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Observer les oiseaux dans le marais de la Lède des Agaçats (Gironde), une décharge devenue une zone humide attractive
Introduction
Le bassin d’Arcachon est une lagune semi-fermée située dans le département de la Gironde. Il couvre 174 km² à marée haute et 60 km² à marée basse, quand se découvrent alors des prés salés et des bancs de sable et vase sillonnés par des chenaux. Le bassin communique en effet avec l’océan Atlantique par deux passes, entre le cap Ferret et la dune du Pilat. Ses rives sont en partie urbanisées (villes d’Arcachon, de la Teste-de-Buch, du Teich, d’Andernos et d’Arès notamment), mais des zones naturelles d’un grand intérêt ornithologique subsistent, comme les étangs, les marais et les vasières de la réserve ornithologique du Teich, les bassins piscicoles et les prairies du domaine de Certes et Graveyron, ou les prés salés de la réserve naturelle des prés salés d’Arès et de Lège-Cap-Ferret.
Au nord du bassin, une mosaïque de dunes boisées, de ripisylves le long des canaux et des cours d’eau, d’anciens réservoirs à poissons, de prairies et de boisements humides s’étend un peu à l’intérieur des terres. Le marais de la Lède des Agaçats, composé en partie par une ancienne décharge communale réhabilitée, fait partie de ce secteur assez peu connu des observateurs et pourtant intéressant, surtout durant les migrations : le Pouillot à grands sourcils y est par exemple annuel en automne depuis 2017.
Grâce à Alexandre Bert, guide naturaliste pour la ville d’Arès, nous vous proposons de découvrir cette petite zone humide au fort potentiel.
Abstract
The Arcachon Basin is a semi-enclosed lagoon located in the Gironde department covering 174 km² at high tide and 60 km² at low tide, when salt meadows and sand and mud banks crisscrossed by channels are revealed. The basin communicates with the Atlantic Ocean via two passes between the Cap Ferret and the Dune of Pilat. Its banks are partly urbanized (notably the towns of Arcachon, La Teste-de-Buch, Teich, Andernos and Arès), but natural areas of great ornithological interest remain, such as the ponds, marshes and mudflats of the Leyre delta, protected by the réserve ornithologique du Teich, the fishponds and meadows of the Domaine de Certes et Graveyron, or the salt meadows of the Arès and Lège-Cap-Ferret salt meadows nature reserve.
To the north of the basin, a mosaic of wooded dunes, riparian forests along canals and watercourses, old fish ponds, meadows and wet woodlands extends a little inland. The Lède des Agaçats marsh, partly composed of a former rehabilitated municipal landfill, is part of this sector, which is relatively unknown to observers and yet interesting, especially during migrations: the Yellow-browed Warbler, for example, has been an annual visitor there in autumn since 2017.
Thanks to Alexandre Bert, a naturalist guide for the town of Arès, we invite you to discover this small wetland with great potential.
Le marais de la Lède des Agaçats, une ancienne décharge
Situation du marais de la Lède des Agaçats (Gironde). |
Le marais de la Lède des Agaçats est composé en partie d’une ancienne décharge communale en activité de 1950 à 2000, avant sa réhabilitation en 2005 par la Communauté d’agglomération du Bassin d’Arcachon Nord. Du fait de cet historique, ce marais d’eau douce a été déconnecté du bassin d’Arcachon et du réseau hydrographique local. Malgré cet isolement hydrographique, il est complémentaire d’un point de vue écologique de la réserve naturelle nationale des prés salés d’Arès et de Lège, qui s’étend plus au sud, et dont il n’est séparé que par la route D106.
Le marais de la Lède des Agaçats couvre une surface de 40 hectares, dont 30 ont été classés en 2019 en Espace Naturel Sensible par le Département de la Gironde et sont gérés par le Syndicat Intercommunal d’Aménagement des Eaux du Bassin Versant et Étangs du Littoral Girondin (SIAEBVELG). Les dix hectares restants font partie de la forêt domaniale de Lège et Garonne et sont donc gérés par l’Office National des Forêts. La chasse est tolérée sur le pourtour du marais, mais pas à l’intérieur de ses limites.
