Un vaste espace montagnard boisé situé à l’extrémité sud du massif vosgien 

Situation de la réserve naturelle des Ballons comtois (Territoire de Belfort/ Haute-Saône)

Situation de la réserve naturelle des Ballons comtois (Territoire de Belfort/ Haute-Saône/Vosges).
Carte : Ornithomedia.com

La réserve naturelle des Ballons comtois couvre 2 259 hectares dans les communes de Plancher-les-Mines, Haut-du-Them-Château-Lambert, Miellin, Auxelles-Haut, Lepuix-Gy et Saint-Maurice-sur-Moselle, à cheval sur les départements de la Haute-Saône, du Territoire de Belfort et des Vosges : elle protège les Ballons les plus méridionaux des Vosges (Ballons d’Alsace et de Servance), dans la région Bourgogne Franche-Comté.
Elle a été créée en 2002 en raison de la diversité des milieux naturels représentés (hêtraies-sapinières, chaumes, tourbières, ravins, éboulis, lacs et torrents), de la richesse botanique et de la présence d’une population de Grands Tétras (Tetrao urogallus), une espèce qui est devenue très rare depuis.
En 2018, 2 062 hectares ont été désignés Zone de Protection Spéciale pour les oiseaux et inscrits au réseau Natura 2000. Elle est gérée par le Syndicat Mixte du Parc Naturel Régional des Ballons des Vosges et par l’Office National des Forêts.
Les hêtraies-sapinières, qui couvrent 95 % de la superficie de la réserve, sont exploitées en tenant compte des besoins écologiques du Grand Tétras (traitement en futaie irrégulière, maintien d’une proportion importante de bois morts et de clairières, limitation de l’envahissement par le hêtre des espaces ouverts et travaux réalisés en dehors de la période sensible allant du 15 juillet au 15 décembre). Elle inclut la réserve biologique domaniale de Saint-Antoine, créée en 1984 sur une surface de 652 hectares : il s’agit d’une zone inexploitée depuis longtemps et particulièrement riche en champignons, en insectes saproxyliques et en oiseaux forestiers.

Pessière dans la réserve naturelle des Ballons comtois

Pessière dans la réserve naturelle des Ballons Comtois (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Arnaud Foltzer / Parc naturel régional des Ballons des Vosges

Sur les fortes pentes et dans les éboulis, la hêtraie-sapinière laisse la place à des boisements dominés par l’Érable sycomore (Acer pseudoplatanus).
La réserve protège également des chaumes (prairies et landes d’altitude), dont les plus intéressantes d’un point de vue naturaliste sont celles du Ballon de Servance, de Querty, de Beurey, du Plain des Bœufs et du grand pré de Bravouse. La chaume du Ballon de Servance est la plus riche sur les plans floristique et faunistique, sa surface de 75 hectares permettant un développement d’un cortège complet d’espèces végétales des milieux ouverts, dont certaines sont rares et protégées. Afin d’empêcher la fermeture de ce biotope, des coupes de jeunes Épicéas communs (Picea abies) ont été réalisées au cours de la dernière décennie sur une quinzaine d’hectares.
La réserve compte également dix tourbières totalisant 20 hectares réparties dans les fonds de cirques glaciaires et sur le plateau, la plus remarquable étant celle du Grand Rossely.

Une flore riche, incluant des espèces menacées et emblématiques

Grâce à la diversité de ses habitats et à sa situation géographique particulière, à l’extrémité sud des Vosges, la réserve protège une flore riche (544 espèces). On y recense des espèces rares dans le massif et dont la conservation constitue un enjeu prioritaire : le Lycopode des Alpes (Diphasiastrum alpinum), le Dryoptéris espacé (Dryopteris remota), le Lycopode inondé (Lycopodiella inundata), le Polystic de Braun (Polystichum braunii), l’Andromède à feuille de polium (Andromeda polifolia), l’Anthémis des champs (Anthemis arvensis), le Rhynchospore blanc (Rhynchospora alba), la Camarine noire (Empetrum nigrum), le Saxifrage à feuilles en coin (Saxifraga cuneifolia) et l’Orchis blanc (Pseudorchis albida). 

Hautes chaumes dans la réserve naturelle des Ballons comtois

La flore des hautes chaumes de la réserve naturelle des Ballons comtois est riche (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Arnaud Foltzer / Parc naturel régional des Ballons des Vosges

L’Orchis de Traunsteiner (Dactylorhiza traunsteineri) semble avoir disparu, la dernière donnée remontant à 1995, mais le Botryche lunaire (Botrychium lunaria), que l’on croyait éteint, a été retrouvé sur le Ballon de Servance il y a quelques années, et il est désormais suivi pour évaluer l’évolution de ses effectifs.
L’Arnica des montagnes (Arnica montana), connue pour ses vertus apaisantes et anti-inflammatoires, est l’une des espèces emblématiques des prairies à Nard raide (Nardus stricta), un habitat d’intérêt communautaire prioritaire à très fort enjeu de conservation. Cette espèce n’est pas en régression dans la réserve, un pâturage extensif bovin en estive, avec une mise à l’herbe tardive (à partir du 15 juin), permettant son maintien, tout comme celui d’autres espèces remarquables, comme la Pensée des Vosges (Viola lutea). 
Les tourbières comptent plusieurs plantes emblématiques comme la Droséra à feuilles rondes (Drosera rotundifolia) et la Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium).
La Balsamine de l’Himalaya (Impatiens glandulifera), une espèce végétale exotique envahissante présente depuis plusieurs années dans le massif vosgien, a fait son apparition à proximité immédiate de la réserve, au bord de la D16, vraisemblablement suite à des travaux d’entretien de la route : afin d’empêcher son développement, les gestionnaires arrachent systématiquement ses pieds en juillet et en août, quand elle est en fleur et avant qu’elle ne produise des graines. Cette lutte, combinée aux actions de prévention en amont des travaux publics, permet de la maîtriser, et il n’y a actuellement presque plus aucun pied dans le périmètre de la réserve : une veille active est toutefois assurée.

Coléoptères, papillons et odonates rares

Forêt ancienne dans la réserve naturelle des Ballons comtois

Une forêt ancienne riche en arbres morts dans la réserve naturelle des Ballons comtois : cet habitat accueille des coléoptères saproxyliques rares (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Arnaud Foltzer / Parc naturel régional des Ballons des Vosges

L’entomofaune de la réserve des Ballons comtois est très intéressante grâce à ses différents habitats.
La hêtraie-sapinière, riche en bois morts, est particulièrement attractive pour les coléoptères saproxyliques. Plusieurs centaines d’espèces différentes sont présentes, dont une cinquantaine ont une haute valeur patrimoniale. Entre 2006 et 2010, 29 espèces considérées comme bioindicatrices ont été recensées, dont la plus remarquable est certainement Phloestichus denticollis, très rare et localisé dans les régions froides de l’est de la France (Vosges et Alpes) et dans les Pyrénées-Atlantiques.  
Au niveau des papillons, l’espèce emblématique de la réserve naturelle est le Nacré de la canneberge (Boloria aquilonaris), présent uniquement dans la tourbière du Grand Rossely. Sa petite population reste toutefois très vulnérable du fait de la faible superficie de son habitat, et il est rare et très menacé dans les massifs vosgien et jurassien. C’est une espèce protégée au niveau national, et un suivi spécifique va être engagé à partir de 2024 dans la réserve naturelle.
Trois autres papillons considérés comme remarquables sont présents dans les hautes chaumes, notamment dans celle du Ballon de Servance : le Damier de la succise (Euphydryas aurinia) et les Cuivrés mauvin (Lycaena alciphron) et écarlate (Lycaena hippothoe). Ils dépendent des prairies d’altitude dans un bon état de conservation, avec une alternance de zones pâturées et non pâturées riches en fleurs. 
Les tourbières accueillent de nombreux odonates qui y déposent leurs pontes et y chassent. Un inventaire a été mené sur l’ensemble des sites tourbeux de la réserve, et quatre espèces-phares, strictement inféodées aux milieux tourbeux, ont été recensées : l’Agrion hasté (Coenagrion hastulatum), la Leucorrhine douteuse (Leucorrhina dubia), la sous-espèce elisabethae de l’Aeschne subarctique (Aeshna subarctica) et les Cordulies arctique (Somatochlora arctica) et alpestre (S. alpestris), auxquels il faut ajouter le Cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata), qui dépend des ruisseaux de montagne de bonne qualité.

Une belle diversité de chauves-souris

Martre des pins (Martes martes)

La Martre des pins (Martes martes) est bien présente dans la réserve naturelle des Ballons comtois (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie (prise en Suède) : Rogersnäll / Wikimedia Commons

La réserve naturelle des Ballons comtois accueille des populations semblant stables de Cerfs élaphes (Cervus elaphus), de Chevreuils d’Europe (Capreolus capreolus), de Chamois (Rupicapra rupicapra) et de Sangliers d’Europe (Sus scrofa), qui profitent de l’interdiction de la chasse sur la moitié de la surface. 
La Martre des pins (Martes martes), qui se nourrit principalement d’Écureuils roux (Sciurus vulgaris), est bien présente. Un piège photographique a permis de détecter en 2023 de jeunes Chats sauvages (Felis sylvestris) sur le Ballon de Servance. Le Lynx boréal (Lynx lynx) est très rare.
Les Crossopes de Miller (Neomys anomalus) et aquatique (Neomys fodiens) et la Musaraigne alpine (Sorex alpinus) n’ont pas été retrouvés au cours des vingt dernières années : une étude lancée en 2022 par le groupe mammifères de l’ONF permettra peut-être de les recontacter dans les années à venir.
La diversité en chauves souris est remarquable : même si 95 % des contacts concernent la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), la réserve et les alentours accueillent d’autres espèces en hivernage, ou en chasse : les Murins de Brandt (Myotis brandtii), à oreilles échancrées (M. emarginatus), de Natterer (M. nattereri) et de Bechstein (M. bechsteini), le Grand Murin (Myotis myotis), la Pipistrelle de Nathusius (Pipistrellus nathusii), la Barbastelle d’Europe (Barbastella barbastellus), les Noctules commune (Nyctalus noctula) et de Leisler (N. leisleri) et la Sérotine commune (Cnephaeus serotinus).

Accès et bons secteurs d’observation : attention aux dérangements !

Carte de la réserve naturelle des Ballons comtois (Territoire de Belfort/ Haute-Saône)

Carte de la réserve naturelle des Ballons comtois (Territoire de Belfort/ Haute-Saône/Vosges) et secteurs intéressants pour l’observation des oiseaux.
Carte : Ornithomedia.com

Depuis Belfort au sud, prendre la D13 puis la D5 jusqu’à Valdole, et la D465 jusqu’à Sermamagny. Rejoindre ensuite Auxelle-Bas par la D13, puis suivre la D12 jusqu’à Plancher-Bas. Emprunter la D16 jusqu’au Ballon de Servance pour observer les oiseaux des hautes chaumes.
Rejoindre la station de la Planche des Belles Filles, puis se diriger vers le col du Querty. Faire une halte dans la chaume du Querty.
La tourbière du Grand Rossely, située au pied du Ballon de Servance, est la plus riche de la réserve, mais son accès est interdit.
Pour observer les oiseaux forestiers, de nombreux sentiers parcourent la hêtraie-sapinière : il est particulièrement intéressant de parcourir la forêt domaniale de Saint-Antoine, riche en bois mort, qui s’étend au sud du Ballon de Servance.
Afin d’éviter de déranger l’avifaune, il est interdit de se promener avec un chien et de sortir des sentiers balisés, qui mènent parfois au cœur des secteurs les plus sensibles, du 15 décembre au 14 juillet. Différents panneaux d’information ont été installés sur les principaux points de passage pour informer de la réglementation spécifique et orienter le public. L’hiver est une saison particulièrement délicate, durant laquelle il faut limiter au maximum les perturbations, qui sont alors très préjudiciables pour des espèces gravement menacées comme le Grand Tétras.
La fréquentation de la réserve reste toutefois modeste par rapport à celle dans d’autres secteurs du massif vosgien, comme le cirque glaciaire du Frankenthal (lire Observer les oiseaux dans les cirques glaciaires de la réserve naturelle du Frankenthal-Missheimle).  

Des petites chouettes de montagne mais presque plus de Grands Tétras

Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus)

Des dizaines de chanteurs de Nyctales de Tengmalm (Aegolius funereus) ont été recensés dans la réserve naturelle des Ballons comtois (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Christoph Moning / Wikimedia Commons

Les hêtraies-sapinières couvrant la quasi-totalité de la réserve, une visite sera naturellement l’occasion d’observer leur avifaune. Elles sont le domaine d’un cortège typique de passereaux : Mésanges noire (Periparus ater) et huppée (Lophophanes cristatus), Roitelet huppé (Regulus regulus), Grimpereau des bois (Certhia familaris), Pouillots véloce (Phylloscopus collybita), fitis (P. trochilus) et siffleur (P. sibilatrix), Sittelle torchepot (Sitta europaea), Bec-croisé des sapins (Loxia curvirostra), Pinson des arbres (Fringilla coelebs), Grive musicienne (Turdus philomelos), Merle à plastron (T. torquatus), Geai des chênes (Garrulus glandarius) et Cassenoix moucheté (Nucifraga caryocatactes), ces deux derniers étant plus actifs en automne (lire Une mémoire de Cassenoix moucheté). Le Cassenoix moucheté semblait commun dans les années 2010, mais les observations ont tendance à se raréfier, mais sa population, qui dépend de la fructification des conifères et de l’arrivée d’individus venus du nord-est de l’Europe, connaît des fluctuations annuelles.
Le Pic cendré (Picus canus) est un nicheur très probable dans la réserve, car il est régulièrement contacté durant la période de reproduction, tandis que le Pic mar (Leiopicus medius) est à rechercher au dehors du périmètre.
Les Pics vert (P. viridis), épeiche (Dendrocopos major) et noir (Dryocopus martius) sont bien présents, les loges de ce dernier accueillant la Nyctale de Tengmalm (Aegolius funereus) : lors de plusieurs dizaines de lignes de transect parcourues à la fin de l’hiver 2010 et 2020 pour rechercher les deux petites chouettes de montagne, une dizaine de chanteurs a été recensée, mais aucun cas de nidification n’a encore été noté.  
La Chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum), qui est en expansion depuis quelques années dans les Vosges saônoises, y compris à moyenne et à basse altitude, se reproduit très probablement dans la réserve depuis quelques années, même si aucun contact n’a encore été établi, malgré des recherches actives.
La Chouette hulotte (Strix aluco) est également nicheuse, tout comme l’Épervier d’Europe (Accipiter nisus), et probablement l’Autour des palombes (Astur gentilis), la Buse variable (Buteo buteo) et la Bondrée apivore (Pernis apivorus).
La Bécasse des bois (Scolopax rusticola) installe son nid dans le sous-bois dense, tout comme la Gélinotte des bois (Tetrastes bonasia).

Myrtilliers (Vaccinium sp.) dans la réserve naturelle des Ballons Comtois

Myrtilliers (Vaccinium sp.) dans la réserve naturelle des Ballons comtois (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Arnaud Foltzer / Parc naturel régional des Ballons des Vosges

Alors qu’une population importante de Grands Tétras, qui vivait encore dans les Ballons comtois dans les années 1990, avait contribué à la création de la réserve, il n’y a plus de contact avec cette espèce depuis quelques années, même s’il est toujours possible qu’il reste un ou plusieurs individus non détectés, notamment des poules. Paradoxalement, l’explosion de la population de scolytes (de petits coléoptères xylophages qui vivent sous les écorces des résineux) depuis 2018 a permis de recréer dans la réserve et dans les environs des dizaines d’hectares de clairières à myrtilliers (Vaccinium sp.) favorables à l’espèce. Pour protéger ce gallinacé, le plateau de Bravouse est interdit d’accès durant toute l’année depuis 2018. Les chances d’observer cette espèce sont donc très minces. Le programme de renforcement de la population vosgienne à partir d’oiseaux norvégiens, qui a débuté en 2024 dans la réserve naturelle du massif du Ventron, à une vingtaine de kilomètres au nord de celle des Ballons comtois, pourrait peut-être favoriser son retour dans les années futures, si elle réussit (lire Le programme de renforcement de la population vosgienne de Grands Tétras à partir d’oiseaux norvégiens a débuté et pourrait peut-être réussir).
Les hautes chaumes, notamment du Ballon de Servance et du Querty, sont le domaine de l’Alouette des champs (Alauda arvensis), de la Linotte mélodieuse (Linaria cannabina), du Traquet motteux (Oenanthe oenanthe), des Tariers (Traquets) des prés (Saxicola rubetra), et pâtre (rubicole) (S. rubicola) (lire Pétrel et Traquet, deux noms génériques d’oiseaux qui seraient utilisés à tort), du Pipit spioncelle (Anthus spinoletta) et du Merle à plastron (Turdus torquatus).
Le Faucon pèlerin (Falco peregrinus) et le Grand Corbeau (Corvus corax) se reproduisent enfin sur les parois rocheuses.

Durant les migrations et en hiver

En bas des couloirs d’avalanche, les baies des Merisiers à grappes (Prunus padus) et des Sorbiers des oiseleurs (Sorbus aucuparia) attirent de nombreux passereaux migrateurs en automne, en particulier les Grives litornes (Turdus pilaris) et les Pinsons des arbres. En mai et en août-septembre, le Pluvier guignard (Eudromias morinellus) est à rechercher sur les hautes chaumes du Ballon de Servance, même s’il n’y a pas encore de données, contrairement à d’autres sites vosgiens où il est régulier, comme le Hohneck (lire Rencontre avec le Pluvier guignard sur le Hohneck). 

Deux autres secteurs intéressants à visiter dans les Vosges

Pour compléter votre découverte de l’avifaune vosgienne, nous vous conseillons deux autres secteurs :

Réagir à notre article

Réagissez à cet article en publiant un commentaire