Le Courlan brun (Aramus guarauna), appelé “Limpkin” en anglais, est un échassier au long cou et aux longues pattes mesurant de 64 à 73 cm de long et et dont l’envergure est comprise entre 101 à 107 cm. Son plumage est entièrement brun foncé, mais l’avant de son corps est densément tacheté et strié de blanc. Le juvénile est semblable à l’adulte, mais ses marques pâles sont plus fines. Son bec est long et légèrement incurvé : quand il est fermé, un interstice est visible juste avant l’extrémité, cet espace aidant l’oiseau à manipuler les gastéropodes d’eau douce qui constituent la plus grande part de son régime alimentaire, et en particulier ceux du genre Pomacea.

Nord de l'aire de nidification du Courlan brun (Aramus guarauna)

Nord de l’aire de nidification du Courlan brun (Aramus guarauna) et quelques-unes des observations (points rouges) aux États-Unis au cours du mois de septembre 2023.
Carte : Ornithomedia.com d’après eBird

Il vit dans les zones boisées marécageuses le long des cours d’eau et sur les rives des plans d’eau et dans les mangroves, principalement de la Floride au nord de l’Argentine en passant par les Grandes Antilles, l’Amérique centrale, le nord de l’Amérique du Sud et le bassin amazonien. Il est sédentaire, mais les populations les plus septentrionales sont partiellement migratrices.

Aux États-Unis, son aire de répartition s’étendait autrefois probablement du Texas à la Géorgie, mais la destruction de son habitat au cours du XXe siècle avait provoqué une importante contraction de sa distribution, le confinant progressivement dans les marais de Floride (lire Observer les oiseaux dans le sud de la Floride : première partie).

Cette tendance semble toutefois s’inverser : il niche ainsi à nouveau en Géorgie depuis 2016 et en Louisiane depuis 2018. Les observations d’oiseaux étaient autrefois exceptionnelles au nord de son aire de nidification et ne concernaient que des individus isolés, la donnée la plus septentrionale concernant un individu blessé trouvé en Nouvelle-Écosse (Canada) dans les années 1950. Depuis les années 2000, le nombre de Courlans bruns vus en été et en automne aux États-Unis en dehors de la Floride a fortement augmenté, principalement dans l’Alabama, en Géorgie et en Caroline du Sud, mais des oiseaux atteignent désormais régulièrement la Virginie, le Tennessee et le Mississippi.

Depuis quelques années, le nombre de données estivales a même littéralement “explosé” dans l’est des États-Unis, des centaines de courlans, notamment des jeunes, étant signalés jusqu’à la région des Grands Lacs et même la frontière canadienne. Les étés 2022 (qui avait été qualifié “Hot Limpkin Summer” par les observateurs) et 2023 ont été particulièrement remarquables, avec par exemple cette année 24 individus vus dans l’Illinois, plus de six dans l’Ohio et une première donnée pour la Pennsylvanie.

Cette tendance spectaculaire pourrait s’expliquer en partie par les différents épisodes de sécheresse qui ont touché la Floride ces dernières années, forçant ces oiseaux à chercher de nouvelles zones humides, mais plus sûrement par l’introduction involontaire (à partir d’aquariums) de l’escargot Pomacea maculata originaire d’Amérique du Sud aux États-Unis à partir des années 1990. Il est également localement établi en Europe, par exemple dans le delta de l’Èbre (Espagne) (lire Où observer les oiseaux dans le delta de l’Èbre ?)

Du fait de sa grande taille et de sa fécondité, ce gastéropode se multiplie au détriment des espèces indigènes, comme Pomacea paludosa, qui vit dans les marais de Floride. Il est désormais commun du Texas à la Caroline du Nord, et de nouvelles populations sont trouvées chaque année.

Le Courlan brun semble apprécier cette espèce exotique, ce qui a contribué à augmenter son succès de reproduction et donc le nombre de jeunes à l’envol. Le phénomène de la dispersion postnuptiale, au cours duquel des jeunes quittent le territoire où ils sont nés puis parcourent des distances parfois importantes à la recherche de lieux accueillants, avant généralement de retourner vers le Sud, expliquerait la multiplication des observations de courlans en Amérique du Nord. Bien que plutôt sédentaire, un comportement migratoire postnuptial régulier pourrait ainsi apparaître, et le réchauffement climatique pourrait favoriser à moyen terme l’installation de l’espèce dans de nouveaux secteurs.

L’expansion de Pomacea maculata contribuerait aussi à celle du Milan des marais (Rostrhamus sociabilis plumbeus), un rapace se nourrissant de gastéropodes. Autrefois menacé et ne nichant que dans le sud de la Floride, il progresse depuis quelques années dans le nord de cet État. On pensait que l’escargot sud-américain était une proie trop grosse pour ses jeunes, mais il semble s’être adapté morphologiquement : en moins d’une dizaine d’années, des ornithologues ont en effet constaté que son bec était devenu plus grand et que sa masse avait progressé (lire Un escargot exotique invasif favoriserait le Courlan brun et le Milan des marais aux États-Unis). Comme pour le Courlan brun, le nombre de Milans des marais vus en été au nord de l’aire de nidification de l’espèce augmente : par exemple, en octobre 2023, un juvénile a été vu dans le parc de La Presque Isle, sur le lac Érié, en Pennsylvanie.

Vidéo sur la progression du Courlan brun (Aramus guarauna) en Floride (États-Unis).
Source : Wild About Birds

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