Malgré sa superficie réduite, les habitats sont variés : plans d’eau douce, pinède mixte, chênaie marécageuse, saulaie et cariçaie (Carex sp. et Cladium sp.).
Des plantes rares mais aussi des espèces invasives
Grâce à la diversité de ses habitats, la flore du marais de la Lède des Agaçats comprend plusieurs espèces patrimoniales ou intéressantes, comme la Bruyère du Portugal (Erica lusitanica) (en lisière de forêt), l’Osmonde royale (Osmunda regalis), l’Iris des marais (Iris pseudacorus) et la Silène de Porto (Silene portensis) (sur les pare-feu).
Cariçaie dans le marais de la Lède des Agaçats (Gironde) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
On y trouve toutefois aussi deux plantes exotiques invasives, la Jussie rampante (Ludwigia peploides), présente depuis 2015 au moins, et la Crassule de Helms (Crassula helmsii), connue depuis 2018 et pour le moment confinée dans une zone relativement limitée (400 m²).
Le marais est peu accessible et est en grande partie laissé en libre évolution, mais pour limiter le développement et le risque de dispersion de ces deux espèces, un plan de gestion pluriannuel a été rédigé en 2019 par le SIAEBVELG et par des acteurs locaux, avec le soutien financier de l’Agence de l’eau Adour-Garonne, le Département de la Gironde et la région Nouvelle-Aquitaine. Outre le contrôle de la Jussie rampante et de la Crassule de Helms par des actions d’arrachages annuels, ses objectifs sont le maintien de l’ouverture des milieux et la restauration de la continuité écologique.
Des papillons, des libellules et des amphibiens, mais surtout la Cistude d’Europe et la Loutre d’Europe
Le marais de la Lède des Agaçats accueille une belle diversité de libellules, mais on retiendra surtout la présence de l’Aeschne velue-printanière (Brachytron pratense), une espèce rare dans le sud-ouest de la France. Parmi les papillons, citons le Fadet des laîches (Coenonympha oedippus), considéré comme quasi-menacé en France et inscrit sur la Liste Rouge des Papillons de jour de France métropolitaine.
Les amphibiens sont bien présents, avec entre autres le Triton palmé (Lissotriton helveticus), le Crapaud épineux (Bufo spinosus) et la Grenouille agile (Rana dalmatina), et de belles populations de Grenouilles vertes (Pelophylax kl. esculentus) et de Rainettes méridionales (Hyla meridionalis).
Parmi les reptiles, la « star du marais » est la Cistude d’Europe (Emys orbicularis), qui est commune.
La Loutre d’Europe (Lutra lutra) est un autre symbole du site, qui est aussi visité par des mammifères forestiers classiques comme le Renard roux (Vulpes vulpes), le Blaireau eurasien (Meles meles) et la Martre des pins (Martes martes).
Accès et hébergement
Carte du marais de la Lède des Agaçats (Gironde) et accès (en rouge) pour l’observation des oiseaux. |
Depuis Bordeaux à l’est ou Arcachon au sud, il faut rejoindre Lège-Cap-Ferret, puis atteindre la déchetterie (ou déchèterie) située au sud du parc d’entreprises de la ville et près de laquelle on peut stationner. Longer ensuite le grillage qui borde la zone humide pour observer les oiseaux. Attention, le marais est profond et on ne peut s’y déplacer en sécurité. Il est également possible de se garer près du rond-point sur la D106 et de longer ensuite le marais. Le bassin de rétention d’eau de la déchetterie attire par ailleurs de nombreux passereaux et des limicoles.
Les possibilités d’hébergement et de restauration sont nombreuses autour du bassin d’Arcachon, mais Alexandre Bert nous propose une solution économique, le camping des Pastourelles, situé dans la commune de Lège-Cap-Ferret.
Des oiseaux nicheurs forestiers et paludicoles
Du fait de sa fonction écologique de zone de transition entre la dune boisée et une zone humide d’eau douce, le marais de la Lède des Agaçats accueille à la fois des oiseaux nicheurs forestiers et paludicoles. Le Pic noir (Dryocopus martius), le Faucon hobereau (Falco subbuteo) (nicheur probable), l’Épervier d’Europe (Accipiter nisus), l’Engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus) et l’Hypolaïs polyglotte (Hippolais polyglotta) côtoient ainsi le Héron pourpré (Ardea purpurea) (nicheur depuis deux ans), le Grèbe castagneux (Tachybaptus ruficollis) et la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti). Le Canard mandarin (Aix sponsa) a déjà niché dans le marais boisé, et cette espèce férale est aussi parfois vue en migration.
Notons aussi la reproduction du Cochevis huppé (Galerida cristata) dans les pare-feu.
Des migrateurs variés
Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus) dans le marais de la Lède des Agaçats (Gironde) en octobre 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le marais de la Lède des Agaçats est particulièrement intéressant durant les migrations, et en particulier lors du passage postnuptial, à la fin de l’été et en automne. Lorsque le niveau de l’eau est bas, des limicoles y stationnent, dont les Chevaliers aboyeur (Tringa nebularia), sylvain (T. glareola) et guignette (Actitis hypoleucos) et le Bécasseau variable (Calidris alpina). Aucune espèce rare n’a encore été notée, même si le Phalarope à bec large (Phalaropus fulicarius) a déjà été observé après des tempêtes (lire La spectaculaire capture d’un Phalarope à bec large par un Épervier d’Europe dans les Landes en novembre 2023).
De petits groupes de Canards colverts (Anas platyrhynchos) et souchets (Spatula clypeata) et de Sarcelles d’hiver (Anas crecca) font une halte sur la surface d’eau libre. Les Guifettes noire (Chlidonias niger) et moustac (C. hybridus), et parfois la Mouette pygmée (Hydrocoloeus minutus) après les tempêtes, se nourrissent aussi sur le plan d’eau.
La Spatule blanche (Platalea leucorodia), le Héron pourpré et le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) sont des migrateurs réguliers, et la Marouette ponctuée (Porzana porzana) a déjà été vue.
Le site est surtout très intéressant pour l’observation du passage des passereaux migrateurs, en particulier insectivores (fauvettes, rousserolles, tariers, gobemouches, pouillots et roitelets). Parmi les « raretés » déjà notées, citons le Pouillot à grands sourcils (Phylloscopus inornatus), qui est annuel en migration depuis 2017, avec de un à plusieurs individus trouvés chaque automne. Plusieurs Pouillots de Sibérie (P. collybita tristis) et un Pouillot brun (P. fuscatus) ont déjà été vus (lire Identifier les pouillots originaires de Sibérie). Malgré l’intérêt de ce passage, aucune activité de baguage n’a été organisée pour le moment.
Le bassin de rétention d’eau de la déchetterie voisine attire aussi de nombreux passereaux (pipits et bergeronnettes principalement), ainsi que des limicoles.
Observer les oiseaux en hiver
Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) de passage dans le marais de la Lède des Agaçats (Gironde) cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
Le marais de la Lède des Agaçats est plus calme en hiver, même si de petits groupes de canards, de limicoles, de Grands Cormorans (Phalacrocorax carbo) et de laridés sont visibles.
