L’île de Guam, dont la superficie est de 541 km², est située à la limite de la mer des Philippines et de l’océan Pacifique. Elle fait partie de l’archipel des Mariannes du Nord, qui constitue un territoire associé (mais non incorporé) aux États-Unis. Une espèce ne se rencontre que sur l’île, le Râle de Guam (Gallirallus owstoni), dix uniquement dans l’archipel des Mariannes, dont la Corneille de Guam (Corvus kubaryi) (lire La Corneille de Guam semble profiter de la présence des rats), tandis que plusieurs sont endémiques de la Micronésie (qui regroupe plusieurs archipels), comme le Stourne de Micronésie (Aplonis opaca), un passereau vivant dans les zones arborées (lire Le nombre de Stournes de Micronésie aurait été multiplié par 15 sur l’île de Guam en 25 ans).

Situation de l'île de Guam, dans l'archipel des Mariannes (États-Unis)

Situation de l’île de Guam, dans l’archipel des Mariannes (États-Unis).
Carte : ornithomedia.com

L’avifaune terrestre de Guam a beaucoup souffert de la la destruction de son habitat et de l’introduction (volontaire ou non) d’espèces exotiques, et notamment dans les années 1940 du Serpent brun arboricole (Boiga irregularis), originaire d’Australie et d’Asie du Sud-est. Ce reptile a causé la disparition de dix des douze oiseaux forestiers indigènes.

Le Martin-chasseur cannelle (Todiramphus cinnamominus) mesure de 20 à 24 cm de long. Son dos est bleu irisé et sa tête est roux-cannelle. Le mâle adulte a les parties inférieures cannelle, tandis qu’elles sont blanches chez la femelle et le juvénile. Leur bec est gris sombre, long et aplati latéralement, et ses pattes sont grisâtres. Ses cris sont rauques. Appelé localement Sihek, cet oiseau endémique forestier de Guam niche dans les cavités des arbres à bois tendre et dans les termitières arboricoles.

L’espèce avait disparu à l’état sauvage en 1988, principalement à cause de l’introduction du Serpent brun arboricole. Entre 1984 et 1986, 29 oiseaux avaient été capturés et transférés dans différents parcs zoologiques aux États-Unis pour lancer un programme de reproduction. En 1990, 61 oiseaux étaient répertoriés et 157 en 2014. Toutefois, à cause du manque d’espace disponible, ce nombre a baissé, et il y aurait actuellement environ 140 individus répartis dans 25 sites. La consanguinité, causée par le faible nombre d’individus à l’origine de la population actuelle, est un autre problème préoccupant.

Pour assurer la survie de l’espèce, une réintroduction dans la nature était donc nécessaire, parallèlement au renforcement des effectifs en captivité. Les biologistes souhaitaient idéalement relâcher des Martins-chasseurs cannelle dans les forêts de Guam, mais la présence de Serpents bruns arboricoles, dont le nombre a pourtant été fortement réduit, notamment grâce au largage de souris empoisonnées, constitue toujours une menace. Des recherches menées depuis 2020 avaient aussi permis de repérer la petite île de Cocos, située à moins de deux kilomètres de la pointe sud de Guam, comme un site d’accueil potentiel, mais la découverte d’une population de serpents a également éliminé cette solution.

L’U.S. Fish and Wildlife Service a donc proposé une alternative : lâcher des individus sur l’atoll de Palmyra, situé à plus 3 000 km à l’est de Guam et à plus de 1 600 km au sud de l’archipel d’Hawaï. Exempt de prédateurs et recouvert d’une forêt tropicale luxuriante riche en proies (invertébrés et geckos endémiques) et en matériaux, il devrait permettre l’épanouissement d’une population sauvage. L’équipe responsable de l’introduction s’est rendue en juillet 2022 sur l’atoll pour finaliser les détails de l’opération, et elle semblait optimiste sur les chances de succès. En outre, grâce à un partenariat entre l’association Nature Conservancy et l’U.S. Fish and Wildlife Service , l’atoll de Palmyra possède déjà une petite station de recherche.

Plusieurs obstacles réglementaires subsistaient toutefois avant les premiers lâchers, et des études ont été menées pour évaluer les impacts possibles de l’arrivée des martins-chasseurs sur la flore et sur la faune indigènes de Palmyra (lire Le Martin-chasseur cannelle devrait être introduit sur l’atoll américain de Palmyra en 2023).

Suivi des Martins-chasseurs cannelle introduits sur l'atoll de Palmyra (États-Unis) en septembre 2024

Suivi des Martins-chasseurs cannelle introduits sur l’atoll de Palmyra (États-Unis) en septembre 2024″.
Carte : ornithomedia.com

Le 23 septembre 2024, six Martins-pêcheurs cannelle ont finalement été lâchés sur l’atoll, soit près de quatre décennies après que l’espèce a été classée comme éteinte à l’état sauvage. 

Au total, neuf jeunes oiseaux (quatre femelles et cinq mâles) ont été élevés à la main au cours des derniers mois dans le zoo du comté de Sedgwick (Grande-Bretagne), avec l’aide des gardiens des zoos de Whipsnade et de Londres. Le professeur John Ewen, membre de l’Institute of Zoology et président du Sihek Recovery Program Team, a déclaré : « c’est un jour historique qui se prépare depuis des décennies. La faune sauvage est menacée dans le monde entier, et le fait de voir ces oiseaux voler à nouveau dans la nature montre à quel point les zoos, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement, en collaboration avec les gouvernements et les décideurs, ont le pouvoir de protéger les espèces et de prendre des mesures importantes pour les sauver du bord de l’extinction ».

Les oiseaux ont été transportés depuis Wichita, au Kansas, jusqu’aux volières temporaires de la réserve et de la station de recherche de l’île de Cooper, qui fait partie du Palmyra Atoll National Wildlife, où ils sont arrivés le le 28 août 2024. Des spécialistes ont pris soin d’eux afin  qu’ils, s’acclimatent à leur nouveau « foyer ». Avant d’être libérés, chaque individu a subi un examen de santé et un minuscule radio-émetteur a été posé. Les Martins-chasseurs cannelle sont territoriaux, et l’équipe s’attend à ce qu’ils établissent rapidement des domaines vitaux, ce qui aidera également à les localiser et à les surveiller, ce qui fournira des informations sur leur utilisation de l’habitat, leur recherche de nourriture et leur éventuelle reproduction. De la nourriture supplémentaire sera également disponible pour les aider à faire la transition vers la nature.

Les trois individus restants seront relâchés individuellement, au fur et à mesure qu’ils atteindront les étapes nécessaires à leur survie dans la nature.

Les partenaires du programme prévoient de renforcer la population chaque année, avec pour objectif d’établir dix couples reproducteurs sur l’atoll.

Vidéo sur le lâchers de six Martins-chasseurs cannelle (Todiramphus cinnamominus) sur l’atoll de Palmyra (États-Unis) en septembre 2024.
Source : Kuamnews

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