L’Eider à lunettes (Somateria fischeri) est un canard marin de 50 à 58 cm de long environ, soit moins que l’Eider à duvet (S. mollissima). En plumage nuptial, le mâle adulte a la tête blanche et verte avec une grande tache blanche bordée de noir autour de chaque œil. Son bec orange est recouvert de plumes jusqu’aux narines. Le reste du corps est globalement blanc dessus et noir dessous. La femelle adulte est brun-roux finement rayée de brun sombre et ressemble à celles des autres espèces d’eiders, mais des « lunettes » brun clair sont visibles autour des yeux. Son bec est gris. Le juvénile ressemble à la femelle, mais il est moins distinctement barré et ses « lunettes » sont moins nettes.

Eider à lunettes (Somateria fischeri) mâle subadulte

Eider à lunettes (Somateria fischeri) mâle subadulte à Oudeschild. au sud-est de l’île de Texel (Pays-Bas), le 18 janvier 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Mike Carr
Eider à lunettes (Somateria fischeri) mâle subadulte

Eider à lunettes (Somateria fischeri) mâle subadulte à Oudeschild. au sud-est de l’île de Texel (Pays-Bas), le 18 janvier 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Alan Lewis Wildlife Stuff

Il se nourrit d’insectes aquatiques et de plantes durant la saison de nidification et de mollusques et de crustacés en mer, qu’il trouve en plongeant.

Observateurs rassemblés le 19 janvier 2025 à Oudeschild, sur l'île de Texel (Pays-Bas)

Observateurs rassemblés le 19 janvier 2025 à Oudeschild, sur l’île de Texel (Pays-Bas), pour voir l’Eider à lunettes (Somateria fischeri) découvert le 13 janvier 2025 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Jonathan Scragg

Il niche au bord des lacs et des cours d’eau dans la toundra côtière et hiverne en mer à la limite méridionale de la banquise et dans les polynies (zones dégagées dans la banquise). Son aire de nidification s’étend de la Sibérie orientale au nord de l’Alaska. Il hiverne principalement en mer de Béring, entre les continents asiatique et américain, donc assez près de ses sites de nidification, formant de grands groupes denses (lire Séances collectives d’excitation sexuelle chez l’Eider à lunettes).

Du fait de ses mouvements migratoires limités, il est rarissime (y compris en Amérique du Nord) en dehors de son aire de nidification restreinte : il n’y a ainsi que cinq données (totalisant dix oiseaux) connues dans le Paléarctique occidental (lire Qu’est-ce que le Paléarctique occidental ?), toutes en provenance de l’Arctique : un oiseau en décembre 1933, deux mâles et une femelle en février 1988 et un individu le 15 juin 1997 dans le nord de la Norvège (lire La péninsule de Varanger en février 2018 : eiders, hareldes et gerfaut), deux mâles et une femelle le 20 avril 2002 et un mâle et une femelle le 20 juin 2012 au Svalbard, un archipel sous souveraineté danoise (lire Observer les oiseaux au Svalbard). 

L’annonce de la découverte le 13 janvier 2025 sur waarneming.nl d’un mâle immature à Oudeschild. au sud-est de l’île de Texel, aux Pays-Bas (lire Observer les oiseaux sur le Flevoland polder et sur l’île de Texel), a donc fait sensation dans la communauté ornithologique européenne : des milliers d’observateurs (plus de 6 000) en provenance de tout le continent, de l’Espagne à la Scandinavie en passant par la Grande-Bretagne et bien sûr les Pays-Bas et la Belgique, sont venus le voir depuis la digue côtière : rien que le samedi 18 janvier, plus de mille personnes étaient présentes.

Cet enthousiasme dépasse de loin l’afflux constaté lors de la découverte d’une Calliope sibérienne (Calliope calliope) à Hoogwood (Pays-Bas) en janvier 2016 (lire Des ornithologues font la queue pour observer une Calliope sibérienne dans un jardin des Pays-Bas).

Aires de nidification et d'hivernage de l'Eider à lunettes (Somateria fischeri) et situation de l'île de Texel (Pays-Bas)

Aires de nidification (en rouge) et d’hivernage (en bleu) de l’Eider à lunettes (Somateria fischeri) et situation de l’île de Texel (Pays-Bas).
Carte : Ornithomedia.com

Les explications possibles concernant l’arrivée de cet oiseau dans la mer des Wadden sont incertaines, mais il pourrait avoir suivi des Eiders à duvet originaires de Sibérie, voire du Groenland (lire Identifier les sous-espèces de l’Eider à duvet) : ces canards marins hivernent en effet en nombre le long des côtes néerlandaises, et l’Eider à lunettes est souvent vu à proximité de ces derniers (voir une photo plus haut dans cet article).

L’aire de répartition isolée et difficile d’accès de l’Eider à lunettes complique l’évaluation de sa population globale et l’organisation de comptages, mais il est considéré comme menacé par l’administration américaine et comme quasi-menacé par Birdlife International, avec une population estimée de 250 000 adultes, un chiffre qui pourrait être surestimé. L’ingestion de grenaille de plomb accumulée dans les zones de reproduction (lire Les effets du plomb de chasse sur les oiseaux et une étude instructive menée sur le col de Lizarrieta), la prédation des œufs et des poussins par les renards et les goélands et le réchauffement des océans, qui modifie les conditions d’hivernage en mer (fortes variations annuelles de la surface de la banquise), change le calendrier de la floraison du phytoplancton et réduit sa quantité, entraînant une diminution de la taille des bancs de palourdes, constituent les principales menaces.   

Des augmentations locales ont toutefois aussi été notées : ainsi, au cours de l’été 2022, 37 nids ont été découverts dans un secteur le long du cours inférieur de la rivière Kashunuk, dans les deltas du Yukon et de la Kuskokwim (Alaska), un chiffre supérieur à ceux des années précédentes, mais la proportion de femelles nicheuses exposées au plomb de chasse restait élevée (plus de 20 %).  

Observateurs rassemblés le 19 janvier 2025 à Oudeschild, sur l’île de Texel (Pays-Bas), pour voir l’Eider à lunettes (Somateria fischeri) découvert le 13 janvier 2025.
Source : Sybrand de Bruin

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