Qu’est-ce qu’une haie sèche ?

Haie de Benjes

Haie de Benjes près de Middleton, dans le Northamptonshire (Grande-Bretagne) : par rapport à une haie sèche simple, notez les branches tressées, qui améliorent l’esthétisme de l’ensemble.
Photographie :  Picapica~commonswik / Wikimedia Commons

Les haies sèches sont beaucoup moins connues que les haies classiques composées de buissons, d’arbustes et/ou d’arbres plantés, et pourtant elles existent depuis très longtemps : en effet, dès l’apparition de l’élevage, au Néolithique, l’Homme a utilisé du bois mort pour délimiter des enclos afin que le bétail ne s’échappe pas ou qu’il ne soit pas attaqué par des prédateurs. Si cette méthode est encore largement répandue en Afrique ou en Asie, elle a fortement régressé en Europe avec le développement des clôtures.
Une haie sèche est principalement composée de branchages et de brindilles, ramassés ou issus de tailles, entassés entre deux rangées de poteaux plantés dans le sol et/ou entrelacés autour de ces derniers. Elle peut être combinée avec une clôture (barbelés ou grillage) ou être adossée à un muret ou à un talus.
Dans les années 1980, le paysagiste et écologue allemand Hermann Benjes s’est intéressé à cette barrière naturelle, qui permet d’utiliser judicieusement les déchets verts et d’offrir un habitat aux petits animaux, tout en lui donnant une dimension décorative grâce au tressage des branches : cette variante plus esthétique est appelée haie de Benjes.  

Quand créer une haie sèche ?

On peut réaliser une haie sèche à n’importe quel moment de l’année, même si un sol un peu humide est préférable (évitez aussi les journées de temps chaud et venteux dans les régions sujettes aux incendies). L’automne est toutefois la meilleure période pour créer une haie sèche : en effet, les déchets verts sont alors plus nombreux, le temps n’est pas trop sec et des animaux peuvent commencer à s’y installer pour y passer l’hiver.

Où créer une haie sèche ?

La haie sèche est une technique plutôt adaptée aux régions ne souffrant ni de sécheresses saisonnières prononcées ni d’incendies fréquents. 

Comment créer une haie sèche ?

Haie sèche

Haie sèche dans un jardin privé à  Illingen (Allemagne) : notez les piquets régulièrement espacés.
Photographie :  Simon Mannweiler / Wikimedia Comons

Il faut disposer de branchages issus de vos propres tailles ou de celles de vos voisins, voire de votre mairie. Vous aurez aussi besoin d’une massue, d’un sécateur et peut-être d’une scie.
1- Repérer les branches à peu près verticales qui pourront servir de piquets d’ossature : leur tronc doit mesurer au moins 6 cm de diamètre et leur hauteur devra être à peu identique, soit au moins 1,20 m si vous souhaitez obtenir une haie d’une hauteur moyenne d’un mètre de haut, et jusqu’à deux mètres si vous désirez qu’elle serve de pare-vue (mais plus elle sera haute, plus il sera difficile de la remplir).
Supprimez les branches latérales et épointez une de leur extrémité afin de faciliter leur enfoncement à la masse. Si vous ne disposez assez de branches suffisamment droites et solides, il faudra acheter des piquets en bois imputrescible (robinier, châtaignier, chêne, etc.). Dans les zones très venteuses, des piquets solides et bien enfoncés seront nécessaires.
2- À l’aide d’une massette ou d’un marteau, enfoncez les branches et les piquets dans le sol (après avoir creusé un trou) à une profondeur d’au moins 30 cm, espacés de 50 à 70 cm (pour mieux retenir les branchages), selon deux rangées séparées d’une largeur suffisante, idéalement d’au moins 50 cm, en fonction de l’espace disponible, mais aussi de vos souhaits et de la quantité de déchets verts disponibles. Plus la largeur de la haie sèche sera grande, mieux elle remplira sa fonction de lieu de reproduction, d’abri et d’alimentation pour les oiseaux.
3- Remplissez l’espace créé entre les piquets avec des branchages déposés horizontalement, en mélangeant leurs dimensions (longueur et circonférence) et en veillant à ce que l’entassement soit régulier, sans trop d’espaces vides. L’ajout de feuilles mortes, de racines et autres déchets verts est possible. N’utilisez pas de branches de conifères, car elles contribuent à la formation d’un milieu acide, et ne jetez pas des restes de nourriture, pour éviter d’attirer des animaux indésirables.
4- Une fois que le garnissage est bien en place, tassez-le un peu en marchant dessus. Vous pourrez par la suite, sur cette base homogène, rajoutez d’autres branches et déchets verts avec précaution, afin de ne pas déranger les oiseaux et autres animaux qui s’y reproduiront.
5- Coupez les branchages qui dépassent trop de la limite des piquets, pour des raisons de gain d’espace et d’harmonie de l’ensemble.
6- Si vous le désirez, entrelacez des branches souples autour des piquets pour améliorer la stabilité de l’ensemble. Des fils de fer ou de la corde pourront être utilisés pour fixer ces entrelacs.

