Les vitres, une menace invisible pour les oiseaux

Empreinte d'un oiseau ayant heurté une fenêtre

Empreinte d’un oiseau ayant heurté une fenêtre (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : TED / Wikimedia Commons

Les collisions d’oiseaux contre les vitres constituent un problème majeur à travers le monde : des dizaines de millions d’entre eux trouvent en effet chaque année la mort en percutant des surfaces vitrées (fenêtres, baies, passerelles, abribus, serres, véhicules, etc.). En France, ces chocs représentent 7 % des accueils d’oiseaux dans les centres de sauvegarde de la Ligue pour la Protection des Oiseaux. 
Les espèces les plus touchées sont les passereaux (fauvettes, pouillots, fringilles, grives, merles, étourneaux, etc.), qu’ils soient migrateurs ou qu’ils fréquentent les ardins toute l’année ou durant l’hiver seulement. Certains rapaces ont même appris à profiter de ces morts accidentelles (lire Le comportement opportuniste d’une Petite Buse se nourrissant des oiseaux ayant heurté les vitres d’un ensemble de bâtiments). 
On peut repérer si une vitre constitue un danger particulier (et donc doit être sécurisée en priorité) si l’on trouve un cadavre ou un oiseau assommé à proximité, une trace de collision (silhouette créée par la poudre présente sur les plumes) ou si l’on entend le bruit sourd d’un choc.  
Les parois transparentes et réfléchissantes représentent en effet un double danger pour l’avifaune : elles sont invisibles et ne sont donc pas considérées comme des obstacles, et elles reflètent les éléments de l’environnement proche (arbres, arbustes, plan d’eau, ciel, etc.), ce qui peut les rendre attractives. La nuit, les lumières intérieures les attirent et les désorientent (lire La pollution lumineuse et les oiseaux).
Les grandes baies des bâtiments modernes provoquent le plus d’accidents. 

Que faire si vous trouvez un oiseau ayant subi un choc suite à une collision ?

Martin-pêcheur d'Europe (Alcedo atthis)

Martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis) mort après avoir heurté une vitre (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Dominicus Johannes Bergsma / Wikimedia Commons

Les oiseaux peuvent sembler parfois bien récupérer après leur choc, mais beaucoup succombent plus tard à cause de lésions internes. Si l’un d’entre eux heurte l’une de vos vitres et ne meure pas de suite, placez-le dans un carton (et pas dans une cage) au couvercle percé de plusieurs trous d’aération, ne le sortez qu’après une ou deux heures et libérez-le dans endroit dégagé et sans danger. S’il ne s’envole pas, contactez un centre de soins de la faune sauvage ou un vétérinaire (lire Oiseau blessé ou oisillon tombé du nid : que faire ?).

Les solutions pour réduire les risques de collisions : la pose de films, de silhouettes ou de filets

Vous pouvez placer (ou dessiner avec une peinture pouvant être facilement retirée si besoin) des motifs autocollants répétés à l’extérieur des vitres pour les rendre plus visibles des oiseaux : ils doivent avoir un diamètre d’au moins 6 mm et être espacés de 5 cm au maximum les uns des autres afin d’être efficaces même pour de petits oiseaux. Les dessins de couleur foncée peuvent être parfois difficiles à repérer, il est donc préférable d’utiliser des couleurs plutôt claires pour augmenter leur visibilité. Privilégiez un marquage vertical plutôt qu’horizontal pour couvrir toute la surface vitrée et placez le marquage à l’extérieur plutôt qu’à l’intérieur pour éviter que les oiseaux n’attaquent leur reflet dans la vitre (lire Pourquoi certains oiseaux attaquent-ils les vitres ?).
On peut également coller des bandes de ruban adhésif, des silhouettes autocollantes, des photos (lire Une photo efficace pour limiter les collisions d’oiseaux contre les vitres) ou des films extérieurs amovibles. 
Des petites cordes verticales (en Nylon par exemple), accrochées en haut de la fenêtre et espacées régulièrement (moins de 10 cm), constituent une option élégante et peu coûteuse. Elles créeront une barrière visuelle efficace pour les oiseaux. Ces « rideaux » peuvent être achetés dans le commerce ou être confectionnés avec des matériaux facilement disponibles.
Une moustiquaire ou un filet (dont les mailles font moins de 1 cm pour éviter que les oiseaux ne s’y fassent piéger) posés à l’extérieur des fenêtres sont également des solutions faciles et peu coûteuses. Ils réduisent les collisions en supprimant les reflets et ils évitent les blessures car ils amortissent les chocs.    
Les auvents et les stores extérieurs peuvent enfin réduire la réflectivité des vitres, en particulier lorsque le soleil est bas, même si cette méthode n’est pas toujours très efficace.

Choisir des verres avec une faible indice de réflexion 

Verre givré

Verre givré (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Öljylautta / Wikimedia Commons

Préférez  les verres avec un taux de réflexion inférieur à 15 %, comme les verres sérigraphiés, frittés, gravés ou givrés. Ils diminuent non seulement le risque de collisions, mais ils réduisent aussi le coefficient de gain de chaleur solaire (CGCS), c’est-à-dire l’augmentation de la température intérieure suite à l’accumulation de la chaleur solaire. 
Le verre canalisé, composé de profilés en verre coulé autoportants en forme de « U » maintenus en place par un cadre périphérique, fabriqués à partir de matériaux recyclés économes en énergie, est aussi efficace. 
Il existe aussi des verres incluant des motifs réfléchissant les rayons ultraviolets (UV) invisibles pour les humains mais visibles pour de nombreuses espèces d’oiseaux.  

Ne pas placer les mangeoires, nichoirs et bains trop près des fenêtres

Les mangeoires, nichoirs et bains attirent les oiseaux dans les jardins : il faut donc éviter de les placer trop près des fenêtres (laissez un espace d’au moins un mètre).  

Réduire les lumières nocturnes visibles de l’extérieur

Le grande majorité des oiseaux migrent la nuit entre 22 h et 4 h du matin, et ils utilisent les étoiles et la lune comme boussoles : à cause de la pollution lumineuse, ils peuvent être désorientés et s’épuiser inutilement. Pour réduire les collisions nocturnes, qui sont à l’origine de nombreuses collisions et désorientations (lire La pollution lumineuse empêcherait l’engoulevent de s’installer dans certains secteurs en Suisse), le plus simple est d’éteindre manuellement toutes les lumières inutiles (pièces inoccupées) ou d’utiliser des minuteries et des détecteurs de mouvement, ce qui contribue par ailleurs à faire des économies d’énergie. L’utilisation de stores, de pare-soleil, d’auvents ou de volets est aussi recommandée pour limiter la quantité de lumière visible de l’extérieur. Ces actions simples peuvent aussi être menées sur les navires et les structures installées en mer, comme les plateformes pétrolières.
Si vous avez placé un (ou plusieurs) lampadaire(s) ou lampe(s) à l’extérieur, il faut que leur lumière soit orientée vers le sol. Préférez aussi une lumière « chaude » (en-dessous de 3 300 Kelvins) et installez un minuteur ou un détecteur de mouvements. 

L’exemple réussi du centre des congrès de McCormick Place Lakeside de Chicago (États-Unis)

Le film autocollant à motifs blancs

Le film autocollant à motifs blancs posé sur les vitres du centre des congrès de McCormick Place Lakeside, dans la ville de Chicago, dans l’Illinois (États-Unis) (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Source : Feather Friendly 

La ville de Chicago, dans l’Illinois (États-Unis), est située sur l’importante voie de migration du Mississippi, qui est suivie chaque année par des millions d’oiseaux voyageant du Canada et du nord des États-Unis vers leurs zones d’hivernage du sud de l’Amérique du Nord, de l’Amérique centrale et du Sud à l’automne avant de revenir au printemps (lire Observer les oiseaux à Chicago : le Montrose Point Bird Sanctuary).
Le centre des congrès de McCormick Place Lakeside, le plus grand d’Amérique du Nord, est composé de quatre bâtiments interconnectés et d’une arène couverte construits près de la rive du lac Michigan. Il possède de grandes surfaces vitrées qui constituent un vrai piège pour les oiseaux migrateurs : durant la nuit du 4 octobre 2023, plus de mille cadavres ont ainsi été trouvés, une hécatombe malheureusement non isolée. En 2019, des chercheurs du Cornell Lab of Ornithology avaient d’ailleurs désigné Chicago comme étant la ville la plus dangereuse pour les migrateurs. En 2020, le conseil municipal avait adopté une ordonnance exigeant que tous les nouveaux bâtiments soient construits en respectant des règles diminuant les risques de collisions, mais elle n’a pas encore été mise en œuvre. En 2021, le gouverneur avait signé le Bird Safe Buildings Act (lire Le Projet BirdSafe, ou comment diminuer le danger que constituent les immeubles pour les oiseaux), qui stipule que la construction et la rénovation des bâtiments publics intègrent des dispositifs de protection, mais cela concerne peu d’immeubles. 
Suite à l’émotion causée par l’accumulation de cadavres de la nuit 4 octobre 2023, une pétition ayant recueilli 10 000 signatures a été adressée à la direction du centre des congrès pour qu’elle prenne des mesures afin d’éviter de futures victimes, et cette demande a finalement été prise en compte par le gestionnaire, la Metropolitan Pier and Exposition Authority. Sous le conseil de l’American Bird Conservancy, ils ont contacté Feather Friendly, une entreprise qui pose sur les vitres des dispositifs adhésifs. En 2024, un film transparent, au motif composé de points blancs régulièrement espacés, a été collé sur l’ensemble des surfaces en verre, soit l’équivalent de deux terrains de football : le film a ensuite été retiré, laissant les points en place. Le premier bilan semble très positif, avec une réduction de 95 % de nombre de cadavres durant l’automne 2024 par rapport à celui de 2023 (18 cadavres contre 1 280 en 2023 et 771 en 2022). Ce succès a déclenché un effet d’entraînement, d’autres propriétaires d’immeubles de Chicago et au-delà étant intéressés par la solution de Feather Friendly.

Un reportage sur la pose de motifs anticollision sur les vitres du centre des congrès de McCormick Place Lakeside de Chicago

Reportage sur la pose de la solution anticollision de la société Feather Friendly sur les vitres du centre des congrès de McCormick Place Lakeside de Chicago, dans l’Illinois (États-Unis),
Source : CBS Chicago

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