L’Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis)

Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis)

Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis) près des bassins de décantation des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône) le 28 avril 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Karsten Schmale / Alcinus Consulting 

Longueur : 30 à 34 cm.

Envergure : 64 à 66 cm.

Description : l’Engoulevent à collier roux ressemble à l’Engoulevent d’Europe (C. europaeus), mais il est un peu plus grand, son collier, sa gorge et haut de sa poitrine sont ocre-roux, le bord d’attaque (= avant) de ses ailes n’est pas sombre, les extrémités des plumes de ses couvertures alaires sont pâles, formant plusieurs barres de même épaisseur, et ses rémiges primaires et secondaires sont marquées de roux. Les deux sexes possèdent des taches blanches sur les ailes et aux coins de la queue, celles du mâle étant plus nettes.

Voix : le chant du mâle est une série sonore de motifs (« potoc-potoc-potoc ») longuement répétés mais dont l’intensité augmente puis décroit. La femelle lance des « teché-tché-tché » évoquant un bruit de vapeur.

Écoutez ci-dessous un enregistrement du chant de l’Engoulevent à collier roux réalisé par José Carlos Sires dans la commune de Coria del Río, province de Séville, Andalousie (Espagne), le 29 juillet 2015 (source : Xeno-Canto) :

Habitats : l’Engoulevent à collier roux niche dans des paysages ouverts variés peu accidentés, aux arbres et aux arbustes dispersés et au sol souvent sablonneux (pinèdes, chênaies claires, plantations d’eucalyptus, landes, etc.) jusqu’à 800 mètres d’altitude. Il se pose volontiers le soir sur les petites routes et les sentiers chauffés durant la journée.

Biologie : l’Engoulevent à collier roux est une espèce insectivore et migratrice, active principalement au crépuscule. Il arrive dans la péninsule ibérique entre la mi-avril et la fin mai et repart principalement en septembre et en octobre. La femelle pond ses œufs (généralement deux) sur le sol nu, profitant souvent d’une petite dépression, qu’elle borde de petits morceaux de bois. La première ponte se déroule au début du mois de mai et une seconde intervient en principe aux alentours du 20 juin. Les nids sont isolés, mais des colonies lâches regroupant une dizaine de couples ont déjà été observées en Tunisie.

Aire de nidification européenne (en rouge) de l'Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis)

Aire de nidification européenne (en rouge) de l’Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis). En orange, possible extension de l’aire de répartition au XIXe siècle. L’emplacement des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône), où un oiseau a été découvert le 27 avril 2024, est indiqué. 
Carte : Ornithomedia.com  d’après le Ministerio para la Transición Ecológica y el Reto Demográfico

Aire de répartition et taxonomie : il niche dans l’est, le centre et le sud de l’Espagne, dans l’est, le centre et le sud du Portugal et dans le nord du Maghreb et il hiverne dans l’ouest de l’Afrique tropicale (de la Mauritanie au Liberia), plus au sud que l’Engoulevent d’Europe. Les oiseaux espagnols et portugais survolent le détroit de Gibraltar lors de leur migration.
Deux sous-espèces sont reconnues :

  • C. r. ruficollis dans la péninsule ibérique et localement en Afrique du Nord.
  • C. r. desertorum dans le nord du Maghreb. Elle se distingue de la sous-espèce nominale par son plumage plus pâle dessus et dessous et moins fortement rayé de sombre.

Une espèce en déclin en Espagne

En Europe, l’Engoulevent à collier roux ne niche que dans la péninsule ibérique. En Espagne, qui accueille la grande majorité des couples, il est présent dans le centre, le sud et l’est du pays, remontant jusqu’à la vallée de l’Èbre. Il est rare ou totalement absent dans le nord-ouest, dans les régions montagneuses et dans les îles Baléares, et il niche occasionnellement dans les îles Canaries. Une population isolée subsiste dans le nord de la Catalogne, près de la frontière française.
Selon la Liste Rouge des espèces européennes (2020), la population espagnole serait comprise entre 202 000 et 270 000 individus, avec une tendance à la baisse. La dernière estimation réalisée en Espagne remonte à 1994 et donnait une estimation de 100 000 à 130 000 couples reproducteurs selon le troisième Atlas des oiseaux nicheurs d’Espagne). Les données fournies par le programme de surveillance Noctua ont montré une diminution de 38,6 % entre 2006 et 2018. Des études locales réalisées dans l’Espace Naturel de Doñana (Andalousie) et dans la Communauté de Madrid indiquent des taux de déclin similaires pour ces deux zones. Il est considéré comme vulnérable dans l’édition 2021 du Livre rouge des oiseaux d’Espagne.
Parmi les menaces qui pèsent sur l’espèce figurent les collisions avec les voitures, l’urbanisation, l’installation de centrales photovoltaïques et de champs d’éoliennes, l’intensification de l’agriculture (utilisation de produits phytosanitaires et d’insecticides), la pollution lumineuse (lire La pollution lumineuse empêcherait l’engoulevent de s’installer dans certains secteurs en Suisse), la destruction des nids due au brûlage des chaumes et au piétinement du bétail, et l’augmentation du nombre de prédateurs opportunistes, comme les rats et les chats.

