure) veuve (Myiopsitta monachus) étant la plus représentée.
  • La France, avec 173 observations de 23 espèces, la Perruche à collier étant la plus représentée.
  • L’Allemagne, avec 106 observations de 15 espèces, l’Ouette d’Égypte (Alopochen aegyptiaca) étant la plus représentée.

La Perruche à collier a été l’espèce la plus observée

Perruches à collier (Psittacula krameri)

Perruches à collier (Psittacula krameri) nichant dans une cavité de Platane commun (Platanus × hispanica) au Portugal.
Photographie : Maria da Conceição Pinto

La Perruche à collier a été l’espèce la plus recensée avec 358 observations dans douze pays, majoritairement dans les zones urbaines (85 %).  Cette espèce, originaire d’Afrique et d’Asie, est établie au Royaume-Uni depuis 1925, elle est bien présente en Azerbaïdjan, en Belgique, en France, en Allemagne, en Grèce, en Italie, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, en Espagne et en Turquie, et elle semble en voie d’installation en Lituanie et en Slovénie. Les premiers oiseaux se seraient échappés de captivité. Elle se nourrit principalement de fruits et de graines (lire La Perruche à collier : l’un des rares oiseaux à manger les fruits des Marronniers d’Inde) et elle niche dans les trous des arbres et des bâtiments entre janvier et juin. La population européenne était estimée entre 10 000 et 99 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

L’Ouette d’Égypte à la seconde place

L’Ouette d’Égypte a été la deuxième espèce la plus recensée avec 185 observations dans 14 pays, la plupart du temps dans des zones humides. Cet Anatidé originaire d’Afrique est implanté au Royaume-Uni depuis le XIXe siècle, elle est bien présente en Belgique, en Tchéquie, au Danemark, en France (lire L’Ouette d’Égypte en Alsace : les raisons d’un succès), en Allemagne, en Italie, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Pologne, au Portugal, en Espagne et en Suisse, et elle semble en voie d’installation en Autriche, en Norvège, en Roumanie, en Slovaquie et en Suède. Les premiers oiseaux se seraient échappés de captivité et auraient été introduits délibérément dans les parcs urbains. Elle se nourrit principalement d’herbes et d’invertébrés et niche, tout au long de l’année, au sol ou dans des cavités dans les arbres, les falaises et les bâtiments. La population européenne était estimée entre 10 000 et 99 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

Le Léiothrix jaune à la troisième place

Léiothrix jaunes (Leiothrix lutea)

Léiothrix jaunes (Leiothrix lutea) se nourrissant à une mangeoire en Italie.
Photographie : Maria da Conceição Pinto

Le Léiothrix jaune (Leiothrix lutea) a été la troisième espèce la plus enregistrée, avec 144 observations dans quatre pays, la majorité ayant été faites dans des zones urbaines et dans des mosaïques d’habitats. Ce passereau originaire d’Asie est implanté en France depuis 1990 (lire Le Léiothrix jaune dans le Béarn), il est bien présent en Italie, au Portugal et en Espagne, et il pourrait à terme s’implanter en Allemagne, en Slovénie et au Royaume-Uni (lire Comment expliquer la progression du Léiothrix jaune en Europe ?). Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité. Il se nourrit principalement de fruits, de graines et d’invertébrés et niche dans une coupe construite dans les buissons et les bambous, entre avril et septembre. La population européenne était estimée entre 1 000 et 9 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

L’Ibis sacré à la quatrième place

L’Ibis sacré a été la quatrième espèce la plus recensée, avec 115 observations dans cinq pays, dont la majorité ont été faites dans des zones humides. Cet échassier est originaire d’Afrique et est présent en France depuis 1974 (lire Faucon pèlerin et Ibis sacré en Bretagne : des présences discutées). Il est actuellement également implanté en Italie, et il pourrait s’installer en Allemagne et en Espagne à l’avenir. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité ou ont été introduits dans des parcs. Il se nourrit principalement de petits animaux (insectes, poissons, etc.) et niche au sol, dans des arbres ou sur des falaises, entre mai et juillet. La population européenne était estimée entre 1 000 et 9 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

La Perriche veuve à la cinquième place

Perriche veuve (Myiopsitta monachus)

Perriche veuve (Myiopsitta monachus) dans le parc de Forest à Bruxelles (Belgique).
Photographie : Mahaut Held

