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La population du rarissime Fuligule de Madagascar a presque triplé depuis 2011, mais la mortalité des jeunes est élevée

Fuligule de Madagascar (Aythya innotata) mâle de première année élevé en captivité en vue d’être relâché dans la nature. Notez son iris bleu et non pas blanc, comme chez l’adulte.
Photographie : / Wikimedia Commons
Le Fuligule de Madagascar (Aythya innotata) est un canard plongeur de taille moyenne. Le mâle est entièrement roux-châtaigne sombre, exceptés les yeux et le dessous de la queue blancs, et une discrète barre alaire blanche. Le bec est marron terne avec une bande subterminale plus pâle et bleuâtre. Les yeux sont bleuâtres chez le mâle de première année. La femelle est plus terne, brunâtre, sans l’œil blanc. L’espèce se reconnaît à son plumage sombre, au dessous blanc de la queue et par sa barre alaire s’étendant sur toute la longueur de l’aile. Il est endémique de Madagascar, où il est confiné à quelques lacs et marais d’eau douce peu profonds qui combinent des eaux libres et des secteurs de végétation dense.
![]() Situation de Bemanevika (Madagascar). |
Après quinze ans sans données, ce qui faisait craindre une extinction de l’espèce, une petite population a été redécouverte en 2006 dans une série de petits lacs de cratère près du village de Bemanevika, dans le nord de l’île (lire La redécouverte du Fuligule de Madagascar). Les premières recherches menées avaient montré que le succès de reproduction était faible, mais que le taux de survie des adultes était élevé. Un programme d’élevage en captivité a permis de lâcher 21 jeunes adultes en décembre 2018 sur le lac Sofia, à 50 km au nord du site de la redécouverte. En 2019, douze canetons y étaient nés, mais seulement un en 2020.
Comme chez de nombreux canards plongeurs, les canetons passent de l’alimentation en surface à la plongée vers l’âge de deux semaines, et il semble y avoir un pic de mortalité à cet âge, contrairement à ce que l’on constate chez la plupart des autres espèces, où il est plutôt atteint peu après de temps après l’éclosion. Bamford et al. (2015) en avaient conclu que le manque de nourriture expliquait probablement cette faible survie des canetons et que les profonds et froids lacs de cratère de Bemanevika ne semblaient pas constituer un habitat idéal pour cette espèce, qui s’y serait réfugiée du fait de leur isolement. Par ailleurs, l’altitude élevée (1 600 mètres d’altitude) de cette zone humide se traduit par des températures basses de juin à août et de fortes précipitations de janvier à mars. La prédation pourrait en outre constituer un problème, plusieurs cas de prédation de jeunes par le Busard de Madagascar (Circus macrosceles) ayant été signalés. Enfin, des maladies, telles que la grippe et le choléra aviaires, pourraient également affecter la survie des canetons.
La population de Fuligules de Madagascar vivant sur les lacs de Bemanevika fait l’objet d’un suivi quasi continu depuis 2010, et ses résultats ont été présentés dans un article publié en 2024 dans la revue Wildfowl. On y apprend notamment que le nombre total d’individus sur ce site est passé de 20 à 60 entre 2010 et 2022, avec un pic de 70 atteint en 2021. La période de reproduction varie d’une année à l’autre, mais en général, la plupart des couvées éclosent à la fin de la saison sèche (de septembre à novembre). Le taux de survie des canetons est faible (4 %), mais il est très variable d’une saison à l’autre, passant de 0,1 à 18 % : il a été exceptionnellement élevé de 2017 à 2019, une période qui semble avoir été à l’origine de l’augmentation de la population.
Le taux de mortalité des canetons augmente au fur et à mesure que leur âge progresse, atteignant un pic à 14 jours, mais les causes de cette particularité, que l’on ne constate pas chez les autres canards plongeurs, ne sont pas encore connues. Le niveau de prédation, la disponibilité des ressources alimentaires et les conditions météorologiques ne permettent pas d’expliquer de manière concluante le faible succès de reproduction de l’espèce, en dehors de la période 2017-2019 (qui a toutefois été particulièrement chaude), suggérant qu’il n’existe pas de facteur unique.
Les auteurs suggèrent de poursuivre la surveillance de l’espèce, en se concentrant sur la collecte de données supplémentaires sur les maladies présentes et sur la disponibilité alimentaire des lacs de Bemanevika.
Documentaire sur l’introduction de 21 Fuligules de Madagascar (Aythya innotata) sur le lac Sofia (Madagascar) en décembre 2018.
Source : NEWS channel
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Compléments
Ouvrages recommandés
- Birds of Madagascar: A Photographic Guide de P. Morris et al.
- Birds of Madagascar and the Indian Ocean Islands de Roger Safford, Adrian Skerrett, Frank Hawkins
- Birds of the Indian Ocean Islands: Madagascar, Mauritius, Reunion, Rodrigues, Seychelles, Comores de Ian Sinclair, Olivier Langrand
Sources
- Laurence A. Rasoamihaingo, Felix Razafindrajao, Lily-Arison René de Roland et Andrew J. Bamford (2024). A decade of monitoring the Critically Endangered Madagascar Pochard Aythya innotata: population trends and duckling survival. Wildfowl. Volume : 74. Pages : 153–164. wildfowl.wwt.org.uk
- Edward Carver (2020). Lucky ducks: Once thought extinct, rare pochards take steps toward recovery. Mongabay. Date : 06/02. news.mongabay.com
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