Les chauves-souris présentent une gamme variée de régimes alimentaires, 17 espèces mangeant régulièrement des vertébrés. C’est le cas en particulier de la Grande Noctule (Nyctalus lasiopterus), qui chasse les oiseaux de manière saisonnière, en particulier pendant les périodes de migration ou lorsque la quantité d’arthropodes diminue (lire Certaines chauves-souris peuvent chasser les oiseaux). Cette espèce migratrice au long cours dispose en effet d’ailes et un système d’écholocation optimisés pour la chasse en vol. Contrairement à d’autres espèces carnivores, comme la Chauve-souris javelot (Vampyrum spectrum) et le Chrotoptère oreillard (Chrotopterus auritus), qui peuvent occasionnellement piller des nids, elle capture essentiellement des petits oiseaux en volant, y compris probablement à haute altitude.

Lors d’une campagne de suivi de la Grande Noctule réalisée entre avril 2021 et février 2023 sur une île boisée près d’Udine, dans la région du Frioul-Vénétie Julienne (Italie), où la Grande Noctule et la Noctule commune (N. noctula) utilisent des cavités d’arbres comme dortoirs, des ornithologues ont fait une observation étonnante, qui a été présentée dans un article publiée en 2024 dans la revue Wiley Ecology and Evolution : dans le trou d’un Frêne à feuilles étroites (Fraxinus angustifolia) accueillant dans sa partie supérieure une colonie d’environ 25 Grandes Noctules, ils ont repéré un couple de Mésanges bleues (Cyanistes caeruleus) nichant à sa base. L’entrée était une longue fissure étroite, rendant difficile l’observation du nid, mais les deux parents apportaient régulièrement de la nourriture aux petits (au moins à partir du 20 avril 2023), qui ont été vus à l’extérieur le 25 mai.

Aucune interactions entre les chauves-souris et les oiseaux n’a été notée, bien qu’il n’y avait aucune séparation entre le nid et la partie occupée par les chiroptères, qui étaient actives dans leur dortoir, même en pleine journée. La colonie était composée de mâles et de femelles gestantes, les naissances étant attendues à la fin du printemps ou au début de l’été.

La Mésange bleue est une proie fréquente de la Grande Noctule en Italie, et cette cohabitation, qui semble inédite, est donc étonnante. Pourtant, la proximité de prédateurs, qui perturbe le nourrissage des jeunes, constitue un important facteur d’échec de la nidification (lire Comment réduire les risques d’échecs de nidification des oiseaux dans les nichoirs ?).

Cette scène semble confirmer que la Grande Noctule chasse plutôt les oiseaux en vol, et qu’elle ne constitue pas un danger dans d’autres contextes, ce qu’auraient compris les Mésanges bleues. Les auteurs ne savent toutefois pas si la présence des mammifères a réduit le succès de nidification du couple. Cette cohabitation forcée a peut être été causée par une pénurie en cavités disponibles (lire Les étourneaux et les chauves-souris peuvent partager les mêmes trous pour nicher).

L’existence d’une compétition agressive pour l’occupation des cavités des arbres été documentée entre la Grande Noctule et la Perruche à collier (Psittacula krameri) dans un parc urbain du sud de l’Espagne, pouvant entraîner la mort des mammifères. La Grande Noctule constitue également une proie pour les rapaces nocturnes, en particulier pour la Chouette hulotte (Strix aluco), qui peut avoir localement des effets négatifs sur la stabilité de ses colonies.

Il s’agit a priori du premier cas connu de cohabitation entre la Grande Noctule et des passereaux, ce qui suggère que les relations entre cette espèce carnivore et ses proies potentielles sont plus complexes qu’on ne croyait.

Grandes Noctules (Nyctalus lasiopterus) sortant le soir de leur gîte , installé dans la cavité d’un arbre, en Auvergne en mars 2013.
Source : Yannick Beucher

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