La Grue de Sibérie (Grus/Leucogeranus leucogeranus) mesure de 120 à 140 cm de longueur pour une envergure de 210 à 250 cm. L’adulte a un plumage entièrement blanc à l’exception des rémiges noires. Sa face dénudée et ses pattes sont rouge vif, son bec est rouge et noir et son iris est jaune vif. Le mâle est légèrement plus grand que la femelle. Le juvénile a la face entièrement emplumée et son plumage est blanc et beige.

Elle niche dans les marais et prairies inondables en bordure de la taïga, et elle hiverne dans les marais et les cultures.

Aires de nidification et d'hivernage de la Grue de Sibérie (Grus leucogeranus)

Aire de nidification et principales zones d’hivernage de la Grue de Sibérie (Leucogeranus leucogeranus).
Carte : Ornithomedia.com d’après la Crane Conservation Strategy

Historiquement, elle se reproduisait en Sibérie dans trois secteurs distincts : une population occidentale au sud du l’embouchure de l’Ob, une centrale plus au sud, et une orientale en Yakoutie. La première hivernait dans le sud de la Russie (notamment dans la réserve naturelle d’Astrakhan, dans le delta de la Volga) et dans le nord de l’Iran, la seconde dans le nord de l’Inde, principalement dans le parc national de Keoladeo au Rajasthan (lire Les oiseaux du parc national de Keoladeo), probablement après avoir survolé le Kazakhstan et l’Afghanistan, et la troisième en Chine, dans la vallée du fleuve Yangzi et sur le lac Poyang. Les deux premières ont quasiment disparu, et la troisième, qui est en augmentation, représente donc désormais pratiquement la totalité des 3 500 à 4 000 individus restants (2015). 

L’espèce est considérée comme étant en danger critique par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Les tirs illégaux, la destruction des zones de halte migratoire et d’hivernage (constructions de barrages et drainages), la pollution des eaux, les dérangements et les effets du réchauffement climatique sur les habitats de nidification sont à l’origine de ce déclin.

La population centrale semble avoir presque disparu (estimation de 20 oiseaux restants en 2008), les tentatives de réintroduction en Russie (181 oiseaux relâchés depuis 1991) ayant échoué, tandis que depuis 2007 (ou 2009 selon les sources), la population occidentale n’est plus représentée que par un seul mâle, appelé Omid, qui effectue chaque automne le trajet entre la Sibérie et une zone de marais près du village iranien de Fereydunkenar, non loin de la mer Caspienne (lire Novembre, un bon mois pour observer les oiseaux en Iran), après avoir survolé l’Azerbaïdjan (lire Voyage ornithologique printanier en Azerbaïdjan – Première partie). En 2022, il est arrivé en Iran en octobre. Depuis la mort de la dernière femelle de la population occidentale, appelée Arezou, qui avait été tuée illégalement par des chasseurs, Omid hivernait donc seul dans le nord de l’Iran, mais en janvier 2023,  une femelle née en captivité, surnommée Roya, a été lâchée afin de la mettre en contact avec le mâle solitaire (lire La dernière Grue de Sibérie hivernant en Iran a enfin rencontré un congénère en 2023, après plusieurs années de solitude).

L’avenir de la population orientale semble moins incertain. Afin d’estimer avec précision son effectif, des comptages à l’aide de longues-vues, combinés à une surveillance par micro-drone (pour plus de discrétion), ont été effectués en janvier 2022 sur les lacs et dans les terres agricoles des provinces du Jiangxi, du Shandong, de l’Anhui, du Hunan et du Hubei (lire Voyage ornithologique hivernal dans les provinces chinoises du Henan, de Jiangxi et de Shanghai).

Les engins volaient à une altitude comprise entre 100 et 120 mètres et prenaient des photos ou des vidéos de groupes de grues dans les secteurs difficiles d’accès ou à la visibilité réduite. Les adultes et les juvéniles ont été distingués sur les photos à partir de leur plumage. Les ornithologues ont ensuite estimé le nombre d’individus et le ratio juvéniles/adultes pour chaque site. Ils ont aussi collecté des informations sur la répartition et sur le nombre de grues en dehors de la zone d’étude pour compléter leur estimation.

Au total, 5 616 oiseaux ont été recensés, dont 5 607 sur le terrain et neuf à partir de données obtenues sur Internet. Près de 86 % des grues (4 813) étaient présentes dans le secteur du lac Poyang (province du Jiangxi), réparties dans les cultures autour de Kangshan, de Wuxing et de Chengxin. Plus de 11 % des grues (625) ont été comptées dans le delta du fleuve Jaune ou Huáng hé (province du Shandong). Enfin, respectivement 34, 63 et 72 individus ont été comptabilisés dans les provinces de l’Anhui, du Hunan et du Hubei. Au total, 674 juvéniles ont été recensés, soit 14,4 % des effectifs : ce pourcentage était plus élevé au Hunan (28,6 %) et plus bas au Shandong (11,5 %).

Sur la base de ces résultats, qui ont été présentés dans un article publié en 2023 dans la revue Acta Ecologica Sinica, les auteurs estiment que la population totale de Grues de Sibérie atteindrait 5 500 individus, dont 3 000 adultes. Si cela représente une augmentation significative par rapport aux 3 500 oiseaux (au minimum) de 2015, l’espèce reste en danger critique et d’autres comptages seront nécessaires pour suivre l’évolution des effectifs hivernants, qui peuvent subir d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre, en fonction du niveau d’eau et des dérangements humains. Outre le lac Poyang, le delta du fleuve Jaune constitue donc la seconde plus importante zone d’hivernage de l’espèce, avec plus de 10 % du total.

Ce recensement confirme l’utilité de l’usage de drones pour le recensement et la surveillance des oiseaux aquatiques (lire Étudier les oiseaux avec un drone en Catalogne).

Grues de Sibérie (Leucogeranus leucogeranus) adultes et juvénile et Cygnes de Bewick (Cygnus columbianus bewickii) sur le lac Poyang (Chine) en janvier 2019.
Source : AlpineBirding