Entretenir une haie sèche

Haie sèche

Haie sèche bordant une parcelle agricole près de Syke (Allemagne) : son entretien est facile.
Photographie :  Kamel15 / Wikimedia Commons

Une haie sèche nécessite peu d’entretien, surtout au début. Il suffira de la regarnir si nécessaire, et de tailler les végétaux qui pousseront avec le temps, notamment celles au développement très rapide, comme la Ronce commune (Rubus fruticosus), afin d’éviter que la haie ne soit trop uniforme. Veillez à ce que les plantes que vous souhaitez voir pousser aient suffisamment de place, de lumière et d’humidité.

Une évolution vers une haie vive

Une haie sèche peut évoluer vers une haie vive. En effet, des plantes, y compris parfois des arbres et des arbustes, dont les semences seront apportées par le vent ou les oiseaux, vont naturellement pousser à l’intérieur et sur sa bordure. Par ailleurs, il est possible également de planter quelques arbres et arbustes indigènes, qui pousseront tout étant bien protégés par les branchages. Si vous voulez empêcher cette évolution, au moins pendant les premières années, vous pouvez, avant la mise en place de la haie sèche, couvrir le sol avec des cartons, des pierres plates et/ou des sacs de jute, voire une bâche.

Planter des végétaux pour enrichir une haie sèche

Il faut attendre quelques années pour qu’une haie sèche se transforme en une haie bocagère touffue. Si vous voulez accélérer le processus, vous pouvez planter des arbres, des arbustes et des plantes vivaces qui fourniront de la nourriture aux oiseaux et aux insectes pollinisateurs (lire Conseils pour aménager son jardin pour les oiseaux).

Prunellier (Prunus spinosa)

Le Prunellier (Prunus spinosa) peut être planté dans une haie sèche pour augmenter son attractivité. 
Photographie :  Hagen Graebner/ Wikimedia Commons

Voici ci-dessous une sélection de plantes vivaces intéressantes :

  • Ancolie des jardins (Aquilegia vulgaris)
  • Anémone des bois ou Sylvie (Anemone nemorosa)
  • Campanule (Campanula sp.)
  • Molène (Verbascum sp.)
  • Myosotis (Myosotis sp.)
  • Digitale pourpre ou Grande Digitale (Digitalis purpurea)
  • Vipérine commune (Echium vulgare)
  • Rose trémière (Alcea rosea).
  • Persicaire (Persicaria amplexicaulis).
  • Aspérule odorante (Galium odoratum).

Une sélection d’arbustes :

  • Cornouiller mâle (Cornus mas)
  • Sureau (Sambucus sp.)
  • Prunellier (Prunus spinosa)
  • Noisetier commun (Corylus avellana)
  • Fusain d’Europe (Euonymus europaeus).

