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Existe-t-il des populations encore inconnues de Guifettes leucoptères nichant en hiver au Moyen-Orient ?
La Guifette leucoptère (Chlidonias leucopterus) adulte en plumage nuptial (d’avril à juillet) se distingue aisément de la Guifette noire (C. niger) par le bord antérieur des ailes et son croupion blancs et ses couvertures sous-alaires noires. L’adulte en plumage internuptial (d’octobre à février ) et l’oiseau de première année plus difficiles à distinguer (lire Identifier les trois guifettes dans les plumages juvénile et internuptial). Les oiseaux de première année conservent leur plumage jusqu’à leur premier été complet. Les adultes muent deux fois, tandis que les oiseaux de première année subissent également une mue complète, incluant toutes les rémiges primaires.
La Guifette leucoptère niche sur les plans d’eau et dans les marais à la riche végétation flottante et riveraine et migre et hiverne dans des milieux ouverts variés, comme les lacs, les lagunes ou les bassins de décantation (lire Observer les oiseaux près de Rochefort). Elle niche de l’Europe centrale à la Mongolie et au nord-ouest de la Chine et hiverne en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Australie. Durant ses migrations, elle traverse l’est de la Méditerranée et le Moyen-Orient, où elle niche également localement (dans l’est de la Turquie et en Irak).
Aires de nidification (en rouge) et d’hivernage (en bleu) de la Guifette leucoptère (Chlidonias leucopterus). Point d’interrogation :existe-t-il des zones de nidification hivernale inconnues au Moyen-Orient ? |
Au cours de la dernière décennie, un nombre croissant d’individus est observé entre décembre et février au Moyen-Orient, dont beaucoup en plumage nuptial : on est passé d’un oiseau durant l’hiver 2014-2015 à de 100 à 200 oiseaux au cours des hivers des années 2020, 2021 et 2022.
En se basant sur des données collectées à partir de spécimens conservés au Natural History Museum de Tring (Royaume-Uni), des données de baguage en Israël, de la base de données en ligne eBird et la bibliothèque de photos de la Macaulay Library du Cornell Lab of Ornithology, Yosef Kiat et Peter Pyle ont décrit dans un article publié en 2024 dans le Journal of Ornithology les changements récents dans la répartition saisonnière et dans les cycles de mue annuels de cette espèce : alors que les oiseaux qui se reproduisent en Eurasie commencent à acquérir leur plumage internuptial immédiatement après leur saison de reproduction et le conservent dans leurs quartiers d’hivernage africains, asiatiques et océaniens, la quasi-totalité des adultes (94 sur 96) observés au Moyen-Orient en hiver (de décembre à février) pris en compte dans l’étude étaient en plumage nuptial complet, soit un décalage de sept à huit mois.
Les populations européennes et d’Asie occidentale de la Guifette leucoptère ne semblent hiverner au Moyen-Orient que depuis peu. Les raisons pour lesquelles un nombre croissant d’individus y passe la mauvaise saison sont incertaines. Cela pourrait s’expliquer par une augmentation des cas de reproduction dans une région inconnue d’Afrique tropicale, même s’il n’existe à ce jour aucune donnée de reproduction sur ce continent. La littérature y recense toutefois quelques observations d’adultes en plumage nuptial à cette période de l’année, suggérant la possibilité de reproductions pendant l’été austral. On connaît par ailleurs quatre cas de nidification entre 1917 et 2015 en Nouvelle-Zélande, dans la zone d’hivernage des oiseaux sibériens et asiatiques. Il s’agit donc de l’un des rares exemples, avec l’Océanite culblanc (Hydrobates leucorhous) et les Hirondelles rustique (Hirundo rustica) et à front blanc (Petrochelidon pyrrhonota), de migrateurs transéquatoriaux qui se reproduisent occasionnellement dans l’hémisphère opposé.
Dans l’hypothèse d’une augmentation des cas de nidification hivernaux de Guifettes leucoptères en Afrique tropicale, plus d’oiseaux de première année en plumage usé seraient observés au Moyen-Orient entre décembre et février, ce qui n’est pas le cas. D’autre part, les adultes qui se seraient reproduits pendant l’été austral et auraient migré vers le Moyen-Orient au cours de l’hiver boréal auraient déjà entamé leur mue, or leur plumage nuptial est généralement complet.
Les auteurs suggèrent donc l’existence de nouvelles zones de nidification encore inconnues au Moyen-Orient. Ces oiseaux nicheraient entre février en avril, et leurs mues seraient décalées par rapport à celles de ceux se reproduisant en Eurasie.
Guifettes leucoptères (Chlidonias leucopterus) adultes en plumage nuptial sur les bassins piscicoles du kibboutz Kfar Ruppin (Israpel) en novembre 2019.
Source : Matthiew Mellor
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Compléments
Les observations sur Ornithomedia.com
Guifette leucoptère (Chlidonias leucopterus)
Source
Yosef Kiat et Peter Pyle (2024). Recent changes in distribution and plumage phenologies of the White-winged Tern (Chlidonias leucopterus) in the Middle East. Journal of Ornithology. link.springer.com
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