La Perriche (autrefois Perruche ou Conure) veuve a été la cinquième espèce la plus recensée, avec 80 observations dans six pays, dont la majorité  dans des zones urbaines. Elle est  implantée en Espagne depuis 1975 (lire Le delta du Llobregat, l’ornithologie aux portes de Barcelone), elle est également présente en Belgique, en Italie, en Grèce, aux Pays-Bas et au Portugal, et elle  pourrait à l’avenir s’installer en Tchéquie, au Danemark, en France et au Royaume-Uni. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité. Elle se nourrit principalement de fruits, de graines et d’invertébrés et construit d’énormes nids en forme de dômes dans les arbres et sur des poteaux entre mars et septembre (lire Les nids collectifs des Conures veuves : des “hôtels” accueillants). La population européenne était estimée entre 10 000 et 99 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

L’Astrild ondulé à la sixième place

L’Astrild ondulé (Estrilda astrild) a été la sixième espèce la plus enregistrée, avec 73 observations dans trois pays, dont la majorité ont été faites dans des zones humides et urbaines. Ce passereau originaire d’Afrique est établi au Portugal depuis 1964, et il est également installé en Espagne. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité. Il se nourrit principalement de graines et d’invertébrés et construit des nids sphériques dans les roseaux, les buissons ou les arbres, entre février et novembre. La population européenne était estimée entre 10 000 et 99 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

Le Canard mandarin à la septième place

Canard mandarin (Aix galericulata)

Canards mandarin (Aix galericulata) et colvert (Anas platythynchos) en Italie.
Photographie : Riccardo Gherardi

Le Canard mandarin (Aix galericulata) a été la septième espèce la plus enregistrée avec 51 observations dans  14 pays, faites principalement dans des zones humides. Cet Anatidé originaire d’Asie est établi au Royaume-Uni depuis 1928. Il est aussi bien présent en Autriche, en Belgique, en Tchéquie, en France, en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie et en Suisse, et il pourrait s’installer à l’avenir en Croatie, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Italie, en Islande, en Norvège, en Russie, en Slovénie, en Espagne, en Suède, en Russie d’Europe et en Ukraine. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité ou ont été introduits dans des parcs. Il se nourrit principalement de végétation herbacée, de graines et de petits animaux aquatiques et niche dans les cavités d’arbres ou des nichoirs entre avril et juillet. La population européenne était estimée entre 1 000 et 9 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

La Bernache du Canada à la huitième place

La Bernache du Canada (Branta canadensis) a été la huitième espèce la plus enregistrée avec 50 observations dans douze pays, faites principalement dans des zones humides. Cet Anatidé originaire d’Amérique du Nord est établi au Royaume-Uni depuis le XVIIe siècle. Il est également installé en Belgique, au Danemark, en Estonie, en France, en Finlande, en Allemagne, en Italie, en Lettonie, en Lituanie, aux Pays-Bas,
en Norvège, en Pologne et en Suède, et il pourrait s’établir à l’avenir en Autriche, en Tchéquie, en Biélorussie, en Grèce, en Islande, au Portugal, en Espagne, en Suisse, en Russie et en Ukraine. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité ou ont été introduits dans des parcs ou pour la chasse. La Bernache du Canada se nourrit principalement de végétation herbacée, de graines, de fruits et d’invertébrés aquatiques et niche au sol ou dans un arbre entre mars et août. La population européenne était estimée entre 10 000 et 99 000 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

Le Martin huppé à la neuvième place

Martins huppés (Acridotheres cristatellus)

Martins huppés (Acridotheres cristatellus) au Portugal.
Photographie : António Teixeira

Le Martin huppé (Acridotheres cristatellus) était la neuvième espèce la plus enregistrée avec 46 observations au Portugal, la plupart faites en zone urbaine. Cette espèce est originaire d’Asie et est établie au Portugal depuis 1997 (lire Les Martins triste, huppé et des berges dans la péninsule ibérique). Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité. Il se nourrit principalement de graines, de fruits et de petits animaux et niche dans des cavités dans des bâtiments, des arbres ou des falaises entre avril et août. La population européenne était estimée entre 100 et 999 couples en 2021, avec une tendance à la hausse.

Le Canard musqué à la dixième place

Le Canard musqué (Cairina moschata) était la dixième espèce la plus enregistrée avec 31 observations dans huit pays, la plupart faites dans des zones humides. Cet Anatidé est originaire d’Amérique tropicale et est établi  en Espagne depuis 1990. Elle pourrait s’installer dans le futur en Autriche, en Belgique, en Croatie, en France, en Grèce, en Italie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Pologne, au Portugal, en Slovénie et au Royaume-Uni. Les premiers oiseaux se sont échappés de captivité ou ont été introduits dans des parcs. Il se nourrit de différents types de plantes et de petits animaux, et niche au sol ou au creux d’un arbre, entre février et août. La population européenne était estimée entre 100 et 999 couples en 2021, avec une tendance inconnue.

