Le Pithécophage des Philippines ou Aigle des singes (Pithecophaga jefferyi) est un grand rapace endémique des Philippines. Il mesure de 86 à 102 cm de long pour une envergure pouvant atteindre 2,5 m. L’adulte possède une huppe érectile rousse striée de brun, le dessus du corps est marron sombre et le dessous est blanchâtre. Sa queue est longue barrée de noir, son bec est puissant et crochues, et ses serres sont impressionnantes. Le juvénile ressemble à l’adulte, mais les plumes du dos et des couvertures alaires présentent de larges liserés blanchâtres.

Il vit principalement dans les forêts tropicales primaires, où il chasse principalement les macaques, mais aussi d’autres mammifères arboricoles et des oiseaux. L’aire est construite dans un grand arbre (de 25 à 50 mètres de haut). Chaque couple a besoin de 70 à 130 km² pour élever un seul poussin, ce qui rend l’espèce vulnérable à la déforestation et au braconnage. Selon Birdlife International, ce rapace es en danger critique d’extinction.

ERépartition du Pithécophage des Philippines

Le Pithécophage des Philippines (Pithecophaga jefferyi) niche sur les îles de Mindanao, de Luçon et des Visayas orientales (Philippines).
Carte : Ornithomedia.com

Malgré sa taille, plusieurs aspects de sa biologie restent méconnus, et son aire de répartition exacte est encore incertaine, la plupart des recensements ayant été menés sur Mindanao. Salvador et Ibañez (2006) avaient estimé sa population à 500 couples, alors que Selon Birdlife International (2018) avait avancé le chiffre de 340 couples, un écart s’expliquant principalement par des différences dans la prise en compte des habitats disponibles et des besoins écologiques de chaque couple.

L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) utilise trois critères pour définir la répartition des espèces figurant sur sa Liste rouge et évaluer les risques d’extinction : les zones de présence ou EOO (= le secteur compris dans la limite imaginaire reliant tous les sites connus de présence), d’occupation ou AOO (= le secteur vital pour l’espèce) et d’habitat ou AOH (= le secteur couvrant les habitats favorables). Toutefois, la méthode standard utilisée par l’UICN repose sur un échantillon de sites « géographiquement représentatifs », dont la répartition spatiale est souvent biaisée pour les espaces rares. 

Dans un article publié en 2023 dans la revue Animal Conservation, des biologistes ont utilisé un Modèle de Distribution des Espèces (SDM), qui décrit ou prévoit la probabilité de la présence ou de l’absence d’une espèce au travers de différents paramètres environnementaux (climatiques, topographiques, écologiques, etc.) dans une zone géographique spécifiée, une méthode qui a déjà été appliquée avec succès pour plusieurs espèces rares (lire Découverte d’une importante population de Râles jaunes dans le nord-ouest du Canada).

Ils ont combiné ce modèle avec des données collectées à distance pour recalculer les valeurs des trois critères (EOO, AOO et AOH) de l’IUCN et pour proposer une nouvelle estimation de la population de Pithécophages des Philippines : ils ont obtenu une AOH de 28 624 km², une EOO maximum de 617 957 km² et une AOO de 53 867 km². En se basant sur la surface des habitats favorables disponibles, ils ont déterminé qu’il y aurait 392 couples reproducteurs (fourchette de 318 à 447 couples), soit 784 individus matures. Les zones protégées couvrent 32 % de l’AOH, soit 13 % de moins que ce qui serait nécessaire pour inclure tous les habitats critiques pour l’espèce. 

Le chiffre obtenu est supérieur à l’estimation de Birdlife International de 2018, mais nettement inférieur aux 677 couples qui avaient été déterminés par les mêmes auteurs dans un article publié novembre 2021 sur le site web BioRxiv (lire Le nombre de couples de Pithécophages des Philippines pourrait être sous-estimé).

Dans le cas d’absence de données de localisation précises pour de nombreuses espèces rares et menacées, cette méthode constitue un outil de modélisation spatiale prometteur  pour évaluer les populations des oiseaux endémiques insulaires confrontés à un risque élevé d’extinction.

Le documentaire « Queen of birds » sur le Pithécophage des Philippines ou Aigle de singes (Pithecophaga jefferyi).
Source : WilderlandTV

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