D’autres secteurs intéressants à visiter autour du bassin d’Arcachon
Le bassin d’Arcachon est riche en sites intéressants pour l’observation des oiseaux :
- située à proximité immédiate du marais de la Lède des Agaçats, il faut visiter la réserve naturelle nationale des Prés Salés d’Arès et de Lège-Cap Ferret, d’une superficie de 330 hectares, dont 200 de prés salés (la plus vaste étendue d’Aquitaine), ainsi que des dunes boisées, une ripisylve (le long du canal des Étangs), d’anciens réservoirs à poissons, des prairies et des boisements humides. On y a recensé 250 espèces végétales et 170 d’oiseaux. En hiver, elle est visitée par des troupes de Bernaches cravants (Branta bernicla), de canards et de Spatules blanches, et ses vasières accueillent de nombreux limicoles durant les migrations. La Gorgebleue à miroir blanc de Nantes (Luscinia svecica namnetum) est nicheuse. La réserve est accessible par la D106, à l’ouest d’Arès, et elle est parcourue par des sentiers de découverte (voir une carte d’accès).
- La pointe des Quinconces, à l’ouest de la ville d’Andernos-les-Bains (voir sa localisation sur Google Maps), est un très bon site pour l’observation des limicoles, et des raretés y ont déjà été vues, comme le Gravelot de Leschenault (Charadrius leschenaulti) en août 2020 (lire Comment distinguer les Gravelots de Leschenault et mongol ?).
Vue du domaine de Certes et Graveyron (Gironde) (cliquez sur la photo pour l’agrandir). |
- Le domaine de Certes et Graveyron, propriété du Conservatoire du littoral, est un espace naturel de 530 hectares à cheval sur les communes d’Audenge et de Lanton. Il est particulièrement attractif durant les migrations et en hiver, et la Gorgebleue à miroir blanc de Nantes y est nicheuse (lire Observer les oiseaux dans le domaine de Certes).
- Plus au sud, la réserve ornithologique du Teich est un site incontournable à visiter (lire Observer les oiseaux dans la réserve ornithologique du Teich).
- En hiver, plusieurs points des littoraux de La Teste-de-Buch (port de la Teste) et d’Arcachon (jetées Thiers et d’Eyrac, plage du Casino et port) constituent des sites d’observation classiques du Goéland à bec cerclé (Larus delawarensis), même si les effectifs ont diminué au cours des dernières années (lire Comment identifier et où chercher le Goéland à bec cerclé en France ?).
- La pointe du cap Ferret, à l’entrée du bassin d’Arcachon, est un site important pour l’observation du passage (surtout automnal) des passereaux, des oiseaux marins et des rapaces. Il faut se garer au niveau de l’aire de stationnement principale du cap (voir sa localisation sur Google Maps), puis marcher 200 mètres vers le sud jusqu’aux dunes.
- La réserve naturelle nationale du Banc d’Arguin, située en face de la célèbre dune du Pilat, accueille une grande colonie de Sternes (Thalasseus sandvicensis), parmi lesquelles des espèces plus rares ont déjà été vues, comme les Sternes élégante (T. elegans) et voyageuse (T. bengalensis) (lire Observer les oiseaux dans la réserve naturelle nationale du Banc d’Arguin).
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Compléments
À lire sur le web
- Site web de la ville d’Arès : ville-ares.fr
- Site web de l’office de tourisme du bassin d’Arcachon : www.bassin-arcachon.com
- Site web du Conseil général de la Gironde : www.cg33.fr
- Site web du Conservatoire du Littoral et des Espaces Lacustres : www.conservatoire-du-littoral.fr
Ouvrages recommandés
- Autour du bassin d’arcachon à vélo et à piedde Claude Feigné et Brigitte Durgeon
- Le guide Ornitho de Killian Mullarney
- Autour du Bassin d’Arcachon… à pied : 6 promenades & randonnées de FFRandonnée
- Carte 1337et Bassin d’Arcachon de l’IGN
- Parc ornithologique du Teich de collectif
- Observer les oiseaux en France – Plus de 300 sites ornitho de Jean-Yves Barnagaud, Nidal Issa et Sébastien Dalloyau
Source
Espèces exotiques envahissantes. Fiche de présentation : marais des Agaçats. especes-exotiques-envahissantes.fr
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