Cinq des six espèces classées comme envahissantes par l’Union Européenne

Cinq des six espèces d’oiseaux figurant sur la liste des Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) préoccupantes dans l’Union Européenne ont été observées durant l’enquête IBISurvey : l’Ouette d’Égypte (185 observations), l’Ibis sacré (125 observations), l’Érismature rousse (Oxyura jamaicensis) (deux données en France et aux Pays-Bas), le Bulbul à ventre rouge (Pycnonotus cafer) (deux données dans les îles Canaries) (lire Le Bulbul à ventre rouge a niché pour la première fois en Europe) et le Martin triste (Acridotheres tristis) (une donnée en Turquie).

Les interactions notées avec les espèces autochtones et les habitats

Perruches alexandre (Psittacula eupatria)

Perruche alexandre (Psittacula eupatria) « attaquant » un Étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris) en Allemagne.
Photographie : Cristina Krippahl

Les participants à l’étude IBISurvey ont identifié 1 166 interactions entre des espèces d’oiseaux exotiques introduites et l’avifaune indigène et les habitats. Les contacts « pacifiques » avec les espèces autochtones ont représenté 37 % du total, tandis que l’ingestion de plantes ornementales ou sauvages constituait 28 % des comportements décrits. Les scènes les plus souvent signalées étaient des Ibis sacrés se nourrissant ou nichant à proximité d’Ardéidés (lire La campagne d’extermination des Ibis sacrés français est probablement injustifiée) et des Ouettes d’Égypte évoluant à proximité d’autres anatidés sauvages ou domestiques.
L’utilisation de mangeoires (lire La Perruche à collier, la Tourterelle turque et la Pie bavarde monopolisent-elles vraiment les mangeoires ?), les interactions agressives avec des espèces indigènes, la prédation de vertébrés ou d’invertébrés et le nourrissage dans des cultures ont représenté chacun moins de 10 % du total des comportements décrits (lire Des Perruches à collier attaquant des rats en Espagne).
Des observations isolées ont également été transmises, comme des interactions agressives entre espèces exotiques ou envers les humains, ou encore des nidifications dans des cavités naturelles ou des nichoirs. 
Le Canard colvert (Anas platyrhynchos) était la « cible » la plus fréquente des interactions agressives, avec 21 observations, les autres concernant l’Oie cendrée (Anser anser), la Mésange charbonnière (Parus major) et le Moineau domestique (Passer domesticus).
Dans 28 cas, des espèces indigènes, principalement la Pie bavarde (Pica pica) et le Merle noir (Turdus merula), ont eu un comportement « agressif » envers des oiseaux exotiques.

Les plantes les plus consommées

Perriche veuve (Myiopsitta monachus)

Perriche veuve (Myiopsitta monachus) se nourrissant de figues en Espagne.
Photographie : Daniel Macias Gómez

Dans 268 cas, les plantes (fleurs, graines, fruits et/ou feuilles) consommées par les oiseaux exotiques ont été précisées : citons notamment le Margousier à feuilles de frêne (Melia azedarach), le Néflier du Japon (Eriobotrya japonica), les agrumes (Citrus spp.), le Figuier commun (Ficus carica), les micocouliers (Celtis sp.), les cyprès (Cupressus sp.), les cerisiers, amandiers et pêchers (Prunus sp.) et les pommiers (Malus sp.), dont les fruits étaient consommés par quatre à six espèces d’oiseaux. 

En conclusion, des espèces exotiques plutôt urbaines et a priori peu agressives

Ce bilan offre un tableau assez représentatif de la présence des espèces exotiques  au Portugal, en Italie, en Espagne, en France et en Allemagne, compte tenu du nombre d’observations et d’espèces signalées. La Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Grèce sont les pays comptant le plus grand nombre d’espèces introduites.
Les observations ont principalement été faites dans des zones urbaines, ce qui suggère que la présence de ces oiseaux introduits dans les secteurs agricoles est limitée, même si plusieurs espèces se nourrissent au moins occasionnellement de  fruits de certains arbres cultivés.
Les Psittacidés étaient sur-représentés dans le total des observations, du fait certainement de leur visibilité et de leur forte présence en ville (lire Comment expliquer le succès de l’installation des Psittacidés en Europe ?).
Les interactions agressives signalées entre les oiseaux exotiques et l’avifaune indigène ont été peu nombreuses, peut-être du fait de la difficulté à les repérer. 

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire