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Découverte en 2024 d’un site de nidification inconnu et inattendu du Bécasseau spatule dans le nord-est de la Sibérie
Le Bécasseau spatule (Calidris pygmaea) est un petit limicole (longueur de 14 à 16 cm) au bec noir dont l’extrémité est élargie et aplatie. En vol, une barre blanche est bien visible. La femelle est identique au mâle mais est légèrement plus grande. La queue est noire au centre mais les rectrices externes sont grises. Les pattes et les doigts sont noirs. En plumage nuptial, l’adulte a la tête, le cou et la poitrine brun-roux striés de brun foncé. La base du bec et le menton sont blanchâtres, ainsi que les parties inférieures. Le manteau, les scapulaires et les rémiges tertiaires sont châtain-roux et leur centre est noir. L’adulte en plumage internuptial a le dessus gris-brunâtre, le front, les larges sourcils et les parties inférieures blancs, et de fines stries sombres sur les côtés de la poitrine et des parotiques. Le juvénile a les plumes du dessus brun sombre bordée de chamois et de blanc. Un « V » indistinct est parfois visible sur les bords du manteau et des scapulaires.
Il niche localement dans la toundra côtière de la Sibérie orientale (Russie), dans les oblasts (= divisions administratives) de la Tchoukotka (lire Inventaire ornithologique dans la Tchoukotka du 7 au 26/06/2017) et du Kamchatka (lire Voyage ornithologique au Kamtchatka en juin-juillet 2006 : première partie). Il migre le long des côtes de Corée, du Japon et de Chine (lire Les vasières de Rudong sont vraiment le meilleur secteur pour observer le Bécasseau spatule) et hiverne en Asie du Sud (Bangladesh) et du Sud-est (Hong Kong, Thaïlande, Myanmar, Indonésie et Philippines).
C’est une espèce en danger critique d’extinction, avec une population actuelle qui serait inférieure à 500 adultes. Il est surtout menacé par la destruction de ses zones de migration (lire Requiem pour les vasières sud-coréennes) et d’hivernage, et par la chasse illégale (lire Le Bécasseau spatule menacé par la chasse au Myanmar). Son déclin semble toutefois se ralentir, grâce aux mesures de conservation prises au niveau international, incluant un programme de reproduction en captivité à partir d’œufs collectés dans la nature (qui a déjà permis l’envol de 132 oiseaux), la lutte contre le braconnage et le suivi d’individus par la pose d’émetteurs.
Trajet migratoire au printemps 2024 d’un Bécasseau spatule (Calidris pygmaea) équipé d’un émetteur satellite entre la Thaïlande et la Sibérie orientale (Russie), avec les étapes suivies (points rouges). En bleu, la zone d’hivernage historique, en jaune, la zone de migration et en rouge, la zone de nidification historique. |
Le plus petit émetteur satellite solaire au monde, pesant à peine 1,2 gramme et coutant près de 5 000 dollars, a ainsi été mis au point par la société californienne Microwave Telemetry en Californie. Il est suffisamment léger pour pouvoir être posé sur les plumes du dos d’un Bécasseau spatule sans avoir besoin d’un harnais, garantissant son détachement naturel pendant la mue. Depuis 2016, plusieurs émetteurs ont été placés sur une douzaine d’individus en hivernage en Asie du Sud et du Sud-est, permettant d’identifier de nouveaux sites importants sur leur parcours migratoires vers leurs sites de nidification sibériens.
Ces derniers sont en effet encore mal connus, à cause notamment de l’étendue de la zone à explorer, de son isolement et de sa difficulté d’accès (lire Rencontre avec le Bécasseau spatule en Sibérie orientale). Le 4 avril 2024, un Bécasseau spatule, connu sous le nom de « K9 », correspondant au code figurant sur sa bague orange, équipé d’un émetteur satellite du monde collé sur les plumes de son dos, a quitté la Thaïlande, où il a passé l’hiver. Dans les semaines qui ont suivi, des dizaines de biologistes ont analysé les données transmises en direct.
Il a d’abord entrepris un vol de quatre jours, parcourant 1 600 km avant de faire une première escale dans la province de Guangdong, en Chine. Sur place, un ornithologue local l’a repéré et identifié. L’oiseau a ensuite volé sur 500 km jusqu’à la province du Fujian. Ces deux sites étaient deux étapes jusqu’alors inconnues de l’espèce. Une semaine plus tard, des ornithologues amateurs du Fujian ont observé K9, qui a continué son voyage, se dirigeant vers le nord jusqu’à la province du Jiangsu, après un vol de à 1 000 km. Le 25 avril, K9 avait ainsi parcouru au total 3 100 km, atteignant la côte sud de la mer Jaune, mais il n’était encore qu’à mi-chemin de son trajet migratoire. Un vol de 800 km l’a conduit jusqu’en Corée du Nord au-dessus de la mer Jaune, puis il a parcouru plus de 2 000 km jusqu’à l’île russe de Sakhaline, puis encore 2 000 km jusqu’à la limite entre les oblasts du Kamchatka et de la Tchoukotka.
Le 4 juin, après un voyage de près de 8 000 km, K9 a finalement atteint une destination inattendue : une vallée fluviale aride, un site de nidification jusqu’alors inconnu. Pour protéger l’espèce des ramasseurs d’œufs, le lieu exact a été maintenu secret. L’habitat choisi constitue une surprise, car il ne s’agissait pas d’une zone côtière sablonneuse ou graveleuse et parsemée de buissons de Camarines noires (Empetrum nigrum), comme c’est classiquement le cas.
Documentaire sur le Bécasseau spatule (Calidris pygmaea) dans son habitat de nidification dans le nord-est de la Sibérie (Russie).
Source : National Geographic
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Compléments
Ouvrages recommandés
- A Field guide to the birds of China de John MacKinnon et Karen Phillipps
- Field Guide to the Birds of South-East de Craig Robson
- Birds of South Asia: The Ripley Guide de Pamela C. Rasmusen et John C. Anderton
- Birds of South-East Asia de Norman Arlott
- Birds of East Asia. Eastern China, Taïwan, Korea, Japan and Eastern Russia de Brazil M. (2009)
Source
ICFC (2024). Important discovery: New Nesting Area Found for the Spoon-billed Sandpiper. Septembre. icfcanada.org
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