Suite au développement exponentiel de l’urbanisation dans le monde au cours des dernières décennies, de nombreuses espèces d’oiseaux ont été obligées de s’adapter, et parfois avec succès : en effet, malgré des contraintes diverses (espaces naturels disponibles, pollution, bruit, etc.), l’environnement urbain peut offrir des sites de nidification relativement abrités des prédateurs et des dérangements.

Une proportion importante des oiseaux nichant au sol dans les cultures et dans les prairies a subit et continue de subir déclin important en Europe à cause de la dégradation des habitats, mais certains ont trouvé dans les villes ou près des installations humaines des sites de nidification de substitution : c’est le cas par exemple du Cochevis huppé (Galerida cristata) (lire Le Cochevis huppé ne survit plus que dans les zones commerciales en Bohème), mais aussi d’oiseaux plus inattendus, comme l’Huîtrier pie (Haematopus ostralegus), qui niche au sol le long des côtes,  dans les prairies inondables et parfois même dans les champs (lire Nidification d’un couple d’Huîtriers pie dans un champ de maïs dans le Nord).

Situation de Münster (Allemagne)

Situation de Münster (Allemagne).
Carte : ornithomedia.com

Alors que sa population côtière baisse de façon importante en Allemagne, on assiste à une croissance du nombre de couples nichant sur des toits, suivant l’exemple bien connu des Laridés (lire Une colonie de Goélands d’Audouin s’est installée sur un toit d’une zone industrielle de Barcelone).

L’Huîtrier pie est l’un des rares limicoles européens à nourrir ses poussins, et ces derniers n’ont donc pas besoin d’un accès direct aux zones d’alimentation.

Dans un article publié en 2024 dans la revue Nature, des ornithologues ont présenté les résultats de leur étude de la population se reproduisant sur les toits de la ville de Münster, située en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, dans le nord-ouest de l’Allemagne. Les premiers cas de nidification y remontent à 1969, et depuis, le nombre de couples n’a cessé d’augmenter, atteignant 24 en 2020.

Tous les nids y sont installés sur des toits plats, la plupart du temps recouverts de gravier. Le succès de reproduction est globalement élevé, avec 0,6 jeune volant par couple, contre 0,18 par couple dans les habitats côtiers, le dessus des bâtiments offrant une certaine protection contre les prédateurs terrestres. Les poussins peuvent toutefois mourir en tombant ou en sautant des toits, ou étant mangés par des corvidés et des laridés.

Les terrains de sport fournissent une grande quantité de proies (vers de terre principalement) facilement accessibles tout au long de la saison de reproduction, grâce aux systèmes d’arrosage automatique, tant que leurs pelouses ne sont pas traitées ou pire, synthétiques (lire Une étude espagnole confirme que le gazon artificiel constitue une menace pour l’avifaune des parcs et des jardins). Les zones industrielles, qui combinent de vastes toits et de grandes étendues enherbées, sont donc potentiellement celles qui offrent le plus de potentiel pour la croissance de la population. Néanmoins, l’Huîtrier pie est capable d’une certaine capacité d’adaptation dans son régime alimentaire (lire Des huîtriers mangeant du pain aux Pays-Bas).

Bien que plusieurs études aient déjà décrit la nidification d’Huîtriers pies sur des toits urbains ailleurs en Europe centrale et occidentale, par exemple à Düsseldorf (Allemagne), les informations disponibles sur les facteurs de leur succès de reproduction restent encore rares. Une surveillance de plusieurs nids serait notamment nécessaire pour recenser les causes d’échec.

Par ailleurs, la croissance de la population urbaine de ce limicole ne pourra pas compenser son déclin le long des côtes. En tout cas, il serait important de favoriser sa nidification sur les bâtiments, en privilégiant par exemple, quand cela est possible, la construction de toits plats. Il convient également de gérer de façon écologique les terrains de sport, de golf et les pelouses des parcs, qui fournissent les proies nécessaires à l’élevage des jeunes.

Citons la nidification d’un autre limicole sur les toits, le Vanneau indien (Vanellus indicus)) (lire Des Vanneaux indiens nicheurs sur un toit en tôle ondulée).

Couple d’Huîtriers pie (Haematopus ostralegus) ayant niché avec succès sur le toit d’un garage à Altenholz, près de Kiel (Allemagne), en juin 2015.
Source : Christian Onnasch

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