L’Aigle martial (Polemaetus bellicosus) est le plus grand aigle d’Afrique, avec une envergure comprise entre 188 et 260 cm. L’adulte a un plumage gris brun dessus, tandis que le ventre et la poitrine sont blancs tachetés de noir. Les couvertures sous alaires sont brunes, avec les plumes du vol pâles barrées de noir. La femelle est généralement plus grande que le mâle. L’immature est plus clair dessus avec le dessous blanchâtre. Le plumage adulte est atteint au bout de sept ans. Il vit dans des habitats variés, des semi-déserts aux savanes arborées, où il niche sur les arbres, mais parfois aussi sur des installations humaines, comme des pylônes en Afrique du Sud. Il est présent dans toute l’Afrique subtropicale, mais il n’est jamais commun et semble en déclin.

Son régime alimentaire varie grandement, les oiseaux ou les mammifères pouvant être les proies dominantes suivant les régions. La taille des oiseaux capturés peut atteindre celle d’une cigogne, mais ce sont généralement des espèces de taille moyenne (pintades, francolins, outardes, etc.) qui sont choisies (lire Deux aigles pour une pintade). Les mammifères tués sont variés : lapins, jeunes singes, mangoustes, damans, jeunes antilopes, céphalophes, etc. Le poids de ses proies varie de 0,2 à 7,5 kg, mais on a déjà noté un individu ayant tué un céphalophe de 32 kg ! Il peut aussi chasser occasionnellement des animaux d’élevage (agneaux, chèvres, poules, etc.), ce qui lui vaut d’être parfois persécuté par les éleveurs. Il se nourrit rarement de charognes. 

Situation de la réserve nationale du Masai Mara (Kenya)

Situation de la réserve nationale du Masai Mara (Kenya).
Carte : Ornithomedia.com 

Dans un article publié en septembre 2024 dans la revue Ecology and Evolution, des cas de prédation plus inhabituels sont présentés : des Aigles martiaux ont été observés tuant ou tentant de tuer des jeunes Lions d’Afrique (Panthera leo) dans la grande région du Mara, au Kenya (lire Voyage ornithologique dans le centre du Kenya du 24 janvier au 5 février 2020). Entre 2008 et 2023, les auteurs ont recensé sept cas de prédation, aboutis ou non :

  • Le 15 août 2008, un oiseau a été photographié en train de se nourrir d’un lionceau d’environ six semaines dans le nord du triangle du Mara.
  • En décembre 2012, un adulte a chassé de manière persistante les trois jeunes lionceaux d’une même cohorte pendant plusieurs semaines près du marais de Musiara, dans la réserve nationale du Masai Mara.  
  • Le 14 février 2013, un adulte a été noté en train de se nourrir d’un jeune lionceau près du marais de Musiara, dans la réserve nationale du Masai Mara.
  • Le 25 septembre 2016, un Aigle martial a tenté de capturer un lionceau d’environ six semaines dans la réserve de Mara North, non loin du camp de Kicheche Mara, mais la lionne a pu chasser le rapace.
  • Le 15 mars 2019, un jeune aigle ayant récemment quitté son aire a été vu tenant dans ses serres un lionceau âgé d’environ trois semaines dans la réserve de Mara North.
  • Le 23 septembre 2019, un adulte a été observé chassant et tuant un lionceau âgé d’environ quatre semaines dans le marais de Musiara, à l’intérieur de la réserve nationale de Masai Mara. Les lions adultes ont réussi à le faire s’envoler.
  • Le 2 juin 2023, un jeune a chassé et tué un lionceau d’environ quatre semaines dans la réserve de Lemek.

Certaines de ces données étaient probablement liées à au moins quatre couples différents, ce qui suggère que ce comportement prédateur n’est pas simplement appris ou localisé, mais qu’il est opportuniste et que sa fréquence est probablement liée à la densité d’aigles et de lions, ainsi qu’à l’habitat. La prédation sur des lionceaux reste toutefois probablement rare.

Des travaux en cours menés dans le Mara ont montré que les Aigles martiaux mâles et femelles sélectionnaient des proies différentes, les femelles beaucoup plus grandes sélectionnant naturellement des proies plus grosses (lire Pourquoi les femelles de rapaces sont-elles généralement plus grandes que les mâles ?). La fourchette des poids estimés des lionceaux prédatés (de deux à six kilogrammes) suggère fortement que ce sont plutôt des femelles qui les chassent : il est difficile de déterminer le sexe des individus à partir de photos, mais les tarses épais et les yeux proportionnellement plus petits par rapport à la taille de la tête des individus concernés semble confirmer cette hypothèse. 

Les lionceaux sont des proies dangereuses pour les Aigles martiaux, du fait de la réaction des lions adultes, et les femelles, qui ont davantage la capacité de les emporter dans leurs serres que les mâles, peuvent limiter le risque de se faire blesser. 

Bien que les lionceaux ne constituent pas des proies essentielles pour ce rapace, un seul aigle pourrait avoir un localement un impact sur la dynamique de la population de ces félins en tuant à plusieurs reprises leurs petits.  

Les auteurs ont également recensé des cas de prédation d’Aigles martiaux sur un jeune Léopard (Panthera pardus), un petit Caracal (Caracal caracal) et un bébé Guépard (Acinonyx jubatus), sur des Servals (Leptailurus serval) adultes et juvéniles, mais aussi sur un chiot de Lycaon (Lycaon pictus). 

Un Grand-duc de Verreaux (Bubo lacteus) a aussi été vu en train de se nourrir d’un lionceau probablement fraîchement tué.

Enfin, des Aigles royaux (Aquila chrysaetos) ont été observés à plusieurs reprises tuant et mangeant des oursons bruns (Ursus arctos) et noirs (U. americanus) et des louveteaux (Canis lupus). 

Vidéo d’un jeune Aigle martial (Polemaetus bellicosus) ayant tué un Serval (Leptailurus serval) dans le parc national de Tarangire (Tanzanie) en septembre 2011.
Source : Gian Schachenmann

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