Lors de leur migration, de nombreuses espèces d’oiseaux terrestres sont obligées de survoler de vastes étendues marines, et lors de ces étapes, elles ne peuvent pas se poser pour se reposer, boire ou se nourrir. Ces traversées sont encore plus éprouvantes quand les conditions météorologiques sont défavorables : elles doivent alors trouver rapidement une solution afin d’attendre que la situation s’améliore. Le trafic maritime commercial et de loisirs étant intense sur la plupart des mers et des océans du monde, elles peuvent utiliser les navires comme des « étapes mobiles » salutaires (lire Ces oiseaux qui voyagent sur des bateaux). Les plateformes pétrolières peuvent d’ailleurs aussi servir d’escales.

Ce phénomène est peut être moins anecdotique qu’on pourrait le penser : lors d’une campagne océanographique menée dans le détroit de Sicile, en Méditerranée centrale, entre le 16 août et le 9 septembre 2021, des biologistes ont ainsi compté 58 oiseaux appartenant à 13 espèces qui se sont posées ou ont tenté de se poser à bord, dont des limicoles comme le Tournepierre à collier (Arenaria interpres) et des passereaux comme la Fauvette des Balkans (Curruca cantillans), la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) (huit oiseaux), les Gobemouches gris (Muscicapa striata) et noir (Ficedula hypoleuca), le Traquet motteux (Oenanthe oenanthe) ou la Rousserolle effarvatte (Acrocephalus arundinaceus). Certains de ces passereaux ont même passé plusieurs nuits à bord, chassant les insectes disponibles.

Mésange noire (Periparus ater)

Mésange noire (Periparus ater) sur un bateau au large des côtes des Pyrénées-Atlantiques le 27 octobre 2021. 
Photographie : Andréas Guyot

Ce scénario explique certainement l’observation de plusieurs passereaux nord-américains sur les  archipels de l’Atlantique Nord (Açores, Madère et Canaries) ou même en Europe : le British Ornithologist’s Union’s Records Committee considère que c’est certainement le cas des données britanniques des Moqueurs polyglotte (Mimus polyglottos) et roux (Toxostoma rufum), du Tohi à flancs roux (Pipilo erythrophthalmus) et du Bruant à joues marron (Chondestes grammacus), des espèces nord-américaines a priori incapables de traverser naturellement l’Atlantique. Certains pensent également que les Harfangs des neiges (Bubo scandiacus) observés durant l’hiver 2000 dans quelques ports d’Europe de l’Ouest (lire Des Harfangs des neiges en Belgique et aux Pays-Bas) seraient des oiseaux canadiens sauvages pris dans une tempête et qui se seraient  posés sur un cargo traversant l’océan Atlantique, ce rapace hivernant aussi sur la banquise, parfois loin des côtes (lire Le Harfang des neiges, un oiseau marin ?).

Les exemple disponibles dans la littérature sont parfois remarquables : citons entre autres des Moineaux domestiques (Passer domesticus) ayant voyagé à bord d’un bateau reliant Bremerhaven (Allemagne) à Melbourne (Australie), ou un groupe de Moineaux du Cap-Vert (Passer iagoensis) ayant atteint le port d’Hansweert (Pays-Bas) à bord d’un bateau de croisière (lire L’étonnante Odyssée d’un groupe de Moineaux du Cap-Vert).

Situation de la ville de Manaus (Brésil)

Situation de Manaus (Brésil) : un Rougegorge familier (Erithacus rubecula) a été observé en décembre 2022 sur un bateau sur le fleuve Amazone en aval de cette grande ville
Carte : Ornithomedia.com

Le Rougegorge familier (Erithacus rubecula) est un passereau bien connu nichant de la péninsule ibérique à l’ouest de la Russie. En Europe occidentale et centrale, il est principalement sédentaire, mais en hiver, des oiseaux venus de Scandinavie et de Russie rejoignent les populations locales, atteignant parfois l’Afrique du Nord et le Proche-Orient. Il est donc très peu probable qu’il atteigne par ses propres moyens le continent américain.

Sur le site eBird, on apprend qu’un Rougegorge familier a atteint Port Canaveral, en Floride (États-Unis) en novembre 2023 après avoir traversé l’océan Atlantique à bord du bateau de croisière MSC Seashore qui venait de la mer Méditerranée. Il a séjourné dans un atrium avec un toit amovible du bateau, se nourrissant probablement de miettes (voir deux photos).

Toujours sur le site eBird, une donnée (accompagné d’une photo) encore plus remarquable a été publiée en décembre 2022 : un Rougegorge familier a été observé à bord du bateau néerlandais MS Volendam naviguant sur le fleuve Amazone, en aval de la ville brésilienne de Manaus. Il serait monté à bord lorsqu’il a quitté l’Europe et aurait traversé ainsi l’océan Atlantique, et il s’agirait la première donnée nationale de cette espèce.

D’autres d’espèces d’oiseaux terrestres eurasiatiques accidentelles ont été observées au Brésil, parmi lesquelles une Grive mauvis (Turdus iliacus) sur un navire à 150 km au large de l’État d’Espírito Santo en 2013, ou un jeune Faucon hobereau (Falco subbuteo) sur un petit bateau à 955 km au large des côtes de l’État du Rio Grande do Norte et à 0,5 km de l’archipel São Pedro e São Paulo, un site connu des ornithologues du pays pour l’observation d’espèces accidentelles, parmi lesquelles figure Faucon crécerelle (Falco tinnunculus).

Paruline des prés (Setophaga discolor) se reposant sur un bateau au large de Key Largo en Floride (États-Unis) en avril 2012.
Source : Duff Smith

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