L’Océanite culblanc ou cul-blanc (Oceanodroma leucorhoa) est un petit oiseau marin sombre à croupion blanc, avec une zone blanche étroite sur le croupion en forme de « U », parfois divisée en deux par une bande médiane grise. Il faut également noter la bande claire sur le dessus des ailes, le dessous sombre des ailes (sans bande blanche) et la queue fourchue (un critère pas toujours bien visible). Il est plus grand que l’Océanite tempête (Hydrobates pelagicus), dont il diffère par plusieurs critères (lire notre article Comment distinguer les quatre océanites réguliers dans les eaux françaises métropolitaines ?). En particulier, son vol est différent, alternant différentes techniques : quand un vent fort souffle, son vol fait penser à celui d’une sterne (direct, décidé, avec des battements amples et puissants). Quand il est entraîné par le vent, il peut zigzaguer et « bondir ». Ses ailes sont toujours tenues fortement coudées, et vues de devant, elles sont arquées. Sa queue est fourchue, mais ce critère peut être difficile à noter à distance.

Océanites culblanc (Oceanodroma leucorhoa)

Océanites culblancs (Oceanodroma leucorhoa) se nourrissant de Capelans (Mallotus villosus) dans le port d’Holyrood, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador (Canada), le 16 juillet 2020.
Carte : Ornithomedia.com 

L’Océanite culblanc niche dans des terriers sur des îlots et des îles dans les océans Pacifique et Atlantique Nord. Les plus larges concentrations sont notées au large de la côte orientale des États-Unis, où sont installées des colonies de plusieurs millions de couples (lire Ingrid Pollet et les déplacements alimentaires des Océanites cul-blanc). Dans l’océan Atlantique du Nord-est, il niche en Irlande, en Écosse, en Norvège, et surtout en Islande. L’espèce migre vers le Sud entre septembre et décembre, hivernant au large du Brésil et de l’Afrique austral et dans le golfe de Guinée.

Cet oiseau marin est parfaitement adapté à la vie en haute mer, où il se nourrit à la surface ou à faible profondeur de petits poissons, de céphalopodes, de crustacés et/ou d’autres invertébrés, et il ne gagne généralement la terre ferme que le soir pour nicher. Il se déplace souvent avec difficulté ou lentement au sol, et il choisit donc de préférence des îles ou des côtes peu accessibles pour se reproduire, généralement en colonies.

Les observations d’Océanites culblancs depuis les côtes sont rares, sauf  lorsqu’ils sont attirés par des sources lumineuses ou qu’ils sont poussés par des vents forts (lire Un passage exceptionnel d’Océanites culblancs le long des côtes atlantiques françaises en novembre 2022).

Ces dernières années, le nombre de couples reproducteurs a diminué dans l’Atlantique Nord à cause de la pollution lumineuse et chimique (hydrocarbures, métaux lourds et plastiques) et de la diminution de la disponibilité des proies liée à l’augmentation de la température des eaux : par exemple, la découverte de milliers de cadavres de Macareux moines (Fratercula arctica) et de Pingouins tordas (Alca torda) sur la côte est des États-Unis en 2012 était probablement liée à une vague de chaleur océanique. Par ailleurs, la capacité des oiseaux marins pélagiques à localiser et à consommer leurs proies peut être considérablement affectée lors de mauvaises conditions météorologiques qui peuvent affecter la stratification de la salinité et augmenter à la fois la turbulence et la turbidité des eaux de surface.

Situation d'Holyrood (Canada)

Situation d’Holyrood, dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador (Canada).
Carte : Ornithomedia.com 

Dans un article publié dans la revue Marine Ornithology, des biologistes ont décrit pour la première fois un comportement alimentaire atypique d’Océanites culblancs lors de la journée pluvieuse et venteuse du 16 juillet 2020 dans le port d’Holyrood, dans la province canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador : de 20 à 40 individus ont été observés et photographiés se nourrissant frénétiquement de Capelans (Mallotus villosus) frayant dans les eaux côtières peu profondes, certains en capturant même sur la terre ferme, ce qui serait le première documenté de ce comportement chez cette espèce. Le lendemain, le nombre d’océanites avait diminué, et des carcasses ont été collectées pour effectuer des  mesures et des analyses. 

Selon l’application Marine Heatwave Tracker, une intense vague de chaleur marine (+ 6,6 °c au dessus de la température normale de l’eau) avait touché le nord-est de Holyrood immédiatement avant et pendant ces observations.  
 
Des cas d’Océanites culblancs pêchant dans les eaux côtières de Terre-Neuve sont connus lorsqu’ils sont entraînés dans les baies et les et bras de mer lors des tempêtes, mais ils n’avaient jamais été vus se nourrissant sur la terre ferme. En 2018 toutefois, Robinson et al. (2018) avaient décrit des Océanite à queue fourchue (Oceanodroma furcata) cherchant de la nourriture sur la côte dans le nord-est de l’océan Pacifique Nord-Est lors  de la vague de chaleur de 2014-2016.

L’analyse des 17 cadavres collectés dans le port d’Holyrood a montré que leur masse corporelle moyenne était beaucoup plus faible que celle mesurée lors d’échouages à l’est de Terre-Neuve durant les automnes 2018 et 2019, ce qui suggère que ces oiseaux avaient souffert de sous-nutrition, qui avait probablement été causée par la vague de chaleur marine qui aurait modifié l’abondance et la répartition de leurs proies pélagiques. Par ailleurs, de fortes pluies ont pu encore détériorer leurs conditions d’alimentation, les forçant à chercher des poissons échoués.

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