La réserve de Viersels Gebroekt, un ensemble d’anciennes prairies fauchées régulièrement inondées

Situation de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique)

Situation de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique).
Carte : Ornithomedia.com

La Petite Nèthe (Kleine Nete en néerlandais) est une rivière qui prend sa source à la limite des provinces d’Anvers et du Limbourg. Elle poursuit ensuite sa route à travers la région de la Campine, en formant des méandres au milieu des bois et des prairies, avant de se jeter dans la Grande Nèthe au niveau de la ville de Lierre pour former la Nèthe inférieure, qui rejoint enfin l’Escaut.
La réserve naturelle de Viersels Gebroekt est une zone humide protégée de trente hectares gérée par l’association Natuurpunt, située dans la vallée de la Kleine Nete, entre le village de Viersel et le Netekanaal, et parcourue par deux ruisseaux, le Molenbeek et le Kleine Beek. Il s’agit d’une ancienne prairie inondée artificiellement en hiver à l’aide d’un réseau de fossés et fauchée en été pour la production de foin, un fonctionnement qui a perduré jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. En raison de la canalisation de la Petite Nèthe, la connexion entre la prairie et la rivière a été coupée, ce qui a entraîné la fin du système d’irrigation utilisé jusqu’alors : il reste des vestiges du réseau de fossés, et le Molenbeek et le Kleine Beek peuvent parfois déborder en cas de fortes pluies en hiver et au printemps. L’ancienne prairie fauchée a été remplacée par une végétation de marais (cariçaie, typhaie, saulaie et roselière) très attractive pour la flore et la faune.

Vue d'une cariçaie (peuplement de laîches), dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique)

Vue de la cariçaie (peuplement de laîches), dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique), où un couple de Marouettes de Baillon (Zapornia pusilla) a niché en 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Des actions de restauration des habitats naturels, en particulier des prairies humides, financées par le programme européen Life, ont été menées depuis 2012 dans la vallée de la Petite Nèthe, et en particulier dans la réserve de Viersels Gebroekt : par exemple, en 2022, une décharge ouverte en 1966 pour déverser les décombres provenant de travaux de démolition a été supprimée et réhabilitée, améliorant le fonctionnement écologique de la zone et rétablissant en partie sa fonction de stockage d’eau et de tampon lors des inondations. Par ailleurs, les digues bordant le Kleine Beek et le Molenbeek, ont été retirées. La passerelle, appelée « Broekpad », permettant de visiter la zone sans perturber l’écoulement des eaux, a été prolongée. Enfin, l’association Natuurpunt empêche la fermeture du biotope par des opérations de fauche.

La présence du Castor d’Europe

La flore de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt est riche et comprend plusieurs espèces rares et/ou protégées, comme le Rorippe à petites fleurs (Rorippa palustris), le Pédiculaire des marais (Pedicularis palustris) ou le Gaillet des marais (Galium palustre).
On y trouve également une entomofaune intéressante, comprenant une belle variété de papillons et d’odonates : citons entre autres le Cuivré commun (Lycaena phlaeas), l’Aurore (Anthocharis cardamines), l’Azuré commun (Polyommatus icarus), la Nymphe au corps de feu (Pyrrhosoma nymphula) ou le Caloptéryx éclatant (Calopteryx splendens).
Les reptiles et les amphibiens recensés incluent le Lézard vivipare (Zootoca vivipara), le Crapaud commun (Bufo bufo), la Grenouille rousse (Rana temporaria) et les Tritons alpestre (Ichthyosaura alpestris) et palmé (Lissotriton helveticus).
Parmi les mammifères présents, le Castor d’Europe (Castor fiber) est certainement le plus emblématique : son activité contribue en effet au fonctionnement écologique de la zone. Notons que le Raton laveur (Procyon lotor), originaire d’Amérique du Nord, est également présent.

Accès et visite

Carte de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique)

Carte de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) : en rouge, le circuit de découverte et (1) le site où un couple de Marouettes de Baillon (Zapornia pusilla) a été trouvé au printemps 2024.
Carte : Ornithomedia.com

Depuis l’autoroute E313 entre Liège et Anvers, prendre la sortie 19 vers Lierre. Au niveau de Lammersberg, suivre la N14 jusqu’au croisement avec la N16 rejoignant Nijlen. Se garer sur l’aire de stationnement proche de la Nijlsensesteenweg, en contrebas du pont métallique enjambant le canal, puis suivre sur 2 km le sentier balisé longeant le Netekanaal jusqu’à un point de vue (point 1 sur notre carte) sur la cariçaie (peuplement de laîches) où un couple de Marouettes de Baillon (Zapornia pusilla) est visible depuis la fin du mois de mai 2024. Parcourir ensuite la suite du sentier faisant le tour de la réserve (longueur totale : 5 km).

