Le Grand-duc d’Europe (Bubo bubo) est le plus grand rapace nocturne du continent, la femelle étant plus grande que le mâle (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?). Il se reconnaît à sa taille imposante, à ses longues aigrettes, à ses grands yeux rouge orangé et à son plumage brun sombre tacheté de noir dessus et brun-roux strié de sombre dessous. Il est présent du sud-ouest de l’Europe à l’Asie de l’Est et peut nicher sur des arbres, des falaises, des bâtiments et même parfois au sol. Il chasse dans des habitats variés : forêts, marais, prairies, cultures, steppes, déserts, maquis et même zones urbaines (lire Gil Rouvière nous en dit plus sur la nidification d’un couple de Grands-ducs d’Europe dans le lycée Joffre à Montpellier en 2023).

Le chant du mâle est caractéristique et composé d’une suite de « ououho ououho ououho » profonds, celui de la femelle ayant une tonalité plus élevée. Les vocalisations de ce rapace jouent un rôle important dans la communication entre les partenaires sexuels et pour la délimitation du territoire, et leur intensité est influencée par différents facteurs. Chez le Grand-duc d’Europe, les interactions concernent essentiellement des individus de la même espèce, mais elles peuvent aussi impliquer des mammifères.

Entre 2016 et 2023, des Unités d’Enregistrement Autonome (lire Utiliser des Unités d’Enregistrement Autonomes pour étudier les oiseaux) ont été posées dans différents districts de la république de Mordovie, dans l’ouest de la Russie, et les enregistrements obtenus (plus de 10 000 heures) ont ensuite été analysés dans un article publié en 2023 dans le journal Ornis Hungarica.

Sur six de ces enregistrements, des hululements du Grand-duc étaient audibles en même temps (ou presque) que des canidés (chiens, renards et loup) : en particulier, un peu avant minuit, le 17 octobre 2016, un Loup gris a semblé « répondre » aux « ououho ououho ououho » d’un mâle de grand-duc. Ce dernier a chanté le premier, puis vingt secondes après sa seconde série de hululements, le mammifères a hurlé pendant quatre minutes, pendant lesquelles l’oiseau a continué son activité vocale, peut-être également stimulé par la réaction du canidé. 

La communication vocale à longue distance est essentielle entre les Loups gris et sert à transmettre des informations importantes pour la cohésion des meutes, mais ils peuvent aussi réagir à des sources sonores inattendues, comme un klaxon, peut-être du fait d’une proximité de structure sonore et de fréquence. D’après la littérature, la fréquence principale des vocalisation du Loup gris est comprise entre 150 et 1 300 Hz, contre de 200 à 550 Hz chez le Grand-duc d’Europe. 

L’enregistrement en Russie de la réaction sonore d’un loup aux hululements d’un grand-duc a été réalisé en automne (en octobre 2016), donc en dehors de la période de reproduction de ces deux animaux. Le canidé concerné pourrait être un jeune, plus susceptible de répondre aux stimulations acoustiques qu’un adulte. Les loups sont en effet particulièrement « bruyants » en juillet, en août et en octobre, et principalement entre 22 h et minuit. Chez le Grand-duc d’Europe au contraire, l’activité vocale est sensiblement plus faible en pleine nuit qu’au crépuscule (lire Les Grands-ducs d’Europe chantent davantage lors des nuits de pleine lune). Malgré cette différence, ces deux prédateurs ont tendance à réagir aux manifestations d’un compétiteur potentiel pour certaines proies (rongeurs et lapins principalement). Dans la plupart des forêts d’Eurasie, ils se situent au sommet de la hiérarchie vocale des oiseaux et et des mammifères : ainsi, lorsqu’ils hululent et hurlent rspectivement, les autres animaux ont tendance à rester silencieux, ce qui augmente la possibilité d’une interaction directe.

Des vocalisations simultanées du Grand-duc de Virginie (Bubo virginianus) et du Loup gris ont été entendues dans le parc national du Yellowstone (États-Unis), et dans la péninsule ibérique, une Chouette hulotte (Strix aluco) a fortement réagi (cris territoriaux et comportement agressif) lorsque des chercheurs ont imité le canidé. 

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