Une population isolée et fragile près de la frontière française

Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis)

L’Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis) a probablement disparu du Parc Naturel de Cap de Creus en Catalogne espagnole au début du XXIe siècle (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie :  César J. Pollo / Wikimedia Commons

En Espagne, l’Engoulevent à collier roux atteint la Catalogne au nord, mais la plupart des 7 000 à 11 000 couples reproducteurs est concentrée dans les deux tiers sud de cette communauté autonome.
Une petite population isolée est localisée dans la comarque (région) de l’Empordà (province de Gérone), qui est limitée au nord par la chaîne des Pyrénées et par le massif des Albères et au sud par le massif des Gavarres.
L’espèce y était commune à la fin du XIXe siècle, et même durant une grande partie du XXe siècle, où elle était fréquente jusqu’à la fin des années soixante-dix. Depuis, un déclin important a été constaté : il a par exemple disparu au début du XXIe siècle des vignobles proches de Llançà et du cap de Creus.
En juin 2009, une petite population (moins de dix mâles) a été trouvée dans les vignobles de la plaine de Mollet de Peralada, et elle représenterait le plus important noyau de la province de Gérone. 
Il existerait également un autre secteur de nidification entre Bisbal d’Empordà et Cruïlles, où des observations plus ou moins régulières ont été faites dans les années 2010.  
Cette baisse pourrait être la poursuite d’un lent processus de régression qui a déjà provoqué la disparition de l’espèce en France au  XIXe siècle (voir plus bas).
La population d’Engoulevents à collier roux de la comarque de l’Empordà étant réduite, isolée et en déclin, une tendance qui est confirmée par les résultats de deux atlas des oiseaux nicheurs de Catalogne, le risque de disparition à moyen terme est élevé, une évolution qui rappelle celle du Traquet rieur (Oenanthe leucura) (lire Le Traquet rieur semble poursuivre son déclin en Catalogne, mais sa situation pourrait s’améliorer dans le futur), qui nichait en France jusqu’à la fin du XXe siècle (lire Observer les oiseaux au cap Béar, ancien domaine du Traquet rieur).

Une espèce qui nichait encore en France au XIXe siècle

L’actuelle aire de reproduction de l’Engoulevent à collier roux comprend la péninsule ibérique, à l’exception de sa partie nord-ouest, ainsi que le nord du Maghreb. Selon Voous (1960), l’espèce se reproduisait encore en Sicile en 1960.
En France, des ossements datant du Pléistocène moyen (entre – 774 000 et – 129 000 ans) ont été trouvés en Provence et en Corse, et au Mésolithique (de – 9 700 à – 5 000 av. J.-C.) dans la grotte de Gonvillars (Haute-Saône) et dans l’abri de Châteauneuf-les-Martigues (Bouches-du-Rhône). La reproduction de l’espèce en Provence pendant la seconde moitié du XIXe siècle et/ou au début du XXe siècle a été évoquée par Loverec et Vigne (in Pascal et al., 2003), même si les preuves manquent. Selon Mayaud (1936), elle se reproduisait autrefois en Languedoc et en Provence.
L’espèce nichait en tout cas au XIX siècle dans les Pyrénées-Orientales : selon Crespon (1840), elle n’était en effet pas rare vers Perpignan au cours de la première moitié du siècle. Voous, dans son atlas de 1960, évoquait (avec un point d’interrogation) sa reproduction dans la zone méditerranéenne continentale française mais selon Dubois et al. (2000), aucun indice ne permet d’envisager une possible reproduction depuis le milieu du XIXe siècle en France : elle aurait donc disparu à cette période pour des raisons non établies à ce jour.

Des observations peu nombreuses et essentiellement printanières et estivales en France depuis le XXe siècle

Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis)

Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis) près des bassins de décantation des Saintes-Maries-de-la-Mer (Bouches-du-Rhône) le 28 avril 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Karsten Schmale / Alcinus Consulting 

Les observations de l’Engoulevent à collier roux sont actuellement soumises au Comité d’Homologation National. Seules six mentions d’individus égarés sont attestées pour les XIXe et XXe siècles en France, dont les plus anciennes remontent à 1820 et à 1850 près de Marseille (Bouches-du-Rhône) et à 1851 à Châlons-sur-Marne (Marne). Depuis 2011, au moins sept oiseaux ont été signalés (voir notre rubrique Observations) :

Ces observations, concentrées entre avril et juillet, pourraient s’expliquer par le phénomène du dépassement d’aire (ou « overshooting ») printanier (lire Comment arrivent les oiseaux rares ?) : des espèces migratrices de retour de leurs quartiers d’hivernage d’Afrique tropicale continuent leur trajet plus au nord que la limite septentrionale de leur aire normale, parfois aidés par des vents favorables (par exemple le sirocco qui souffle du Sahara vers la Méditerranée). Les oiseaux concernés sont souvent des individus inexpérimentés, qui en sont à leur première migration de retour printanière. Ce phénomène expliquerait en partie les observations en avril-mai en Europe du Sud d’espèces originaires d’Afrique du Nord, des Balkans ou du Moyen-Orient (lire À propos du Traquet à tête blanche découvert dans l’Hérault le 1er mai 2015). Étant donné le déclin de l’Engoulevent à collier roux en Catalogne espagnole, le nombre d’observations en France demeurera sans doute faible dans le futur.

Une vidéo sur l’étude de l’Engoulevent à collier roux dans le  parc national de Doñana (Espagne) 

Vidéo sur l’étude de l’Engoulevent à collier roux (Caprimulgus ruficollis) dans le  parc national de Doñana, en Andalousie (Espagne).
Source : El País

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