Le Martinet noir (Apus apus) est un oiseau migrateur bien connu des villes et villages d’Europe, qui se distingue des hirondelles par ses ailes en forme de faucille, son corps plus effilé, sa queue courte et sa coloration globalement noirâtre à l’exception de sa gorge blanchâtre (lire Distinguer les Martinets noir et pâle). Il est original à plus d’un titre : il peut atteindre 200 km/h sur de courtes distances et donc peu de rapaces sont assez habiles pour réussir les attraper (lire Un Faucon hobereau capturant un Martinet noir). Il est capable de viser précisément l’entrée de son nid malgré une vitesse d’approche à peine diminuée. Il passe une grande partie de sa vie en vol, et d’ailleurs ses pattes sont tellement réduites qu’il ne se perche pas mais grimpe le long des murs ou des falaises. Il s’accouple et dort en vol. Il chasse les insectes en vol et il stocke les insectes dans sa gorge pour nourrir ses petits. Quand le temps est mauvais et que les proies sont plus rares, les jeunes peuvent entrer dans une sorte de léthargie. Lorsque le froid est persistant, les martinets passent la nuit serrés les uns contre les autres, formant parfois des « grappes » le long des murs ou des parois rocheuses (lire Une véritable grappe de martinets !).

Un comportement des martinets est remarquable et peu connu : l’effleurage ou « banging ». Les oiseaux touchent l’entrée d’un nid avec les ailes ou le corps sans se poser. Cela peut concerner des individus non nicheurs recherchant une cavité non occupée ou des oiseaux ayant perdu leur site de nidification, à cause par exemple d’une rénovation de façade. Ces martinets vérifient rapidement si les lieux sont occupés ou libres. Dans le premier cas, les occupants réagissent immédiatement et se postent sur le bord du nid en criant. Si le site est libre, le visiteur s’accroche puis rentre sa tête. Ces vérifications ne se font que si les conditions météorologiques sont favorables (absence de vent). L’effleurage aurait aussi une fonction territoriale. Enfin, selon un article publié en 2017 dans la revue Ornis Fennica, il jouerait également un rôle de protection collective contre des prédateurs, comme les faucons : les auteurs de l’étude ont en effet constaté une corrélation négative entre le pourcentage d’attaques réussies et le nombre de martinets pratiquant l’effleurage.

À partir de la mi-mai, mais surtout en juin et en juillet, des groupes des Martinets noirs se poursuivent très rapidement en vol, se faufilant entre les bâtiments ou le long des falaises, en poussant des cris stridents qui forment un son continu, ondulant et haut-perché. Ces manœuvres complexes, auxquelles participent tous les membres de la colonie, y compris les nicheurs, les non-nicheurs âgés de deux ou trois ans et les jeunes qui viennent de quitter leur nid, mais aussi des individus venus d’ailleurs, constitueraient un important jeu d’intégration sociale. Elles serviraient également à marquer les limites de la colonie. Elles ont lieu jusqu’à la tombée de la nuit, puis les oiseaux (à l’exception des adultes qui dormiraient dans leur nid ou à proximité)  s’élèvent très haut dans le ciel, jusqu’à 2 500 mètres d’altitude, et y passent la nuit. Ils se maintiennent en vol en alternant les battements d’ailes et les glissés tout en suivant une trajectoire circulaire ou les courants aériens.

Les phases d’ascension du crépuscule, mais aussi à l’aube, serviraient d’autre part à collecter des informations sur les conditions atmosphériques à venir, à calibrer le compas magnétique interne des oiseaux (lire Le rôle du géomagnétisme dans l’orientation des oiseaux), mais aussi à prendre des repères astraux (lire Savoir s’orienter avec les étoiles : les rougegorges ont besoin de plus de sept nuits) et géographiques lointains (lire L’orientation chez les oiseaux).

Martinets noirs (Apus apus) pratiquant l’effleurage ou « banging » en Grande-Bretagne le 30 juin 2008.
Source : Mark Smyth

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire