Brèves
Observation de plusieurs Éperviers d’Europe chassant les chauves-souris dans les gorges de la Dourbie (Aveyron) en mai 2024
Plusieurs rapaces sont spécialisés dans la capture des chiroptères, comme le Faucon des chauves-souris (Falco rufigularis) et le Milan des chauves-souris (Macheiramphus alcinus) (lire Le Milan des chauves-souris a le bec le plus large de tous les rapaces), mais d’autres peuvent s’intéresser à ces proies de façon occasionnelle ou opportuniste, comme les Faucons de Cuvier (F. cuvieri) et hobereau (F. subbuteo) (lire Faucons de Cuvier et hobereau chassant les chauves-souris en Ouganda).
L’Épervier d’Europe (Accipiter nisus) est un petit rapace, le mâle adulte, qui mesure de 29 à 34 cm de long, étant plus petit que la femelle (longueur de 35 à 41 cm) (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?). Il est spécialisé dans la chasse des oiseaux dans les espaces arborés. C’est un prédateur polyvalent, capable d’appliquer différentes stratégies de chasse. Il attrape principalement ses proies par surprise, profitant des haies, des taillis et des autres cachettes disponibles. Il vole rapidement et habilement entre les arbres et juste au-dessus des buissons grâce à ses ailes arrondies et à sa longue queue (lire Différencier l’Épervier d’Europe de l’Autour des palombes). Il se positionne parfois à l’envers pour saisir sa victime par dessous. Il peut aussi la courser à travers la végétation ou de fondre sur elle comme un faucon.
Un Épervier d’Europe mâle peut tuer des oiseaux pouvant peser jusqu’à 120 grammes, les femelles pouvant quant à elles s’attaquer à des proies pesant jusqu’à 500 grammes ou plus. Le premier se nourrit donc essentiellement de passereaux d’une taille inférieure ou égale aux grives, comme des Paridés (mésanges), des Fringillidés (serins, linottes, chardonnerets, etc.), des Passéridés (moineaux) ou des Emberizidés (bruants), tandis que la femelle consomme principalement des Turdidés (grives, merles) et des Sturnidés (étourneaux), mais elle peut également s’attaquer à de plus gros oiseaux, comme le Pigeon ramier (Columba palumbus), pourtant deux fois plus lourd qu’elle, ou à des limicoles comme la Bécasse des bois (Scolopax rusticola) et le Courlis cendré (Numenius arquata). Plus de 120 proies ont été identifiées en Europe (lire La spectaculaire capture d’un Phalarope à bec large par un Épervier d’Europe dans les Landes en novembre 2023).
Situation de Nant, dans les gorges de la Dourbie (Aveyron). |
Le 5 mai 2024, alors qu’il photographiait au crépuscule une vingtaine de Murins de Daubenton (Myotis daubentonii) chassant les insectes au ras de l’eau près de Nant, dans les gorges de la Dourbie (Aveyron), Rémi Turban a observé plusieurs Éperviers d’Europe chassant ces petits chiroptères, dont l’envergure est comprise entre 24 et 27,5 cm. Avant que l’obscurité ne devienne trop importante, il a pu compter six attaques pendant une demi-heure, dont au moins cinq ont réussi, la sixième étant trop lointaine pour pouvoir se prononcer. Au moins trois individus (deux mâles et une femelle) étaient impliqués (l’un d’entre eux poursuivait les murins, tandis que les deux autres étaient posés et consommaient leurs proies).
La forte densité de Murins de Daubenton dans le secteur et la répétition des attaques par plusieurs éperviers notées durant une trentaine de minutes d’observation suggèrent que ces cas de prédation ne sont pas occasionnels et que ces rassemblements de mammifères constituent une source de nourriture importante pour ces rapaces, au moins à ce moment de l’année.
Les cas de prédation de l’Épervier d’Europe sur des chiroptères sont très rares d’après la littérature consultée : selon l’application « Birds of the Western Palearctic » (2023), Zawadzka (2001), ou encore Newton et Marquiss (1982), les mammifères représenteraient en effet moins de 3 % de son régime alimentaire. Au Pakistan, une analyse de pelotes effectuée par Tanveer et al. (2016) a permis de constater que les chauves-souris représentaient 6,8 % des proies (63 restes sur 920), contre plus de la moitié pour les oiseaux.
Le rassemblement de plusieurs éperviers chassant simultanément semble en outre être un comportement rare et/ou peu documenté, même si des observations de deux individus poursuivant une même proie sont connues. Sur sa page Facebook, SCOPS a publié en février 2023 la vidéo d’un Épervier d’Europe consommant une chauve souris à La Balme (Savoie), et Yvon Dubois nous a signalé l’observation d’un individu chassant une chauve-souris en journée dans les Pyrénées-Orientales.
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Compléments
Auteur
Rémi Turban
Ouvrages recommandés
- Le guide Ornitho de L. Svensson et al
- Guide des rapaces diurnes du monde de David-A Christie et al
Sources
- Tanveer Hussain Turabi, Irfan Ashraf, Ishtiaq Ahmad et Tahira Ruby (2016). Comparison of Diet Analysis of Eurasian Sparrowhawk, Accipiter nisus and Black Kite, Milvus migrans (Accipitridae: Accipitriformes) from Southern Punjab, Pakistan. Pakistan Journal of Zoology. Volume : 48. Numéro 3. Pages : 789-794. www.researchgate.net
- D. Zawadzka et J. Zawadzki (2001). Breeding populations and diets of the Sparrowhawk Accipiter nisus and the Hobby Falco subbuteo in Wigry
National Park (NE Poland). Acta Ornithologica. Volume : 36. Pages : 25-31. bioone.org - Ian Newton et M. Marquiss (1982). Food, predation and breeding season in sparrowhawks (Accipiter nisus) ( Scotland). Journal of Zoology. Volume : 197. Numéro : 2. Pages : 221-240. www.researchgate.net
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