Une sélection de plantes grimpantes :

 Quels sont les avantages d’une haie sèche ?

Une haie sèche peut servir à protéger un potager

Une haie sèche peut servir à protéger un potager.
Photographie : Lgmka / Wikimedia Commons

Ils sont nombreux :

  • si elle a été bien été faite, une haie sèche est robuste et empêche efficacement les intrusions, y compris de sangliers pour certaines d’entre elles, d’autant plus si des branches épineuses (de prunelliers, d’aubépines, etc.) y sont déposées. Elle constitue donc une alternative à une clôture traditionnelle, même si elle peut être combinée avec celle-ci.
  • Si elle est suffisamment haute, elle protège un jardin des regards indiscrets.
  • Elle est économique (sa mise en place ne coûte pratiquement rien).
  • Elle est rapide et facile à mettre en place, et on peut en créer une à n’importe quel moment de l’année. On peut l’élaborer progressivement, en fonction du temps disponible.
  • Il n’est pas nécessaire d’attendre la croissance des arbres ou des arbustes pour obtenir une barrière infranchissable. Elle peut donc être une solution pour protéger un terrain en attendant la pousse d’une haie vive.
  • Elle est durable et facile à entretenir.
  • Elle permet de recycler les déchets verts, et d’en déposer de nouveaux au fil des années.
  • Elle fait barrage aux pluies fortes et au vent, freinant ce dernier sans le bloquer. Elle est donc intéressante pour séparer des prairies où pâturent des chevaux, des vaches ou des moutons, qui sont ainsi un peu abrités. Dans un jardin, elle contribue à la formation d’un microclimat favorable, par exemple pour la création d’un potager. Elle peut d’ailleurs servir de support à des plantes grimpantes comestibles ou décoratives (haricots, cucurbitacées, capucines, pois de senteurs, ipomées, etc.).
  • Elle permet de lutter contre l’érosion dans un terrain en pente ou au bord d’une rivière.
  • Si elle est réalisée avec soin, notamment avec des entrelacs de branches, elle peut être esthétique. En raison de son aspect rustique, ce mur naturel est particulièrement bien adapté aux jardins champêtres et familiaux. En revanche, si vous avez une pelouse anglaise, ce type de haie ne s’harmonisera pas très bien avec le paysage.
  • Elle permet la création d’humus au bout de quelques années, en fonction des matériaux utilisés, grâce aux champignons et aux organismes saproxylophages (qui ne consomment que le bois mort) qui le colonisent progressivement.
  • Enfin et surtout, elle sert d’abri, de site de nidification et de nourrissage et même de corridor biologique, aux petits animaux (oiseaux, reptiles, mammifères, insectes, etc.).

Quels sont les inconvénients d’une haie sèche ?

Une grande quantité de branchages est nécessaire pour créer une haie sèche ou de Benjes

Une grande quantité de branchages est nécessaire pour créer une haie sèche ou de Benjes.
Photographie : Naturenet / Wikimedia Commons

Ils sont peu nombreux :

  • il faut disposer d’une quantité suffisante de branchages en fonction de la longueur souhaitée de la haie.
  • Elle occupe une largeur plus grande qu’une clôture traditionnelle. 
  • Elle peut servir de « bastion » pour des plantes adventices envahissantes, comme les orties. Pour éviter ce problème, il est recommandé de faire des coupes régulières.

Il existe par ailleurs des contraintes réglementaires :

  • Selon les articles 671 et 672 du Code civil, si vous installez une haie sèche directement en limite de propriété, vous avez besoin de l’accord du voisin. Sinon, il faut veiller à ce que la distance avec le terrain voisin soit suffisamment grande, d’au minimum 50 cm, voire un ou deux mètres afin que personne ne soit dérangé.
  • Un permis de construire n’est normalement pas nécessaire, mais vous pouvez vous renseigner auprès du service de votre mairie s’occupant de ce sujet.

Une technique proche du plessage

Une haie plessée est intermédiaire entre les haies morte et vive : elle est créée à partir d’une haie vive existante composée d’arbustes ou de jeunes arbres (noisetiers, châtaigniers, érables, charmes, troènes, chênes, saules, aubépines, églantiers, cornouillers, viornes, etc.) dont le tronc a au moins 10 cm de diamètre et qui sont espacés d’au moins un mètre. Des piquets sont régulièrement plantés  et des troncs à peu près verticaux sont laissés intacts. On effectue une entaille à la base de certains arbustes (sans les rompre ni favoriser l’arrivée de parasites, ce qui n’est pas facile), puis l’on courbe et l’on tresse leurs branches autour des piquets et des troncs droits laissés intacts (voir une vidéo explicative).
La haie plessée poursuit ensuite sa croissance naturelle, et les arbustes fendus cicatrisent et se dédoublent. Les rameaux qui poussent sont également pliés et tressés. Avec le temps, cette barrière vivante devient progressivement infranchissable.
Le plessage se pratique pendant la période hivernale, d’octobre à avril. C’est une technique assez délicate, qui nécessite de disposer d’une haie vive existante et exige bonne maîtrise technique pour que l’entaille réalisée à la base des troncs des arbustes et des jeunes arbres ne provoque pas leur affaiblissement ou même leur mort.
Il est possible  de combiner les haies sèche et plessée : des branchages seront alors disposés dans les espaces entre les arbres aux branches et rameaux tressés.

Une haie sèche, un refuge pour les oiseaux et les autres animaux

Rougegorges familiers (Erithacus rubecula)

Le Rougegorge familier (Erithacus rubecula) niche volontiers dans les haies sèches.
Photographie : Pablo Cerqueira

Comme une mare (lire Créer une mare favorable aux oiseaux dans son jardin), un mini-marais (lire Créer un mini-marais pour les oiseaux dans un jardin) ou un ruisseau (lire Créer un ruisseau artificiel dans son jardin pour les oiseaux : des conseils et un exemple remarquable), une haie sèche constitue un atout majeur pour transformer un jardin en un refuge pour les oiseaux et les autres animaux.
Grâce à la dispersion naturelle des graines par le vent ou les fientes d’oiseaux, ou grâce à des plantations volontaires de fleurs, de plantes grimpantes et/ou d’arbustes, elle offre des fleurs pour les insectes pollinisateurs et/ou des baies pour les oiseaux.
Grâce à la décomposition du bois et des végétaux, elle attire un grand nombre d’insectes, qui sont à leur tour mangés par des petits animaux. Les araignées tissent leur toile entre les branches, et des insectes prédateurs y trouvent un refuge en hiver, comme la Chrysope vert (Chrysoperla carnea), grande mangeuse de pucerons.
Les feuilles s’y accumulent naturellement ou peuvent y être stockées, servant d’abris hivernaux pour le Hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus), des amphibiens comme le Crapaud commun (Bufo bufo) et la Salamandre tachetée (Salamandra salamandra), et de lieu de nourrissage pour des passereaux insectivores, comme le Merle noir (Turdus merula) (lire Il faut laisser au maximum les feuilles mortes dans les parcs et les jardins pour les oiseaux).
Cette litière, l’ombre créée par les branchages et l’humus qui se forme progressivement contribuera à conserver l’humidité en été (lire Comment faire de son jardin une oasis pour les oiseaux en plein été ?)..
La haie sèche sert de site de nidification pour plusieurs oiseaux, comme le Merle noir, l’Accenteur mouchet (Prunella modularis), le Troglodyte mignon (Troglodytes troglodytes) ou le Rougegorge familier (Erithacus rubecula).

Une vidéo de présentation de la création d’une haie sèche

La vidéo ci-dessous décrit les étapes de la réalisation d’une haie sèche simple dans un jardin.

Les étapes de la réalisation d’une haie sèche simple dans un jardin
Source : Le Jardin de Rodolphe

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