Une avifaune nicheuse riche

Une visite au printemps de la réserve naturelle de Viersels Gebroekt permettra d’observer une avifaune nicheuse riche incluant la Sarcelle d’été (Spatula querquedula), le Râle d’eau (Rallus aquaticus), la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur), la Gorgebleue à miroir (Luscinia svecica), le Rossignol philomèle (Luscinia luscinia), le Phragmite des joncs (Acrocephalus schoenobaenus), les Rousserolles verderolle (A. palustris) et effarvatte (A. scirpaceus), la Locustelle tachetée (Locustella naevia), la Bouscarle de Cetti (Cettia cetti), la Fauvette grisette (Curruca communis), le Tarier pâtre (Saxicola rubicola), le Coucou gris (Cuculus canorus) et les Hypolaïs polyglotte (Hippolais polyglotta) et ictérine (H. icterina).

Des surprises possibles durant les migrations et en hiver

Au printemps et en automne, des migrateurs stationnent plus ou moins longtemps dans la réserve : il peut s’agir de limicoles, comme le Vanneau huppé (Vanellus vanellus), la Barge à queue noire (Limosa limosa), les Courlis cendré (Numenius arquata) et corlieu (N. phaeopus), le Combattant varié (Calidris pugnax), le Chevalier gambette (Tringa totanus), le Petit Gravelot (Charadrius dubius), les Bécassines des marais (Gallinago gallinago) et sourde (Lymnocryptes minimus), de passereaux comme les Hirondelles rustique (Hirundo rustica) et de rivage (Riparia riparia), le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe), le Tarier des prés (Saxicola rubetra) et la Bergeronnette printanière (Motacilla flava), ou d’autres oiseaux, comme le Héron pourpré (Ardea purpurea), la Guifette moustac (Chlidonias hybridus), le Busard des roseaux (Circus aeruginosus) et la Marouette ponctuée (Porzana porzana).
Durant la mauvaise saison, des troupes de canards et d’oies se nourrissent dans la réserve, incluant parfois les Oies de la toundra (Anser serrirostris) et à bec court (A. brachyrhynchus) et la Bernache nonnette (Branta leucopsis). La Grande Aigrette (Ardea alba), le Butor étoilé (Botaurus stellaris) et les Hiboux des marais (Asio flammeus) et moyen-duc (Asio otus) sont des hivernants peu communs. 

Nidification d’un couple de Marouettes de Baillon en 2024 

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla)

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) en juin 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Selon le site web Waarnemingen.be, des visiteurs de la réserve avaient entendu et observé le 25 mai 2024 un mâle de Marouette de Baillon dans une grande cariçaie. Il était cantonné et a chanté plusieurs jours de suite, puis une femelle a été notée, et la parade a été observée au début du mois de juin 2024. Le mâle a encore été vu le 7 juin 2024 au moins, la femelle étant plus discrète. Les deux oiseaux ont même été vus manipulant des brindilles.

Écoutez ci-dessous un enregistrement du chant de la Marouette de Baillon réalisé dans la réserve de Viersels Gebroekt (Belgique) le 29 mai 2024 par Fabian Chèvremont (source : Xeno-Canto) :

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla)

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) avec une becquée dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) le 9 juillet 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Cette donnée est vraiment intéressante car la Marouette de Baillon est très rare en Belgique, durant les migrations mais surtout durant la période de nidification. En Wallonie, la première nidification confirmée ne remonte ainsi qu’au mois de juillet 2019 : un couple et trois petits avaient alors été observés dans une cariçaie dans les marais d’Harchies, une zone humide de 550 hectares située à 19 km à l’ouest de Mons et à 25 km au sud-est de Tournai. La nidification a été suivie grâce à des pièges photographiques (lire Utiliser les pièges photographiques pour étudier et observer les oiseaux) et des enregistreurs autonomes.
Au début du mois de juillet 2024, un adulte a été observé avec une becquée et le 8 juillet, deux très jeunes poussins ont été notés. Le lendemain, trois petits ont été comptés.  

Une augmentation du nombre de chanteurs détectés en Europe de l’Ouest depuis quelques années

L’observation d’un couple nicheur de Marouettes de Baillon dans la réserve de Viersels Gebroekt s’inscrit dans le cadre d’une augmentation du nombre de chanteurs entendus ou observés en Europe de l’Ouest depuis quelques années, et notamment depuis 2012 (lire 2012, une année à Marouettes de Baillon en Europe de l’Ouest).
En France, la Marouette de Baillon est un migrateur rare mais régulier dans le sud du pays (lire Où observer les marouettes dans les régions méditerranéennes françaises ?). C’est un nicheur très rare, même si le nombre de couples est difficile à estimer. Elle était probablement nettement plus commune dans le passé, où sa présence était signalée dans la plupart des régions au nord de la Loire, ainsi que dans les grandes zones humides du centre et du sud du pays, comme la Brenne (Indre), la Dombes (Ain) ou la Camargue (Bouches-du-Rhône).

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla)

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) en juin 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

Jusqu’en 2018, seuls quelques chanteurs (moins de dix) étaient repérés chaque printemps dans le pays, mais dans le rapport des oiseaux nicheurs rares publié en 2021 dans la revue Ornithos, on apprend que l’année 2019 a été marquée par un nombre record de mâles vocalisant, avec 19 individus contactés en juin, dont au moins 14 en Grande-Brière (Loire-Atlantique) (lire Observer les oiseaux au pays du roseau : la Grande Brière Mottière) suite à des prospections ciblées nocturnes. Des chanteurs ont aussi été trouvés en Brenne, dans les Landes et dans la Somme. Les milieux fréquentés sont surtout des cariçaies et des peuplements de jussies, et leur surface est parfois très réduite. Il y aurait sans doute davantage de chanteurs de cette espèce que de Marouettes poussins (Z. parva).
Des recherches plus ciblées et plus systématiques menées en 2020 et en 2021 ont permis de confirmer cette hausse du nombre de chanteurs repérés, avec de 19 à 21 en 2020 et de 15 à 19 en 2021, dont 1 à 12 dans la plaine maritime picarde (lire Où observer les oiseaux dans la baie et dans la basse vallée de la Somme ?).
Aux Pays-Bas, la population de Marouettes de Baillon est aussi en croissance depuis plusieurs années d’après l’European Breeding Bird Atlas 2 : en juin 2012, 37 chanteurs avaient été recensés, dont 21 dans la réserve De Onlanden, dans la province de Groningue ! Depuis, le nombre de chanteurs a évolué entre 10 en 2015 et 33 en 2019.
L’afflux du printemps 2012 a aussi touché l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
En Suisse enfin, un mâle chanteur a été découvert au début du mois de juin 2019 dans les marais de la Grande Cariçaie, situés le long de la rive sud du lac de Neuchâtel. La pose et le maintien de pièges photographiques durant toute la saison de reproduction ont permis d’apporter les preuves (trois juvéniles identifiés à la mi-août 2019) du seizième cas confirmé de nidification de l’espèce dans le pays depuis 1906.

Quels sont les facteurs possibles expliquant la hausse du nombre de chanteurs détectés en Europe de l’Ouest ?

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla)

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) en juin 2024 (cliquez sur la photo pour l’agrandir).
Photographie : Marc Fasol

La Marouette de Baillon est une espèce discrète et ses populations sont difficiles à estimer, mais on assiste depuis 2012 au moins à une augmentation du nombre de chanteurs repérés en Europe de l’Ouest. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance :

  • des prospections nocturnes ciblées, par exemple dans les marais de la Grande-Brière (Loire-Atlantique), incluant l’utilisation d’outils de détection acoustique performants (lire Utiliser des Unités d’Enregistrement Autonomes pour étudier les oiseaux), mais aussi de pièges photographiques.
  • Des conditions météorologiques printanières favorables, avec des précipitations modérées ayant permis le maintien d‘un niveau d’eau bas, l’espèce nichant au sol.
  • Des politiques de protection et de restauration de milliers d’hectares de zones humides dans plusieurs pays, comme au Royaume-Uni, en Allemagne et aux Pays-Bas (lire Le Groene Jonker, une vraie réussite).
  • L’augmentation des épisodes de sécheresse dans le sud de l’Espagne, comme dans le parc national de Doñana (Andalousie), ce qui pourrait pousser des marouettes à trouver des habitats plus favorables plus au nord. En 2019 par contre, ce serait un printemps froid et humide (en avril et en mai) dans le sud de l’Europe qui aurait poussé une partie de la population vers le nord, en raison de marais trop inondés pour l’espèce.
  • L’existence de populations importantes mal connues en Europe de l’Ouest. Suite à un programme de captures mené entre 2007 et 2010 en Sénégambie (278 oiseaux attrapés, dont 169 juvéniles, y compris 23 non volants), de nombreuses Marouettes de Baillon avaient par exemple été contactées dans le delta du Sénégal et dans des zones humides en Gambie, dans des marais peu profonds à scirpes (Bolboschoenus sp.) et à Sporobolus sp. (lire Observer les oiseaux dans le delta du Sine-Saloum, l’une des principales zones humides ouest-africaines). Ces oiseaux migreraient durant la saison sèche, et il pourrait exister des « connexions » entre les Marouettes de Baillon d’Afrique de l’Ouest et d’Europe. Suite au réchauffement climatique, ce « réservoir » de marouettes pourrait favoriser la « reconquête » de l’Europe de l’Ouest.

Une vidéo de Marouette de Baillon réalisée dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique)

La vidéo ci-dessous montre une Marouette de Baillon adulte se nourrissant dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) le 21 juin 2024.

Marouette de Baillon (Zapornia pusilla) adulte dans la réserve naturelle de Viersels Gebroekt (Belgique) le 21 juin 2024.
Source : Marc Gorrens

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